Incendies des villages, kidnappings et déportations des habitants des villages du territoire de Mbanza-Ngungu, dans le district des Cataractes (Kongo Central). Voilà la situation qui prévaut actuellement dans la province du Kongo Central. Le gouvernement central est conscient de la gravité de la situation et craint que le syndrome de Kwamouth n’atteigne le Kongo Central où tout est parti d’un banal conflit foncier avant de dégénérer.
C’est l’élu du territoire de Kasangulu, Pierre Nsumbu, qui a alerté l’Assemblée nationale, suite à une motion d’information, sur la situation qui prévaut actuellement dans le district des Cataractes avec des incendies des villages, kidnappings et déportations des habitants des villages dans le territoire de Mbanza-Ngungu.
Le dossier a été évoqué lors de la réunion du Conseil des ministres du vendredi 14 octobre 2022.
Lors de cette 73ème réunion hebdomadaire du gouvernement, le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a, dans son intervention, stigmatisé le caractère inadmissible de l’usage de pratiques illégales frisant le banditisme dans les transactions foncières en milieu coutumier, dans certains cas avec la complicité des autorités judiciaires et politico-administratives, qui viennent perturber durablement la paix sociale au sein d’une même communauté locale. Car, déplore-t-il, en dépossédant ainsi les paysans de leurs terres, il est porté atteinte à leurs droits socio-économiques.
Sur un ton ferme, le Président de la République a rappelé son intransigeance quant au phénomène des conflits communautaires, quelles qu’en soient la nature et l’origine.
Il a chargé le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Décentralisation et Affaires coutumières et la ministre d’État en charge de la Justice ainsi que le gouverneur de la province du Kongo Central de prendre les mesures nécessaires pour faire toute la lumière sur ces faits, d’établir les dysfonctionnements éventuels dans le chef des autorités judiciaires et politico-administratives afin de cesser ces pratiques, et de rétablir l’ordre public dans le respect des lois de la République.
Partant de cette situation déplorable, le Président de la République a chargé tous les gouverneurs de province à activer les mécanismes de veille et de prévention des conflits communautaires afin de prévenir et de favoriser la cohésion provinciale.
Pour rappel, l’élu de Kasangulu qui a dénoncé les faits du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, a parlé, dans le premier cas, de pertes en vies humaines, de 85 maisons incendiées, de 835 sans-abris et de nombreux blessés par arme blanche. Dans le deuxième cas, il a fait état de pertes en vies humaines, de 26 maisons incendiées et détruites dans deux villages, de perte d’argent et des biens de valeur, de meubles et autres biens embarqués à bord de deux véhicules qui les déposent au bureau administratif du secteur.
«C’est donc un enlèvement, une déportation motivée par la volonté d’occupation», soutient-on.
Ces événements, étranges et inédits vécus dans cette partie de la République Démocratique du Congo, sont contraires aux us et coutumes des Ne Kongo.
Rappel des faits
A la suite des conflits fonciers récurrents dus à la vente systématique des terres et exacerbés par des procès interminables dans des cours et tribunaux, les habitants de deux hameaux du village Ntuala dans le groupement Luvaka et secteur de Gombe Sud se sont affrontés le 8 août 2022 et le bilan fait de 85 maisons incendiées, 835 sans-abris et de nombreux blessés spécialement par des «kuluna» (bandits urbains) recrutés par l’un de deux camps à Kwilu-Ngongo.
Tout est parti d’un vieux conflit foncier au sein d’une même famille dont une première décision date de 1966 en faveur d’un camp, avant qu’une autre décision judiciaire en appel de l’autre camp ne soit prononcée en 1994. Curieusement, c’est 28 ans après, c’est-à-dire le 27 septembre 2022, que le Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu va procéder à l’exécution de déguer-pissement. Les faits se sont passés au village Kimbongo, aux deux hameaux de Lufulu et Kilumbu, groupement de Lovo et secteur de Boko, territoire de Mbanza-Ngungu.
Ce jour-là, un huissier de justice se fait accompagner de quinze policiers et d’un grand nombre de «kuluna» recrutés à Kisantu (à 7 km des lieux), probablement par la partie qui aurait gagné le procès en 1994. Commence l’inédit : les policiers sortent de leurs maisons les occupants et défoncent les portes des habitations des villageois absents et font sortir leurs biens de leurs habitants.
Les habitants présents et leurs biens sont embarqués à bord de deux véhicules apprêtés pour la circonstance et déposés devant le bureau administratif du secteur de Boko, situé à une trentaine de km. Pire, les maisons couvertes de paille sont démolies et incendiées et celles en tôles complètement saccagées.
La partie qui aurait gagné le procès a vendu tout l’espace, y compris villages et cimetière. Voilà des compatriotes chassés de leurs villages au profit d’une personne non autrement identifiée, présentée comme le nouveau propriétaire.
A ce jour, les sinistrés n’ont reçu aucune visite, ni assistance des autorités attitrées, apprend-on.
Au moment où l’on parle infiltration, les faits d’une telle gravité méritent d’être examinés à la loupe pour en saisir les contours et les prévenir, le cas échéant.
Il faut déjà craindre la fameuse «main noire» qui agit dans la partie Est de la RDC et dans le Maï-Ndombe, à Kwamouth.
Tighana MASIALA