Le sommet de l’IGAD, qui s’est tenu ce lundi à Djibouti, a été dominé par la guerre civile au Soudan et marqué par le retour de l’Érythrée au sein de l’organisation est-africaine.
C’est à Djibouti, qui abrite le siège de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), qu’a eu lieu le premier sommet de l’organisation est-africaine en quatre ans. Ce lundi 12 mars, les huit États membres (Soudan, Érythrée, Kenya, Somalie, Éthiopie, Soudan du Sud, Ouganda et Djibouti) ont tenu leur 14e session ordinaire. Si l’IGAD avait organisé récemment plusieurs réunions de crise, elle ne s’était pas réunie en sommet ordinaire depuis 2019.
Outre Ismaïl Omar Guelleh (IOG) pour Djibouti, William Ruto (Kenya), Hassan Sheikh Mohamoud (Somalie), SalvaKiir (Soudan du Sud) et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed avaient fait le déplacement. À l’issue du sommet, IOG a hérité de la présidence tournante de l’organisation.
L’Ouganda et l’Érythrée étaient représentés par leurs ministres des Affaires étrangères. La voix du Soudan était quant à elle portée par le nouveau vice-président du Conseil souverain, l’organe qui assure la transition : il s’agit de Malik Agar, un homme réputé proche du général al-Burhane, qu’une guerre ouverte oppose depuis le 15 avril à son ancien allié, Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemetti.
Crise au Soudan
Sans surprise, la situation au Soudan a dominé les échanges. La veille du sommet, les combats avaient repris sitôt la courte trêve décrétée 24 heures plus tôt arrivée à son terme. Les violences qui font rage depuis des semaines entre Abdel Fattah al-Burhane et son ancien numéro deux, le général Hemetti, à la tête des Forces de soutien rapide (FSR), ont officiellement fait 1 800 morts et 2 millions de déplacés, selon les Nations unies.
Les médiations entreprises jusque-là n’ont pas abouti. Le 8 juin, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Soudan, Volker Perthes, a été déclaré persona non grata par le gouvernement soudanais. Depuis le second putsch, en octobre 2021, l’émissaire onusien se trouvait dans le viseur des islamistes proches du général al-Burhane – ils avaient plusieurs fois réclamé son départ.
C’est dans ce contexte extrêmement tendu que les États ont délibéré. À l’issue des discussions, Ismaïl Omar Guelleh a annoncé que la commission de l’Igad chargée d’instaurer une médiation au Soudan, actuellement composée du Kenya, de Djibouti et du Soudan du Sud, intègrerait désormais l’Éthiopie. Ce nouveau quartet s’est fixé un agenda sur trois semaines, avec pour commencer une rencontre entre la commission de l’Igad et les deux parties prenantes du conflit. « Il n’y a pas encore de date exacte ni de lieu retenus pour l’instant », précise néanmoins à Jeune Afrique le porte-parole de l’organisation, Nuur Mohamud Sheekh.
Une aide alimentaire pour les civils sera ensuite mise sur pied, au cours de la deuxième semaine, avant un retour à un «processus politique inclusif». Un timing optimiste, au regard du peu de succès des précédentes tentatives de médiations, et de l’influence mitigée qu’exerce l’Igad sur le conflit.
Médiations saoudienne et américaine
Depuis le début de la guerre, l’organisation tente en effet de se poser en médiateur, mais les négociations sont aussi menées par des protagonistes extérieurs, les États-Unis et l’Arabie saoudite en tête. Depuis le début du conflit, Washington et Riyad multiplient les tentatives de désescalade, de manière plus ou moins fructueuse. Ils sont parvenus à arracher quelques accords de cessez-le-feu, rarement respectés.
Récemment, les États-Unis ont passé un nouveau cap en sanctionnant le 1er juin quatre entreprises contrôlées par les forces d’Hemetti, et qui assurent à celui-ci des fonds pour financer sa guerre. L’envoyé spécial des États-Unis pour la Corne de l’Afrique, Mike Hammer, n’a pas fait le déplacement à Djibouti, Washington étant représenté au sommet par un chargé d’affaires, qui s’est contenté de saluer les efforts déployés par l’Igad et l’Union africaine. «Les Américains et les Saoudiens savent que ce n’est pas aujourd’hui, dans une session ordinaire de l’Igad, que tout va se jouer», confie une source au sein d’une présidence est-africaine.
«Cette affaire concerne en premier lieu l’Igad, insiste pourtant un diplomate de la sous-région. Nos amis saoudiens et américains sont libres d’apporter leurs contributions aux efforts de paix. Nous accueillons chaque tentative qui va en ce sens. Mais nous devons trouver des solutions nous-mêmes avant d’aller en chercher ailleurs. »
Le retour de l’Érythrée
Le sommet a par ailleurs été marqué par le retour de l’Érythrée, suspendue de l’organisation en 2007. Après une tentative finalement avortée en 2018, Asmara a cette fois bel et bien officialisé son retour. Le ministre érythréen des Affaires étrangères, Osman Saleh Mohamed, a d’ailleurs pris part aux différents travaux aux côtés de ses homologues.
Alors qu’il était en conflit avec la quasi-intégralité de ses voisins, le régime d’Issayas Afeworki s’était déjà rapproché, ces dernières années, du Kenya et de son voisin éthiopien. En février dernier, William Ruto avait accueilli son homologue érythréen pour une visite d’État.
Avec Jeune Afrique