Agression rwandaise, arrestation de SK Della, élections 2023… : invité de France 24, Patrick Muyaya tire à balles réelles sur Moïse Katumbi

Dans un entretien accordé à France 24, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du Gouvernement, est longuement revenu sur l’arrestation, mardi, par les Renseignements militaires, de Salomon Idi Kalonda, proche conseiller de l’opposant Moïse Katumbi. Selon le ministre Muyaya, c’est l’Opposition – dans toute sa diversité – qui attise la violence à travers le pays, à six mois des élections générales. Sans porter des gants, Patrick Muyaya met en cause la sincérité de Moïse Katumbi, soulignant subtilement la proximité du leader d’Ensemble pour la République au Rwanda, pays agresseur de la RDC. Les élections du 20 décembre 2023, le ministre Muyaya y croit fermement. Quand l’Opposition cherche à soulever la rue, Muyaya y voit toute aussi une tentative de retarder les élections de décembre prochain et d’ouvrir la voie au dialogue politique. « La stratégie des opposants, c’est de discréditer d’abord le processus électoral. Depuis le début, essayez de lire leur stratégie. On discrédite le processus électoral, on s’est victimisé et on diabolise », note-t-il. Que retenir de la visite d’Etat du Président Félix Tshisekedi en Chine ? A cette question, Muyaya pense qu’un pas important a été franchi dans le nouveau partenariat entre la RDC et la Chine : « Nous nous sommes ressortis de là avec un accord, avec un partenariat global et stratégique. On a relevé les niveaux des accords. Pour les contradictions qui existent et qui surviennent dans le cadre de ces discussions commerciales, les deux chefs d’État ont convenu que cela doit se traiter dans la sincérité, dans un esprit amical ». Interview.
Ce mardi, Salomon Kalonda, qui est un conseiller proche de l’opposant Moïse Katumbi, a été appréhendé sur le tarmac de l’aéroport de international de N’djili. On voit ces images qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Alors des questions très simples, très factuelles. Qui l’a arrêté ? Pourquoi ? Et où est-il ?
Écoutez, il a été interpellé par les services de renseignement. Le moment venu, ils pourront communiquer et donner des détails sur les circonstances de son arrestation.
Je reviens de Pékin et donc dès que j’arrive à Kinshasa, je m’informerai davantage et on communiquera comme nous communiquons habituellement. Mais ici, il faut noter que ça fait un peu suite aux événements que nous avons vécus récemment, où il y a eu beaucoup, beaucoup de violence. Et la violence, d’abord, d’où qu’elle vienne, en démocratie, elle n’a pas de place.
Vous avez vu notamment Martin Fayulu, qui est un des quatre opposants, demander à des jeunes, visiblement chauffés, de lancer des pierres en direction de la police. Il y avait des enfants qui ont été en première ligne de ces actes de violence. Nous avons dénoncé, condamné. Le président de la République, d’ailleurs, s’est personnellement déplacé au chevet de cet enfant de 12 ans parce que nous tous, nous avons été choqués par les images de la violence policière sur ce jeune enfant. Il a visité autant de policiers. Nous avons tous condamné. Nous espérons que ceux qui pensent que recourir à la violence, c’est la stratégie qu’il faut pour passer des messages politiques, ils se trompent parce que la République Démocratique du Congo veut consolider son processus démocratique.
Et la démocratie se consolide dans le respect de règles et non pas par le recours à la violence. Donc, cette arrestation serait liée à cette violence ? Je ne saurais pas spéculer. Je ne saurais pas spéculer. C’est même l’hypothèse que vous rejetez ?
C’est une hypothèse parce que lorsque vous regardez les choses telles qu’elles s’étaient passées ce 20 mai là sur le terrain, il y avait eu des organisations, il y avait eu des messages qui n’ont pas été condamnés. D’ailleurs, du reste, des éminents membres du parti de Moïse Katumbi qui appelaient à attaquer une ethnie. Je ne citerai pas, sinon je ferai leur jeu. Mais en même temps, qu’ils disaient qu’il y aurait des morts.
Ils ont prédit des morts. Ça veut dire que c’était une violence préméditée et organisée préalablement. Nous, ce que nous avons dit, au moment où je vous parle d’ailleurs, les policiers qui ont été responsables de la bastonnade du jeune enfant sont traduits devant l’auditorat. On a dit que la lumière devrait être faite sur tout ce qui s’est passé.
Et on espère que les enquêtes pourront nous donner plus d’éclairage. Alors, dans un communiqué commun publié ce mercredi, plusieurs opposants, dont Martin Fayulu et évidemment Moïse Katumbi, parlent d’enlèvement brutal. Ils dénoncent les violations graves et les, je cite, les dérives dictatoriales du régime de Félix Tshisekedi.
Alors, évidemment, on arrive en période électorale, mais est-ce qu’on ne joue pas avec le feu ?
Mais écoutez, c’est simple. La stratégie des opposants, c’est de discréditer d’abord le processus électoral. Depuis le début, essayez de lire leur stratégie. On discrédite le processus électoral, on s’est victimisé et on diabolise.
Donc, c’est ça la stratégie. Il n’y a rien d’étonnant dans ce qu’ils disent. Mais Marc, vous conviendrez avec moi que lorsque vous voulez être des démocrates, il faut respecter les règles. Et que les règles qui avaient été convenues, notamment le jour de l’organisation de la marche, n’ont pas été respectées. Ils ont été faire un sit-in à la CENI.
D’ailleurs, si vous regardez, et la marche et les sit-in, c’est des flops, parce que Kinshasa, c’est 15 millions d’habitants, il n’y a peut-être pas 500 ou 600 personnes qui les accompagnaient. C’est dire que ce n’est pas un discours qui porte dans un contexte où le Congolais veut aller voter. On leur a fait un couloir pour qu’ils aillent rencontrer le bureau de la CENI et qu’ils discutent des préoccupations qui sont les leurs. Ils ont refusé. Donc, soit qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent, soit qu’ils veulent le chaos. Ils espèrent pouvoir tirer profit du chaos de je ne sais quelle manière. Dans un contexte où nous avons des foyers de tension dans le pays, on en parlera, notamment la crise dans l’Est, nous avons un conflit aux portes de Kinshasa. Et lorsque nous mettons tout ça en mouvement, on s’interroge véritablement sur la véritable motivation. On sent, et certains disent qu’il y a une convergence, notamment entre certains de ces leaders et ce qui se passe dans l’Est. De toute évidence, à ce jour, on n’a jamais entendu Katumbi parler, comme tous les Congolais, contre l’agression rwandaise, contre le président Kagame.
Il faut bien qu’à un moment donné, les choses puissent être clarifiées de ce côté-là, de par leur position et de par le rôle qu’ils veulent jouer. On ne peut pas leur opposer, leur refuser d’avoir des revendications démocratiques.
Mais lorsque l’objectif, c’est de commencer à semer le chaos dans un contexte où le gouvernement, quand il regarde le tableau général, … gère de crise dans quelques coins de la République, c’est dire que si ça ne répond pas à un schéma général de déstabilisation.
Alors, est-ce que vous voulez dire que Moïse Katumbi servirait d’allié au Rwanda pour déstabiliser la RDC, peut-être pour repousser les élections ?
Je ne saurais pas le dire, mais il faudrait bien que lui, à un moment donné, dise clairement c’est quoi sa position par rapport à l’agression rwandaise. Les élections se tiendront en décembre, oui ou non, parce qu’évidemment, il y a les contestations, le fichier électoral, la CENI, il y a les troubles à l’aise.
Écoutez, malheureusement, Marc, c’est un peu triste, mais c’est l’histoire de la RDC. Depuis 2006, depuis qu’on a commencé les processus électoraux, à chaque processus, il y a des problèmes. Vous avez vu qu’en 2006, le président, les candidats, Étienne Tshisekedi, il n’avait pas participé aux élections.
Et donc c’est malheureusement cela. Moi qui vous parle, je me suis battu avec les autres d’ailleurs pour que nous puissions avoir un processus électoral apaisé, différent. Il y a des gens qui œuvrent pour que ce processus se tient et d’autres qui ont fait le choix de ne regarder que les difficultés qui sont inhérentes d’ailleurs, dans un processus complexe, dans un pays si immense, pour dire bon voilà, nous allons jeter le discrédit, parce qu’en réalité, ce qu’ils veulent, c’est le dialogue, ils veulent le glissement. Mais en considérant l’ancrage démocratique que nous voulons avoir et le souci du président de la République d’assurer la régularité du processus électoral, on ne peut pas négocier avec les délais constitutionnels.
Donc les élections auront lieu en décembre. En tout cas, les élections auront lieu en décembre. Nous, le gouvernement, nous avons notre tâche dans le cas de ces processus. Les financements, les élections, nous ne faisons rien ? La sécurisation, nous y travaillons. Les autres parties prenantes, notamment les partis politiques, doivent répondre à leur appel parce que les questions techniques qu’il y a à l’organisation des élections, il faut plutôt s’orienter vers la CENI et l’organe indépendant qui comprend tout le monde, y compris des membres d’ensemble, y compris des membres d’ensemble de Moïse Katumbi. Donc il faut bien qu’ils aillent de ce côté-là. Nous, nous nous préparons plutôt à présenter le bilan du Président Tshisekedi, qui est un bilan qui replace la RDC, qui refait les fondations de la RDC. Et nous espérons pouvoir continuer avec les murs, avec lui, dans l’hypothèse où les Congolais acceptent de lui accorder leurs suffrages en décembre prochain.
Alors le bilan, il y a aussi quand même la situation dans l’Est. Vous l’avez mentionné en passant, l’instabilité continue. Il y a une force de la communauté des États d’Afrique de l’Est qui a été envoyée, ouvertement critiquée par le président, qui a dit en gros, d’ici la fin du mois de juin, je n’en veux plus, ils s’en vont, ils vont être remplacés par une force des États d’Afrique Australe. Est-ce que c’est ce qui est en train de se passer ?
Écoutez, la situation dans l’Est, la RDC, c’est une situation complexe qui dure depuis 30 ans. Et lorsque vous avez un État mercenaire qui s’appelle le Rwanda, qui a vécu en réalité, qui s’est construit économiquement sur cette situation de guerre, vous avez évidemment des difficultés à les régler immédiatement.
Parce que la problématique de la sécurité dans l’Est de la RDC, c’est une problématique régionale. Les groupes armés dont on parle, quand on parle des ADF, c’est des terroristes affiliés à Daesh. Quand on parle des FDLR, c’est des génocidaires, des forces génocidaires rwandaises. Quand on parle de RETABARA, ils viennent du Burundi.
On ne peut pas régler les problèmes de nous-mêmes. C’est pour ça que nous essayons de les regarder, mais de manière, dans un prisme global, avec les acteurs impliqués. C’est vrai, avec l’EAC, nous avons eu des problèmes. C’est un échec, c’était une erreur. Je ne pense pas que l’intention de départ était une erreur, mais c’est dans la pratique.
Parce qu’il y a des individus qui ont voulu s’écarter du schéma qui était le schéma initial. Ici, Marc, ce qui est le plus important, c’est que nous pensons avoir mis en place une dynamique qui va nous permettre, avec tous les pays de la région qui veulent, et c’est encore ici l’occasion de rappeler la responsabilité de la France, parce que le président Macron à Kinshasa avait par exemple promis que ceux qui ne respecteraient pas la feuille de route d’Ouganda, ils seront sanctionnés. Nous attendons de voir, parce que c’est clair que la feuille de route n’a pas été respectée, parce que les M23 et le Rwanda, d’ailleurs, sont en train de préparer des déclarations militaires dans l’Est.
Ecoutez, le président Macron avait promis à Kinshasa de manière solennelle, et on espère que le président Macron pourra faire sa part. L’idée ici, c’est de nous assurer, parce que nous, nous voulons consolider notre démocratie. Nous ne sommes pas heureux, parce que certains compatriotes n’ont pas pu se faire enrôler dans les bonnes conditions, mais nous devons avancer vers les élections. Il vaut mieux que tous les partenaires de la République Démocratique du Congo puissent s’engager pour que le processus électoral puisse se tenir d’une part, et pour que nous puissions régler dans la durée la situation sécuritaire dans l’Est, d’autres part.
Donc, est-ce qu’il y aura des forces de la SADC qui vont remplacer celles de la force d’Afrique de l’Est ?
Écoutez, le président de la République l’a dit, nous verrons, parce qu’il y a des réunions entre états-majors qui vont se tenir, je crois à Bujumbura, il y a des réunions dans le cadre de l’EAC. Le moment venu, nous communiquerons dans l’État de ce qui doit être fait. Mais les soucis principaux, c’est de nous assurer que nous réglons les problèmes. Mais d’une part, les principaux problèmes ne pourraient être réglés que par nos forces armées.
Et là, nous travaillons de manière, d’ailleurs, inédite, depuis les années 60, avec une politique de la défense claire, une loi de programmation adoptée, des programmes de formation. Nous espérons que nous allons assurer la montée en puissance de nos forces armées pour régler définitivement ce type de problèmes.
En attendant, les signaux qui arrivent de la région sont plutôt inquiétants, notamment autour de Goma, vous pouvez les déclarer ?
Oui, bien sûr, parce que nous avons des informations qui donnent ces renseignements. Et ça ne nous étonne pas, parce que nous connaissons l’attitude du président Kagame.
Vous revenez de Chine, vous y étiez pour une visite d’État très importante. Alors on se souvient que le président Tshisekedi avait annoncé, notamment, son intention de renégocier ce qu’on appelle le contrat du siècle, qui avait été négocié sous Joseph Kabila en 2007. En gros, la Chine bénéficierait des matières premières contre des infrastructures. Un contrat qui, d’après l’Inspection générale des Finances, était du bradage, du néocolonialisme. Mais on n’a pas vu vraiment de résultats concrets. Est-ce que, en effet, le président Tshisekedi a réussi à renégocier son contrat ?
D’abord, je dois planter le décor pour vous dire qu’il s’agissait principalement du contrat Sicomines. On a fini la feuille de route entre les deux parties, et nous nous sommes déjà accordés sur les conditions des négociations qui vont se faire, d’ailleurs, les jours qui viennent. Ça, c’est pour ce qui concerne Sicomines. Pour ce qui concerne TFM, il y avait déjà une solution qui avait été trouvée avec la Gécamines, il y a deux semaines. Donc les questions des négociations de contrat ne faisaient pas l’objet de la visite d’État.
Nous nous sommes ressortis de là avec un accord, avec un partenariat global stratégique. On a relevé le niveau des accords. Pour les contradictions qui existent et qui surviennent dans le cadre de ces discussions commerciales, les deux chefs d’État ont convenu que cela doit se traiter dans la sincérité, dans un esprit amical.
En d’autres termes, que la RDC ne va pas recourir à l’arbitrage ou à la justice, parce que nous avons déjà tracé la voie qui nous permettra de trouver la solution, parce que les parties chinoises concernées ici, les entreprises, ont reconnu leur responsabilité dans les choses qu’elles ne faisaient pas auparavant.
Ils se sont engagés à corriger. Et ça, c’était même avant qu’on aille en Chine. On espère que dans le jour qui vient, nous pourrons recouvrer les ressources qu’il faut. Parce qu’il faut consolider les programmes de gratuité de l’enseignement. Il faut consolider les programmes de couverture de santé universelle. Mais c’est toutes ces choses qu’on va présenter aux Congolais durant la campagne, parce que nous avons replacé avec le président Tshisekedi les fondations pour recréer et refonder ce pays.
Retranscris par Tighana Masiala