Chute de Kabund-a-Kabund : Gouvernement et bureaux des chambres, chambardement en vue

C’est fini pour Jean-Marc Kabund-a-Kabund. L’Union sacrée de la nation, sa famille politique, et l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), le parti présidentiel, ont marqué en encre indélébile son départ au poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale, prenant acte de sa démission, annoncée le vendredi 15 janvier 2022 sur son compte twitter. Plus rien ne pourrait sauver Kabund. Même si son cabinet annonce un rétropédalage, à l’Hémicycle, son sort a été déjà scellé. Kabund partira. C’est une certitude. Mais, dans sa chute, il entraînera un profond bouleversement dans l’échiquier politique national. L’impact de son éviction aura des effets autant sur le Gouvernement que dans les bureaux de deux chambres du Parlement. Il y a un chambardement en vue, pour un nettoyage en règle à tous les niveaux.

Le départ de Jean-Marc Kabund de ses fonctions de 1er vice-président de l’Assemblée nationale est irréversible. Une chose est sûre, il ne tombera pas seul parce que la fin de Kabund au sein du pouvoir UDPS entraînera aussi la fin politique de nombreuses personnalités.

La première conséquence sur le plan institutionnel est qu’il y aura chambardement. Des animateurs des institutions proposées par le président intérimaire de l’UDPS n’ont plus une longue vie. Sans parler de chasse aux sorcières. Ce qui va se passer ne sera pas très loin de cet état de choses. Des mandataires publics, ministres et autres conseillers parrainés par Jean-Marc Kabund savent désormais que leurs jours sont comptés parce qu’il y aura nettoyage.

Le remue-ménage qui s’annonce va être un tournant déterminant dans le mandat du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, qui ne cache pas sa volonté de rempiler. Comment peut-il en être autrement lorsque régulièrement des situations néfastes sur la crédibilité du régime sont enregistrées, mettant à mal la gouvernance du pays.

Lorsqu’un 1er vice-président de l’Assemblée nationale démissionne sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, il y a de bonnes raisons de s’interroger sur les motivations profondes qui ont poussé Kabund à discréditer l’autorité du Chef de l’Etat, en ordonnant de désarmer un militaire de la Garde républicaine. En assumant la responsabilité de cet acte, Jean-Marc Kabund a décidé d’affronter directement et frontalement le Chef de l’Etat.

En décidant de démystifier le pouvoir qu’il est censé défendre, Kabund a fait le choix du départ pour une autre destination. Il a fait le choix de déstabiliser le pouvoir de Tshisekedi.

Carrés miniers illégaux

La question qui préoccupe les observateurs est celle de savoir qu’est-ce qui s’est passé pour que le président intérimaire de l’UDPS perde la tête? Tentative de réponse sur les produits de vente enregistrés dans le secteur minier.

Selon des sources, Jean-Marc Kabund a vendu des carrés miniers dans le Grand Katanga avec la bénédiction du ministre national des Mines. Le contraire aurait étonné parce que Mme la ministre rend l’ascenseur à celui qui lui avait permis de retrouver ce juteux et stratégique ministère.

Ayant atteint son objectif en se faisant un trésor de guerre conséquent, le 1er vice-président de l’Assemblée nationale a estimé être arrivé au niveau voulu. Vendre des carrés miniers rapporte gros. Dans la tête de Kabund, les fonds amassés suffisent pour s’engager dans une aventure. Pari risqué !

Nettoyage à fond

Avec cet épisode des mines, tous les bénéficiaires des faveurs de Jean-Marc Kabund doivent désormais s’inquiéter. Au-delà, il faut aussi le prendre pour acquis que désormais, les équilibres ne seront plus les mêmes et le Chef de l’Etat se chargera de recréer et de rétablir les équilibres perdus.

Le chambardement que va provoquer la chute de Kabund va commencer d’abord au sein du cabinet présidentiel. Plusieurs conseillers vont perdre leurs postes. Ce n’est pas un secret. Tous ceux qui sont dans le cabinet du Président de la République par le fait de Kabund vont être priés de débarquer.

L’onde de choc sera aussi ressentie au Gouvernement où les ministres, comme celle des Mines ou celui de l’Intérieur devront manquer de sommeil. Leurs jours sont comptés. De la même manière, les bureaux de deux chambres du Parlement sont également concernés. De nouveaux animateurs sont consultés pour occuper ces fonctions.

Le «baobab» Kabund va emporter avec lui de nombreux animateurs des institutions.

En mars prochain, Christophe Mboso N’Kodia Pwanga et Modeste Bahati Lukwebo, présidents respectivement de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que leurs bureaux respectifs vont traverser une zone de très fortes turbulences. Il y aura très peu de rescapés.

Mboso, le Ponce-Pilate

Pour l’instant, craignant d’être emporté par la vague Kabund, Christophe Mboso, président de l’Assemblée nationale, a eu mercredi des échanges avec l’administration de la chambre basse du Parlement.

Aux côtés des membres du bureau de l’Assemblée nationale, Mboso a circonscrit, à sa manière, l’épilogue Kabund.

«Dès l’annonce des incidents survenus à la résidence  privée du 1er vice-président, le bureau a échangé avec certaines autorités, y compris le Chef de l’État qui m’a prodigué quelques conseils», a rappelé le speaker de la chambre basse du Parlement, indiquant avoir effectué, juste après ces incidents, une descente à la résidence de Kabund pour lui prodiguer «quelques conseils », lui demandant de ne pas quitter son poste au bureau.

Comme Ponce-Pilate, Christophe Mboso estime avoir joué sa partition, se mettant désormais loin de ce débat. « Le bureau n’a entrepris aucune démarche visant à nuire qui que ce soit », a-t-il déclaré. C’est tout dit.

Boire sa coupe jusqu’à la lie

On n’engage pas un bras de fer avec les institutions, encore moins on ne s’hasarde pas à se lancer dans une vaste campagne de chantage envers l’institution «Président de la République ». Kabund n’avait jamais intériorisé cette évidence.

Sous le coup de l’émotion, il a franchi le Rubicon en défiant ceux qui l’ont élevé au sommet des institutions politiques. Aujourd’hui, c’est un homme seul, isolé de toutes parts qui tente, tant bien que mal, de rebondir.

Sur la radio Top Congo Fm, son cabinet essaie de colmater les brèches en rappelant que Jean-Marc Kabund aurait, après un temps de réflexion, revenu sur sa démission.

«La voix du peuple triomphe toujours, la démission n’aura plus lieu. Le président Jean-Marc Kabund a tout compris. Une page de l’histoire est irrésistiblement tournée», écrit, dans un message largement relayé, sur les réseaux sociaux, Me Emmanuelli Kahaya, chef de cabinet du premier vice-président de l’Assemblée nationale.

Selon la radio Top Congo Fm, à son bureau au Palais du peuple, tout le monde était en poste, personne n’évoquant une quelconque démission. Un calme qui annonce une grande tempête. Car, à l’Hémicycle, les choses se sont plutôt accélérées en défaveur de Kabund.

«S’il ne confirme pas sa démission, il sera destitué par une motion de défiance. La récolte des signatures est en cours. Plus de 300 signatures ont été récoltées. Il n’y échappera pas. Il est obligé de boire sa coupe jusqu’à la lie », a confié à Econews un député national de l’Union sacrée de la nation.

Ce qu’a confirmé Eliezer Thambwe, élu national de Kinshasa/Lukunga, membre de l’Union sacrée de la nation. Selon lui, Kabund ne jouit que d’une maigre marge de manœuvre, tous, autant à l’Union sacrée qu’à l’UDPS, lui ayant tourné le dos.

«Il n’est pas facile de prendre une décision si importante au vu des déclarations qui se font. Il se sentait soutenu par plusieurs personnes de l’UDPS. Maintenant, c’est l’isolement total. Tout le monde sait que le courant ne passe pas entre les deux personnalités », en l’occurrence Félix Tshisekedi et Jean-Marc Kabund, rappelle l’élu de Lukunga. D’un ton ironique, il tacle Kabund : « Il voit comment les uns après les autres réagissent. Les visites ont commencé à sécher. C’est ce qui fait qu’il hésite un peu à démissionner ».

Parviendra-t-il à se relancer ? Eliezer Thambwe ne donne aucune chance à Kabund. « Je ne pense pas (qu’il aura toujours la confiance des députés). C’est très compliqué pour lui. Il est désavoué par les députés de l’Union sacrée et de l’UDPS. Je ne vois pas Jean-Marc Kabund regagner la considération qu’il avait. La confiance, on l’a qu’une fois », pense-t-il.

Quoi qu’il en soit, l’avenir de Kabund au bureau de l’Assemblée nationale est désormais incertain. «La façon dont je vois les choses évoluer, au cas où (Jean-Marc Kabund) ne démissionne pas, il y a cette possibilité de le contraindre à le faire» par une motion ou une pétition, prévient l’élu national de l’Union sacrée.

Econews