Entre la Céni (Commission électorale nationale indépendante) et le ministère des Finances, les tirs sont allés dans tous les sens, ce qui a obligé finalement l’Inspection générale des finances à entrer dans la danse pour une éventuelle patrouille financière à la Centrale électorale. Si la Céni ne dit se reprocher de rien, aux Finances, par contre, le ministre l’a accusé urbi et orbi de manipuler les chiffres en surfacturant ses commandes. Depuis, c’est la brouille. Qu’est-ce qui opposeraient finalement les deux parties ? Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finit toujours par poindre, rappelle un vieil adage. Un pan de voile vient d’être levé avec cette correspondance, datée du 20 janvier 2022, que l’entreprise « Sada Motors RDC sas », qui se présente comme « société spécialisée dans la représentation, l’importation, la vente et la distribution des produits automobiles neufs », adresse au président de la Céni, Denis Kadima. Curieusement, la lettre est signée par le directeur général de Sada Motors, Jacky Kazadi, que toutes les sources contactées par Econews confirment avoir des liens solides de parenté avec l’argentier national. Serait-ce alors que l’opposition de la Céni à accorder une faveur à Sada Motors qui aurait motivé la sortie en trombe du ministre des Finances contre le président de la Céni. Les sources contre sont formelles sur ce point. C’est dire que, derrière la polémique entre le ministre des Finances et la Céni, se cache en réalité une affaire de rétrocommission.
Il ne faut pas faire La Sorbone ou Harvard pour comprendre les raisons de la guerre imposée à Denis Kadima, président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni). Le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, fait des mains et des pieds pour avoir la main sur tous les marchés de la Céni où énormément d’argent va être brassé dans les tout prochains jours.
Ayant senti que le président Denis Kadima reprend son indépendance, après des invitations aux allures de convocation, les acteurs qui rodaient avec l’idée de se remplir le ventre et les poches, se dévoilent les uns après les autres.
Ayant tout aussi pris le leadership de cette entreprise de déstabilisation, le ministre des Finances n’a pas fait dans la dentelle. Il a oublié le devoir de réserve qu’impose sa fonction, allant jusqu’à étaler au grand jour son animosité envers le président de la Céni. C’est ainsi que le pot aux roses a été découvert avec l’offre de son propre frère qui a sollicité de la Céni le marché de fourniture des véhicules.
Ce n’est donc pas un hasard si Nicolas Kazadi a épinglé ce dossier. Il s’agit d’une affaire de famille avec en toile de fonds de rétro-commissions.
En effet, l’offre des véhicules du propre frère de Nicolas Kazadi est la cause de ses sorties tapageuses. Le ministre défend les intérêts de Jacky Kazadi Nduba, directeur général de Sada Motors RDC sas, qui porte le même nom que le grand professeur d’économie, Jacques Kazadi Nduba wa Dile, leur géniteur.
Sous d’autres cieux, ce scandale pouvait emporter le puissant ministre qui se croit tout permis, jusqu’à discréditer la Centrale électorale dont la mise en place laborieuse a fait peiner des Congolais.
En exposant gratuitement la Céni, pour la contraindre à reprendre le marché des véhicules sans qu’un appel d’offres ne soit rendu public, le ministre Kazadi a certainement oublié que CFAO, le concessionnaire désigné par la Céni, est installé en RDC. Un tour sur l’avenue des Poids lourds lui aurait épargné du ridicule d’affirmer urbi et orbi que les prix présentés par la Céni étaient multipliés par 30, voire 40.
Sérénité à la Céni
A la Céni, on ne s’agite pas. Bien au contraire. Devant la presse, son rapporteur, Mme Patricia Nseya, déléguée de l’UDPS au bureau de la Céni, est parue sereine. « La Ceni ne va pas se livrer au jeu de ping-pong avec les membres du Gouvernement (…) La Centrale électorale a une feuille de route qu’elle doit suivre pour respecter le timing constitutionnel des élections de 2023 », s’est-elle limitée à dire.
Concernant la prétendue surfacturation qu’aurait opérée la CENI, Patrice Nseya n’est pas allée par le dos de la cuillère : « Je me demande ce que cela signifie. Car depuis notre investiture et la remise-reprise jusqu’au moment où je vous parle, tous les membres de la Céni utilisent leurs véhicules personnels. Et pour la facture pro-forma que nous avions déposé au ministère des Finances, le ministre peut vérifier les tarifs à CFAO qui est une société sérieuse connue de tous ».
Quant aux agitations du ministre des Finances, Mme Nseya note que « ce sujet intervient suite à la réclamation de notre autonomie administrative et financière, parce que nous voulons être réellement indépendant ». Elle a évoqué à ce sujet les dispositions légales qui reconnaissent à la Céni toute son autonomie financière et son indépendance.
«Concernant l’autonomie financière et l’indépendance de la Ceni, les articles 6 et 44 de la loi organique de la Céni nous donnent notre autonomie administrative et financière, l’article 84 de notre règlement intérieur parle des types de budgets de la Céni, notamment les budgets de rémunération, de fonctionnement, d’investissement et des opérations. Mais jusque-là, la Ceni n’a pas reçu le budget des opérations, encore moins des investissements », a-t-elle révélé, balayant d’un revers de main les allégations de l’argentier national.
Et si Delly Sessanga avait vu juste
En son temps, Delly Sessanga, député national et président d’ENVOL, avait lancé l’alerte sur la nécessité de mettre en place au niveau de l’Assemblée nationale une « Commission permanente de contrôle (COPEC) pour suivre à temps les opérations financières de la Céni, sans toutefois remettre en cause son autonomie financière.
Au moment du grand débat sur les réformes de la Céni, Delly Sessanga avait plaidé en son temps pour la mise en place de cette Commission technique en interne à l’Assemblée nationale pour contrôler la gestion financière de la Centrale électorale. Sa proposition a été malheureusement rejetée.
Avec cet organe on aurait évité la confusion actuelle entre le ministre des Finances et le président de la Céni sur le financement des élections. La confusion actuelle est la conséquence du tripatouillage de la réforme électorale proposée, dans son format originel, par Christophe Lutundula. Pour des raisons politiques, la proposition de loi Lutundula a été charcutée de fond en comble, jusqu’à perdre toute sa substance.
Chassez le naturel, il revient au galop. Quelques mois plus tard, on subit les conséquences de la profonde torture qu’on a fait subir à la proposition Lutundula et au rejet, sans raison valable, de la merveilleuse trouvaille d’adjoindre à la Céni une Commission permanente de contrôle, dépendant directement de l’Assemblée nationale.
«L’homme prudent voit le mal, et se met à couvert », rappelle la Sainte Bible. En son temps, Delly Sessanga avait pressenti le danger, mais l’Assemblée nationale n’avait pas daigné suivre cette voie de la sagesse.
Econews