Des experts doutent de la capacité financière de la société turque Milvest Akaryakit Finansve Ticaret A.S. Sarlu qui a remporté un chapelet de grands chantiers dont les coûts culmineraient à plus de 4 milliards de dollars.
Des sources généralement bien renseignées rapportent que la société turque a bénéficié des emprunts auprès de quelques banques commerciales de la place sous la couverture de l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, qui a engagé l’État congolais comme caution dans ce deal. L’opération cache mal une tricherie tendant à couvrir un entrepreneur censé préfinancer les travaux pour les marchés gagnés auprès de l’Etat. « Quand on gratte, les cadavres sortent des tiroirs ».
Milvest s’est endettée pour lancer les chantiers avec le gage du gouvernement. Pire scénario. Telle une passe en or, un courrier signé de la main de Nicolas Kazadi en date du 2 mars 2024 et adressé à deux banques commerciales de la place de Kinshasa, a tout déclenché et ouvert les robinets au profit de Thuran Mildon. Kazadi y détaille les contrats signés avec l’homme d’affaires et ses sociétés, il prend aussi des engagements au nom de la République pour mettre les banques en confiance.
Ouragan et AfricaNews ont eu accès à cette sorte de «sésame, ouvre-toi» et ont pu le consulter. Tout ça fait jaser, tout ça fait spéculer quand on sait que Nicolas Kazadi a recouru près de 25 fois à l’avion de Thuran Mildon pour ses voyages, officiels ou privés.
La société Milvest Akaryakit Finansve Ticaret A.S. SARLU a signé à ce jour les contrats portant sur l’exécution des travaux de construction du Centre financier de Kinshasa. Il s’agit du Contrat daté du 20 novembre 2022 pour un montant de 150 000 000 USD. Ce montant englobe l’exécution des travaux de construction du Centre de Congrès et l’immeuble du siège de l’Office des routes. L’autre contrat daté du 7 juillet 2022 pour un montant de 140.000.000 USD porte sur l’exécution des projets des routes et de ponts Mukilango.
Nicolas Kazadi a aussi facilité le contrat daté du juillet 2023 pour un montant de 6.000.000 USD relatif à KFC & KCC et des travaux d’Infrastructure et Connexion des réseaux. Il est aussi fait mention du contrat daté d’août 2023 pour un montant de 6.939.350 USD relatif à la construction de la façade et du paysage du Palais de justice. Notons aussi le contrat daté d’août 2023 pour un montant de 6.285.825 USD. Tous ces contrats ont été acquiescés par l’ex-argentier national congolais.
Pourtant, Milvest se vante sur son site, d’avoir réalisé plusieurs investissements clés en RDC, notamment la construction du plus grand centre financier de Kinshasa, en partenariat avec le gouvernement congolais. Ce centre abritera des institutions importantes telles que les ministères des Finances et du Budget, la Direction générale des Impôts, l’Auditorat général des finances, le Secrétariat central des Finances et la Banque de développement. Avec un investissement de 290 millions de dollars et un préfinancement de 265 millions d’euros, ce projet, indique la direction du géant turc de construction, souligne l’engagement financier significatif de Milvest.
«Gros mensonge », hurle un lanceur d’alerte. Et d’ajouter : «Il n’y a eu aucun financement. Tout a été couvert par l’Etat ».
Parmi les autres projets phares, on compte la construction d’un nouvel aéroport international de N’djili à Kinshasa, avec un investissement prévu de 1,2 milliard de dollars sur une concession de 29 ans, ainsi que celle d’une salle multifonctions -Arena- de 20 000 places près du stade des Martyrs à Kinshasa.
Selon les agents du ministère des Infrastructures et travaux publics, Turhan Mildon a profité de la faiblesse de l’administration congolaise. Ils sont sidérés de constater que l’homme d’affaires turc a engrangé des fonds importants de l’État congolais pour la construction des immeubles du centre financier là où son entreprise était censée préfinancer les travaux. Si ces multiples marchés peuvent contribuer au bilan du régime, leur mauvais côté reste les scandales frisant la corruption qui l’entourent et tendent à diluer la lutte lancée contre ce fléau par le président de la République. A la face du monde, l’ancien argentier national avait prétendu que le financement provenait de cette société. Faux et archifaux, tranche un expert du ministère des Travaux publics.
Si au ministère des Infrastructures, on attend encore des explications du secrétariat général des Finances sur le projet, Turhan Mildon et son réseau peuvent se frotter les mains. Le patron turc est heureux d’avoir réussi son grand deal. Mais Turhan, apprend-on, devra s’atteler à rembourser les crédits contractés. S’il traîne à s’exécuter, un procès pourrait lui être intenté, a-t-on appris dans les milieux bancaires.
Landry Amisi et Kisungu Kas (Africanews)