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Cohésion à géométrie variable

Le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a fait de la « cohésion nationale » un mantra, un appel solennel à l’unité dans un pays fracturé par des décennies de crises. Pourtant, derrière les discours enflammés sur la réconciliation, les actes posés par le pouvoir dessinent une réalité bien plus trouble, teintée de contradictions et de calculs politiques. Un paradoxe qui, loin de servir l’intérêt général, alimente la défiance et fragilise un peu plus le tissu social congolais.

Comment croire à la sincérité d’un pouvoir qui, d’un côté, tend la main à l’opposition et, de l’autre, traque ses figures emblématiques ? Les récentes interpellations ciblées de cadres du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), formation de l’ancien président Joseph Kabila, en sont la parfaite illustration. Sous couvert de soutien à la rébellion, l’Auditorat général a mené des opérations perçues comme des règlements de comptes politiques. Ces actes, concentrés sur des « têtes d’affiche » kabilistes, ont été mal perçus, souillant l’image d’un État impartial.

Le message est clair : la cohésion prônée par le Chef de l’État ne s’applique qu’à ceux qui se plient à la ligne officielle. Les autres ? Qu’ils se taisent ou subissent les foudres d’une justice sélective. Cette logique est d’autant plus toxique qu’elle s’étend à des dossiers emblématiques, comme celui du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Matata Ponyo Mapon, ancien Premier ministre et actuel député national de Kindu, incarne ici le symbole d’une opposition intellectuelle et technocrate que le régime semble redouter. En le poursuivant pour des présumés détournements datant de son mandat à la Primature, le pouvoir donne l’impression de criminaliser toute voix dissonante – fût-elle légitime.

Le vrai danger de cette duplicité n’est pas seulement d’affaiblir l’opposition, mais de saper les fondements mêmes de la nation. La cohésion ne se décrète pas : elle se construit par l’inclusion, le dialogue et le respect des règles communes. En criminalisant ses adversaires, en instrumentalisant la justice et en entretenant une culture de la suspicion, le pouvoir congolais prépare le terrain à de futures crises. Car chaque militant emprisonné, chaque leader diabolisé, chaque dossier monté de toutes pièces nourrit le ressentiment d’une partie de la population – un ressentiment qui, tôt ou tard, explosera.

Le Président Tshisekedi a une occasion historique de rompre avec les pratiques du passé. Mais pour cela, il doit choisir : continuer à gouverner par la peur et la division, ou incarner enfin cette unité qu’il clame. La première option mène droit à l’implosion. La seconde exige du courage : libérer l’espace politique, garantir une justice indépendante et reconnaître que la démocratie ne se réduit pas à une majorité écrasante au Parlement.

En attendant, le fossé se creuse entre les discours et les actes. Et chaque jour qui passe, la « cohésion nationale » ressemble un peu plus à un leurre – une formule creuse pour masquer l’incohérence d’un pouvoir qui souffle le chaud et le froid.

Econews

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