Un mois après le sommet États-Unis-Afrique, la secrétaire américaine au Trésor entame une tournée en Afrique où la Chine est omniprésente.
Àpeine quelques semaines après la tenue, en décembre, du sommet Afrique-États-Unis à Washington, la ministre américaine des Finances, Janet Yellen, s’est envolée mardi pour une visite de onze jours dans plusieurs pays africains, dont le Sénégal, la Zambie et l’Afrique du Sud. Une tournée qui sera scrutée, car après les annonces d’investissements de plus de 15 milliards de dollars, de nouveaux partenariats commerciaux et d’investissements sur les années à venir, l’Afrique attend des actes. Au même moment, le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, sera également sur le terrain, pour une tournée dans cinq pays d’Afrique. Depuis 33 ans, il est de coutume que le chef de la diplomatie chinoise se rende en Afrique pour son premier déplacement en début d’année.
Rattraper le temps perdu
Avant d’atterrir à Dakar, la secrétaire américaine au Trésor doit d’abord rencontrer à Zurich, en marge du Forum de Davos, le vice-Premier ministre chinois, Liu He, alors que la Chine et la Russie cherchent à augmenter leur influence en Afrique. Les États-Unis se retrouvent en position défensive, tentant de défendre leur position sur le continent.
«Nous pensons que la croissance de l’Afrique sera un moteur clé de la croissance mondiale au cours des prochaines décennies», a déclaré aux journalistes un haut responsable du Trésor, cité par l’agence Reuters. Et d’ajouter : «Les entreprises américaines qui investissent en Afrique, cela signifie des emplois et des opportunités pour une classe moyenne en pleine croissance, et de nouveaux marchés et clients pour les entreprises américaines».
Les économies de l’Afrique subsaharienne connaîtront une croissance de 3,7 % en 2023, selon les projections du FMI, dépassant les estimations mondiales de 2,7 %.
Malgré les annonces à l’occasion du sommet de Washington, «il faut passer de la parole aux actes» concernant le soutien aux pays africains, a estimé Susan Page, ancienne ambassadrice des États-Unis au Soudan du Sud et professeure à l’université du Michigan. «Je pense que l’objectif principal [du voyage, NDLR] sera de se positionner par rapport à la Chine, ce qui est dommage car les pays africains veulent être considérés pour ce qu’ils sont, pas comme un terrain d’affrontement entre grandes puissances», a regretté Mme Page, interrogée par l’AFP.
Première étape de son voyage, Mme Yellen rencontrera le président sénégalais Macky Sall, également président en exercice de l’Union africaine, à Dakar vendredi, selon le département du Trésor. La ministre américaine devrait en profiter pour souligner les efforts américains afin de renforcer les partenariats avec les pays africains ainsi que les liens économiques «en augmentant les niveaux tant en termes d’investissement que de flux commerciaux », selon le Trésor. Au programme, Janet Yellen prendra part à l’inauguration d’un projet d’électrification rurale mené par la société américaine Weldy Lamont et qui a bénéficié du soutien du programme Prosper Africa, ainsi que d’un financement de 100 millions de dollars de l’US Export-Import Bank.
La dette comme enjeu de la concurrence entre Pékin et Washington
Mais c’est bien la question de la dette des pays africains qui constitue tout l’enjeu de ce voyage. Principale créancière, la Chine est en première ligne. Aujourd’hui, le commerce chinois avec l’Afrique est environ quatre fois supérieur à celui des États-Unis, et Pékin est devenu le premier créancier du continent mais aussi son premier partenaire commercial, en offrant des prêts à moindre coût, souvent avec des conditions et des garanties plus opaques que les prêteurs occidentaux. La semaine dernière, Qin Gang a annoncé l’effacement d’une partie de la dette éthiopienne et un pré-accord d’effacement avec le Bénin, sans divulguer les montants concernés. Avec une dette devenue insoutenable et écrasés par le poids des prêts chinois, nombre de pays africains, dont la Zambie, recherchent désormais des alternatives afin de restructurer leurs dettes.
En 2020, ce pays d’Afrique australe a été le premier pays africain à se retrouver en défaut de paiement sur sa dette extérieure (estimée à 17,3 milliards de dollars) depuis le début de la pandémie de Covid-19. Lusaka a reçu l’aval du Fonds monétaire international (FMI), pour un soutien financier d’un total de 1,3 milliard de dollars pour l’aider à restructurer sa dette. Janet Yellen rencontrera le président zambien, Hakainde Hichilema, ainsi que plusieurs hauts responsables.
Arrivé au pouvoir à l’issue des élections de 2021, et une victoire face au président sortant Edgar Lungu, M. Hichilema a promis de renforcer la crédibilité financière de la Zambie après avoir hérité d’une économie exsangue.
La ministre américaine devrait par ailleurs annoncer des efforts conjoints en termes de santé et afin de préparer les pandémies à venir, mais également de sécurité alimentaire. Dernière étape de son voyage, Mme Yellen rencontrera son homologue sud-africain Enoch Godongwana, ainsi que le gouverneur de la Banque centrale, Lesetja Kganyago.
Durant son séjour en Afrique, Janet Yellen devrait par ailleurs insister sur l’importance d’un meilleur accès aux énergies renouvelables et «souligner les conséquences » de la guerre en Ukraine. Lors du sommet du mois dernier, Joe Biden a annoncé que son administration dépenserait deux milliards de dollars en aide humanitaire pour lutter contre l’insécurité alimentaire aiguë en Afrique, afin «d’aider à garantir que les enfants et les familles n’auront pas à se coucher le ventre vide».
Econews avec Le Point Afrique