À Kinshasa, le ministre des Finances, Doudou Fwamba, assène un démenti cinglant au gouverneur de la ville de Kinshasa, Daniel Bumba : « Tous les travaux de voirie de la ville sont financés par le Gouvernement central». Une déclaration choc, lancée en marge d’un échange, mercredi à l’hôtel Hilton avec la presse. Cette prise de position de l’argentier national pulvérise la communication du gouvernement provincial de Kinshasa, régulièrement en scène sur «ses» chantiers. Mais si l’exécutif central paie tout, à quoi servent les recettes de la ville ? La question, explosive, renvoie désormais les élus locaux à leur responsabilité : justifier l’utilisation des fonds ou affronter les soupçons de gabegie.
Le ministre des Finances, Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, a jeté un pavé dans la mare mercredi lors d’un échange avec la presse, mercredi soir à l’hôtel Hilton de Kinshasa. Alors qu’il présentait les efforts du Gouvernement en matière d’«ajustement budgétaire et de stabilité macroéconomique face au choc sécuritaire », il a affirmé que tous les travaux de voirie urbaine de la capitale étaient financés par le gouvernement central. Une déclaration qui contredit frontalement les mises en scène du gouverneur de Kinshasa, Daniel Bumba Lubaki, régulièrement photographié sur des chantiers pour vanter les réalisations de son gouvernement provincial.
«Tous les travaux de la voirie de la ville, je dis bien tous les travaux, sont financés par le Gouvernement central », a martelé Doudou Fwamba, balayant d’un revers de main les prétentions de l’exécutif provincial. Une réplique cinglante aux campagnes de communication du gouverneur Bumba, qui multiplie les inspections des routes en réhabilitation, attribuant ces succès à son exécutif provincial.
Pour le ministre des Finances, cette précision vise à «rétablir la vérité» sur l’origine des fonds, dans un contexte où le gouvernement central tente de justifier ses dépenses face aux critiques sur la gestion des deniers publics. Mais cette sortie soulève aussi une question brûlante : à quoi servent les recettes de la ville de Kinshasa, si les infrastructures sont intégralement prises en charge par l’État ?
Kinshasa : une ville sous perfusion financière ?
Selon la loi congolaise, la ville-province de Kinshasa dispose d’une autonomie de gestion, avec des recettes propres (taxes locales, redevances) et des allocations du budget national. Pourtant, d’après le ministre Doudou Fwamba, ni ces ressources ni ces transferts ne financent les chantiers de voirie. «Si le gouvernement central paie tout, que fait la province de son argent ? », s’interroge un expert fiscal contacté par notre rédaction.
Les soupçons de détournements ou de dépenses opaques resurgissent. En 2024, la Cour des comptes avait déjà pointé des «irrégularités » dans la gestion des fonds alloués à l’assainissement de la capitale. Contactés, les services du gouverneur Bumba n’ont pas répondu dans l’immédiat, promettant une «clarification prochaine ».
Daniel Bumba Lubaki, gouverneur de la ville de Kinshasa depuis 2024, a fait des infrastructures son cheval de bataille, plaçant son mandat sous le slogan «Kin ezo bonga (Kinshasa va briller) ». Sur les réseaux sociaux, le gouverneur partage régulièrement des vidéos de chantiers, saluant «l’efficacité» de son administration. En décembre 2024, il avait même annoncé la réhabilitation de 15 artères majeures «grâce au budget provincial ». Des déclarations aujourd’hui réduites à néant par les propos du ministre Doudou Fwamba.
«Ce clash révèle une guerre sourde entre le pouvoir central et les provinces », analyse un politologue. «Tshisekedi veut montrer qu’il contrôle tout, même les réalisations locales. Bumba, lui, cherche à capitaliser sur ces travaux pour préparer 2028 », ajoute-t-il, faisant allusion aux futures élections.
Macroéconomie résiliente, mais défis immenses
En arrière-plan de cette polémique, Doudou Fwamba a défendu la «résilience » de l’économie congolaise, malgré les chocs sécuritaires dans l’Est du pays. Il a cité une croissance robuste et une inflation maintenue sur la barre de 10% en glissement annuel, sans compter un faible taux d’endettement public de 13% bien en déça de la moyenne africaine qui tourne autour de 50%.
Des chiffres à relativiser, selon des économistes, qui rappellent que 70 % des Congolais vivent toujours sous le seuil de pauvreté.
Le ministre des Finances a aussi évoqué les « investissements publics colossaux» du Gouvernement pour accélérer la diversification de l’économie en vue de l’affranchir de la forte dépendance au secteur minier.
Pour la mise en œuvre du plan de diversification de l’économie, le Gouvernement mise sur près de 1,3 milliards USD des recettes courantes sont attendus fin avril pour soutenir cette initiative.
«Pour sauver l’industrie locale, le Gouvernement pense à la mise en œuvre d’une TVA industrielle inférieur au taux habituel de 16% », a promis le ministre Fwamba. C’est une façon, pense-t-il, d’atténuer l’impact du dégrèvement fiscal sur les importations de certains produits de base.
Quant aux travaux de la voirie urbaine de la ville de Kinshasa, entièrement pris en charge par le gouvernement central, la balle est désormais dans le camp des élus provinciaux. L’Assemblée provinciale de Kinshasa devra clarifier l’utilisation des fonds alloués à la ville, sous peine de voir s’amplifier les accusations de gabegie.
Pour les Kinois, las des embouteillages et des routes délabrées, l’enjeu est concret : savoir qui, du central ou du provincial, rendra enfin la capitale praticable.
Econews