Le FCC de Joseph Kabila rejette l’offre de « Gouvernement d’union nationale » du Président Tshisekedi. Il dénonce une « manœuvre dilatoire » et exige des réformes institutionnelles. Le FCC ne se sent donc pas concerné par les consultations que lance ce lundi le prof Kolongele Eberande, conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité.
Le paysage politique congolais se crispe davantage. Le Front Commun pour le Congo (FCC), principal bloc d’opposition dirigé par des alliés de l’ancien président Joseph Kabila, a rejeté ce lundi la proposition de Félix Tshisekedi de former un « Gouvernement d’union nationale ». Une offre présentée par le chef de l’État comme une solution pour « apaiser les tensions » et « prioriser l’intérêt national », mais qualifiée par le FCC de stratégie visant à détourner l’attention des « échecs criants » du pouvoir.
Dans un communiqué cinglant, le FCC a balayé l’initiative présidentielle, l’assimilant à une « manœuvre dilatoire » destinée à masquer l’incapacité du gouvernement à résoudre les crises sécuritaires dans l’Est, l’effondrement socio-économique et les allégations de corruption. « Le président Tshisekedi cherche à gagner du temps en proposant une fausse union, alors que son régime refuse tout dialogue inclusif et toute réforme structurelle », a déclaré un porte-parole du FCC, sous couvert d’anonymat.
Le bloc exige notamment un audit indépendant des élections de décembre 2023 – dont il conteste la légitimité –, une révision du fichier électoral et des réformes institutionnelles garantissant « un équilibre des pouvoirs ». Des conditions jugées « non négociables » pour toute discussion sur un éventuel partage du pouvoir.
Tshisekedi dans l’impasse : entre crise de l’Est et défiance politique
Cette rebuffade intervient dans un contexte particulièrement inflammable. Alors que la RDC traverse une crise sécuritaire majeure dans ses provinces orientales, avec des millions de déplacés et une recrudescence des violences, Félix Tshisekedi peine à rassembler autour de sa gouvernance. Après avoir rompu en 2021 son alliance avec le FCC – autrefois partenaire de coalition –, le président congolais tente désormais de contourner un isolement politique grandissant.
« Son appel à l’union nationale sonne comme un aveu de faiblesse. Il est coincé entre une opposition qui ne lui fait pas confiance, une population excédée par les promesses non tenues et des partenaires internationaux de plus en plus sceptiques », analyse un politologue basée à Kinshasa.
Quelles options pour le président ?
Face à ce rejet, la balle est désormais dans le camp de Tshisekedi. Selon des sources proches de la présidence, ce dernier pourrait soit tenter de rallier des factions dissidentes au FCC, soit s’appuyer sur sa majorité parlementaire actuelle pour former un gouvernement sans l’opposition. Une stratégie risquée, alors que les appels à la transparence et à l’inclusion se multiplient, notamment de la part de la société civile et de partenaires comme l’Union africaine.
« Sans consensus, le pays risque de s’enliser dans des luttes politiciennes au détriment des urgences nationales », met en garde un diplomate européen en poste à Kinshasa.
L’Est, grande absente des débats ?
Ironie du sort, ces tensions surviennent alors que les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri brûlent. Les groupes armés, dont le M23 soutenu par le Rwanda selon l’ONU, étendent leur emprise, pendant que les discussions politiques se concentrent sur des querelles de pouvoir à Kinshasa. « Le gouvernement et l’opposition jouent avec le feu. La population de l’Est se sent abandonnée par tous », déplore un activiste à Goma.
Alors que le FCC et la majorité présidentielle campent sur leurs positions, une question persiste : qui paiera le prix de cette impasse ?
Ci-dessous, la déclaration politique du FCC.
Econews
Déclaration du FCC
Le FCC ne se sent pas concerné par les Consultations annoncées par le Président de la République et qui sont censées commencer aujourd’hui et ce, pour au moins trois raisons:
Premièrement, parce que dans la note signée par le Conseil Spécial en matière de Sécurité et rendue publique lors du point de presse de 22 mars dernier, il est précisé que « les consultations seront fondées sur le respect d’un certain nombre de principes, dont le respect des institutions dûment établies » (voir tiret 5). Or la position constante du FCC a été et demeure que toutes les institutions et tous les animateurs d’institutions issus des élections de décembre 2023, organisées en violation des lois pertinentes et marquées par une fraude d’ampleur inédite, sont illégitimes et que cette illégitimité est une des principales causes de la crise actuelle. Cette illégitimité ne peut donc être ignorée ou exclue des débats, si le véritable objectif des consultations est de régler la crise.
Deuxièmement, tel qu’expliqué par le Président de la République lui-même, ces consultations ont pour finalité la constitution d’un Gouvernement d’union nationale qui, à son avis, serait la réponse idoine à une crise qui, pour lui, ne serait que de nature sécuritaire. Le FCC ne partage pas cette analyse tronquée et intéressée, comme en témoignent ses communiqués et déclarations des trois dernières années. Pour le FCC, la crise est multiforme et elle a, comme cause-mère, la mauvaise gouvernance du pays par un pouvoir dictatorial et a-social qui a détruit la cohésion nationale, rendant le pays plus que jamais vulnérable. Telle que conçue et présentée par leur initiateur, ces consultations ne sont donc rien de plus, qu’une offre générale d’emplois qui ne peut intéresser que ceux pour qui l’accès aux hautes fonctions de l’Etat sont avant tout un moyen rapide d’enrichissement personnel, plutôt qu’une opportunité pour servir la Nation. Fidèle à son serment de ne jamais trahir le Congo, le FCC n’en fait pas partie.
Troisièmement, ces consultations sont une énième initiative pour prétendument essayer de résoudre la crise. Le FCC se demande pourquoi cette nouvelle initiative, alors qu’il y en a déjà plusieurs en cours? Quelle est la valeur ajoutée de cette initiative, lancée par une des parties à la crise, sinon le crystalisateur de la crise lui-même, par rapport à celles des personnes où organisations moins partisanes et plus crédibles, telles que:
– le Pacte pour la paix et le bien-vivre ensemble porté par la CENCO et l’ECC;
– les processus de Nairobi et de Luanda soutenus par les Nations Unies, l’Union Africaine, la SADC et l’EAC;
Tout bien considéré, cette nouvelle initiative paraît être une fuite en avant du pouvoir, une stratégie pour court-circuiter toutes les autres ci-haut citées qui, contrairement à la volonté des tenants du pouvoir, en appellent à une véritable inclusivité de toutes les parties prenantes à la crise et à l’examen des causes profondes de cette dernière. Le FCC refuse donc de prendre part à une messe qui, à l’évidence, cherche plus à légitimer et défendre un pouvoir, plutôt que de servir la cause d’une paix durable et l’intérêt supérieur du Congo et des congolais dans leur diversité.
Le 24 mars 2025,
Raymond Tshibanda Ntungamulongo
Président de la Cellule de Crise