Deux colonels de la Garde républicaine (GR) et quatre soldats de 2ème classe ont été présentés mardi devant la Cour militaire du Nord-Kivu comme les présumés coupables du carnage de Goma qui a fait une quarantaine de morts, selon le Gouvernement, dans une fusillade orchestrée par des militaires présentés comme éléments de la Garde républicaine. C’est en présence de la délégation gouvernementale, dépêchée dans la ville de Goma, que s’est ouvert ce procès. De lourdes charges pèsent sur les premiers coupables, considérés comme les principaux responsables de ce carnage. En effet, la justice militaire a retenu les infractions de «crime contre l’humanité par meurtre, destruction méchante des matériels militaires et incitation aux militaires de commettre des actes contraires à leurs devoirs» contre les six éléments de la GR. A en croire le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité, le Gouvernement s’est engagé à faire toute la lumière sur cette tuerie de masse, promettant de n’épargner quiconque se serait rendu coupable des actes punis par la loi. Un communiqué du ministère de la Communication et Médias a d’ores et déjà annoncé le rappel à Kinshasa, pour «consultation» du gouverneur-militaire de la province du Nord-Kivu, le lieutenant-général Constant Ndima. Ses témoignages seront précieux dans l’issue du procès ouvert à Goma.
A Goma, le procès des présumés coupables du carnage perpétré, le 30 août 2023 dans la ville, qui s’est finalement terminé par un lourd bilan de 43 morts et plusieurs blessés, selon le Gouvernement, s’est ouvert mardi devant la Cour militaire du Nord-Kivu.
Dans le box des accusés, on retrouve six éléments de la Garde républicaine, cette unité spéciale des Forces spéciales des Forces armées de la RDC chargée de la protection du Président de la République.
Ainsi, le colonel Kalamba Mikombe Mike et le colonel Bawili Donatien ainsi que Kabanda Kabanda Idriss, Mbaya Mbaya Fabrice, Mwati Musegwa, Amita Bangala Daniel, tous soldats de 2ème classe de la GR, sont poursuivis pour : «crime contre l’humanité par meurtre, destruction méchante des matériels militaires et incitation aux militaires de commettre des actes contraires à leurs devoirs ».
Pour que tout se passe dans l’ordre et dans le strict respect de la loi militaire, la délégation gouvernementale, arrivée dimanche dans le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, a assisté au début de ce procès. Il y a eu cependant une présence remarquée, celle du gouverneur-militaire de la province du Nord-Kivu, le lieutenant-général Constant Ndima, rappelé, depuis lundi, à Kinshasa pour « consultation » par sa hiérarchie, selon un communiqué du ministre de la Communication et Médias daté du 4 septembre 2023.
Pour l’instant, le procès de Goma est encore loin de livrer son secret. On sait néanmoins que deux colonels et quatre soldats de la GR sont les premiers présumés coupables à se présenter devant la justice militaire. Les juges militaires ont le devoir de démonter les éléments du puzzle pour comprendre ce qui s’est réellement passé dans la journée du mercredi 30 août 2023.
Il y a des questions basiques auxquelles la population voudrait avoir des réponses précises : Qui a planifié cette opération ? Qui a donné l’ordre de tirer à bout partant ? Pourquoi n’a-t-on pas fait appel à la Police nationale pour assurer l’ordre public ?
Le gouverneur-militaire du Nord-Kivu et le maire-policier de la ville de Goma paraissent à ce titre des éléments centraux du puzzle que tentera de reconstituer les juges militaires de Goma pour faire éclater la vérité sur ce qui s’est passé le 30 août 2023 dans le chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Autant de questions qui méritent des réponses bien précises pour élucider l’énigme qui se cache derrière ce carnage de Goma que la Cour militaire du Nord-Kivu n’a pas hésité à qualifier de «crime contre l’humanité ».
L’armée étant un service commandé, l’ordre est venu sûrement de quelque part ? C’est la zone que les juges de LA Cour militaire du Nord-Kivu devront éclairer. Il s’agit de rendre justice aux morts de Goma qui n’ont finalement commis qu’un seul péché, c’est-à-dire réclamer le départ des troupes de la Monusco qui ont nettement démontré leur incapacité à ramener une paix durable dans la partie Est de la RDC.
Les instructions fermes du Chef de l’Etat
Vendredi en Conseil des ministres, le Président de la République, Félix Tshisekedi, n’a pas caché sa colère au regard des évènements tragiques de Goma
«C’est avec colère, effroi et consternation que le Président de la République a appris le décès, le 30 août 2023, de près d’une cinquantaine de personnes brutalement fauchées au cours d’une manifestation dans la ville de Goma, des suites d’une intervention de nos forces de l’ordre. Cet évènement malheureux, ne peut que faire l’objet d’une forte désapprobation et d’une forte condamnation tant elle est incompatible à la vie en démocratie, d’une part; et d’autre part, à la mission constitutionnellement dévolue aux FARDC », pouvait-on lire dans le compte-rendu de la réunion du Gouvernement, présenté par le ministre Patrick Muyaya de la Communication et Médias.
A cet effet, le Président de la République a appelé la Justice à « faire la lumière sur ce drame et à établir les responsabilités, tout en soulignant que ce drame ne peut demeurer et ne demeurera pas impuni». Il a, par la même occasion, lancé de nouveau un appel aux forces de l’ordre «dans les efforts devant être mis en œuvre dans le registre de la prévention et du dialogue avec la population qu’elle a la noble mission de protéger.
Enfin, le Chef de l’Etat a instruit le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Sécurité et Affaires coutumières, celui en charge de la Défense et Anciens combattants ainsi que la ministre d’État en charge de la Justice et Garde des sceaux de « lui faire rapport, dans les plus brefs délais, sur les circonstances qui ont mené à cet effroyable drame pour que, très rapidement, des sanctions sévères puissent être prises contre tous ceux qui en étaient responsables ».
L’affaire étant désormais devant la justice militaire, on attend que la vérité éclate au grand jour en condamnant les vrais coupables. C’est la meilleure façon d’honorer les morts injustes de Goma, un « crime contre l’humanité » qui ne manquera pas d’attirer l’attention du procureur près la Cour pénale internationale (CPI).
On est donc parti pour un procès dont les répercussions pourraient s’étendre au-delà des frontières de la RDC. La justice militaire congolaise a ouvert une brèche en faisant part des griefs prévus dans le Traité de Rome créant la CPI.
Econews