Instabilité de la RDC : Kinshasa met Washington et Kigali dans le même panier

Le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya (à droite), et le porte-parole des FARDC, le général-major Sylvain Ekenge

Face à l’agression dont elle est victime de la part du Rwanda, la République Démocratique du Congo a décidé de ne plus porter des gants. Et lorsque les Etats-Unis passent par des circonlocutions pour ne pas condamner le Rwanda, le caressant dans le sens des poils, Kinshasa ne fait pas non plus dans la dentelle, fustigeant le silence complice de Washington. Mardi, devant la presse conviée au traditionnel briefing, Patrick Muyaya Katembwe, porte-parole du Gouvernement, n’a pas été tendre envers les Etats-Unis qu’il accuse de « faire les relais de la propagande rwandaise ». A Kinshasa, le narratif a sérieusement évolué. Aussi, face à l’instabilité permanente de la partie Est de la RDC, Kinshasa met désormais Washington et Kigali dans le même panier.
Face au silence, souvent complice de la République Démocratique du Congo, Kinshasa a opté pour la franchise, ne se gênant plus d’appeler le chat par son nom.
Devant la presse, conviée mercredi au traditionnel briefing, le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya Katembwe, qui avait à ses côtés le général-major Sylvain Ekenge, porte-parole des Forces armées de la RDC, n’a pas été tendre envers les Etats-Unis qui se montrent de plus en plus complaisants vis-à-vis du Rwanda, pays agresseur de la RDC.

La réplique
Réagissant à la déclaration d’Antony Blinken, chef de la diplomatie américaine, qui a exhorté Kinshasa et Kigali à la désescalade à leur frontière commune, Patrick Muyaya s’est « bien surpris ».
«Premièrement, je ne pense pas qu’il y a matière à désescalade ici, parce que ça fait plus au moins une année que nous avons commencé un processus de discussion avec toutes les parties prenantes afin d’aboutir à ce qu’on a vu en novembre de l’année dernière, ce qu’on appelle ‘accord de Luanda’. Cet accord fixe le cadre qui permet le retour de la paix dans l’Est », a rappelé le porte-parole du Gouvernement.
Comment les Etats-Unis peuvent-ils appeler à la désescalade à la frontière commune entre le Rwanda et la RDC, sans dénoncer le relent belliqueux de Kigali ? Prenant en compte cet aspect, Patrick Muyaya n’est pas allé par le dos de la cuillère, dénonçant sans ambiguïté l’attitude alambiquée de Washington qui fait la propagande rwandaise pour couvrir la thèse de l’agression de la RDC.
Au ministre Muyaya de rappeler tous les gestes de bonne foi posées par Kinshasa pour une paix durable dans la région de l’Est : « Aujourd’hui, on observe plus au moins l’esprit de cessez-le-feu entre les Forces de la République Démocratique du Congo et la coalition Rwanda-M23. On a fait beaucoup de discussions, notamment avec la force régionale sur le programme de pré-cantonnement. Ça fait cinq semaines que tous les matériels ont été apprêtés parce que le gouvernement s’était engagé à faire sa part pour aménager le site de Rumangabo, choisi pour le pré-cantonnement. La coalition Rwanda-M23 ne veut pas souscrire au schéma qui était communément convenu ».
En même-temps, Kinshasa promet de reconsidérer sa position dans le processus de paix, entamé aussi bien à Nairobi qu’à Luanda, au regard de la complicité internationale dont il se sent victime.
A ce propos, Patrick Muyaya est allé droit au but : «Nous voulons restaurer l’intégrité de notre territoire. Et c’est pour ça que nous avons souscrit à différents processus diplomatiques. Il y a des rapports qui sont sortis des Nations Unies, il y a des rapports de Human Rights Watch qui confirment les exactions commises par le Rwanda. Le moment venu, si les différents processus dans lesquels nous sommes engagés ne donnent pas les résultats espérés, on pourra en tirer les conséquences parce que nous ne pouvons pas de manière indéfinie laisser notre population être massacrée ».

Les pays n’ont que des intérêts
Le porte-parole du Gouvernement est revenu sur un principe général de la diplomatie, selon lequel «il n’y a pas d’amis, les pays n’ont que des intérêts ».
A cet effet, il a fait comprendre que la RDC a pris l’option de se réorganiser en interne pour non seulement défendre son intégrité, mais aussi protéger ses frontières.
Dans tous les cas, pense-t-il, la RDC continue à privilégier la voie diplomatique, en attendant la réorganisation de ses forces de défense et de sécurité.
Au général-major Sylvain Ekenge de prévenir : «Cela ne doit pas être pris pour une position de faiblesse. Des moyens énormes ont été disponibilisés pour la montée en puissance des FARDC ».
A la déclaration d’Antony Blinken qui fait part d’une certaine volonté de la RDC d’attaquer le Rwanda, le porte-parole des FARDC pense qu’ «il s’agit d’un prétexte pour justifier l’agression du Rwanda, estimant qu’à ce jour les FDLR ne sont plus une «force de menace sérieuse ». Et d’ajouter : «Dans notre doctrine, nous ne servons pas de base arrière pour déstabiliser les pays voisins».
A tout prendre, entre Kinshasa et Washington, il y a véritablement des étincelles en l’air. En décidant de briser la glace, le porte-parole du Gouvernement a, de la même manière aussi, rompu avec le code diplomatique qui contourne souvent le problème par des formules consacrées.
A Kinshasa, on est d’avis que les Etats-Unis jouent le jeu du Rwanda. Sans doute, après la réplique de Patrick Muyaya au secrétaire d’Etat américain, les lignes devaient sérieusement bougé dans les rapports entre Kinshasa et Washington.
D’ores et déjà, une délégation de membres du Congrès américain est annoncée à Kinshasa le 20 août 2023. Ça sera peut-être l’occasion d’arrondir les angles en ouvrant une nouvelle page dans le partenariat, dit stratégique, qui lie la RDC aux Etats-Unis.

Econews