Le Garde des sceaux Constant Mutamba a lancé, le 4 avril 2025 à Kinshasa, la construction de quatre maisons d’arrêt destinées à désengorger les prisons de Makala et Ndolo, saturées à plus de 80 % par des détenus en attente de jugement. Ce projet, initialement prévu sur 12 mois mais compressé à six, vise à améliorer les conditions de détention provisoire et à alléger la pression sur un système judiciaire congolais en crise. Une réponse d’urgence face à une surpopulation carcérale chronique, symbole des défis structurels de la justice en RDC.
Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a officiellement lancé, le vendredi 4 avril 2025, les travaux de construction de quatre maisons d’arrêt dans la capitale congolaise. Objectif principal : soulager la surpopulation carcérale endémique de la prison centrale de Makala et de celle de Ndolo, où plus de 80 % des détenus sont en attente de jugement. Ce projet s’inscrit dans une stratégie gouvernementale urgente pour moderniser le système pénitentiaire et améliorer les conditions de détention.
Les nouvelles structures, destinées aux personnes dont les dossiers sont en cours d’instruction au parquet, visent à séparer les prévenus des condamnés. Cette mesure devrait non seulement alléger la pression sur Makala – symbole d’un système pénitentiaire congolais à bout de souffle –, mais aussi accélérer le traitement des dossiers judiciaires. «Ces maisons d’arrêt permettront une gestion plus humaine et efficace de la détention provisoire », a déclaré Constant Mutamba, Garde des sceaux et ministre d’État de la Justice.
REFORMER LE SYSTEME, AU-DELA DES MURS
Initialement prévu pour s’étaler sur un an, le projet a été compressé en six mois seulement, selon les annonces du ministre. Une accélération justifiée par l’urgence de la situation : la prison centrale de Makala, conçue pour 1 500 détenus, en héberge actuellement plus de 8.000. Les nouvelles infrastructures, réparties dans différents quartiers de Kinshasa, devraient être opérationnelles dès octobre 2025.
Au-delà de la construction, le Gouvernement promet une refonte globale de la gestion carcérale. Le projet inclut des formations pour le personnel pénitentiaire et un renforcement des mécanismes de suivi des dossiers judiciaires. «Nous devons briser le cercle vicieux de la détention prolongée sans procès », a insisté Mutamba, rappelant que des milliers de détenus croupissent en prison pendant des années sans jugement.
TSHISEKEDI APPELLE A UNE «RENAISSANCE» DE LA MAGISTRATURE
Si l’option de construction de quatre maisons d’arrêt est plus que jamais effective, la Justice congolaise reste encore «malade».
En lançant, le lundi 7 avril 2025 à Kinshasa, les travaux de la première Assemblée générale du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) – une session historique organisée 18 ans après la création de cette institution en 2008 – le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, a, devant plus de 250 hauts magistrats venus des 26 provinces du pays, rappelé l’urgence de la refonte d’un système judiciaire congolais en quête de crédibilité.
Convoquée pour la première fois en session ordinaire conformément à la loi, cette assemblée répond aux recommandations des États généraux de la justice tenus en 2024. Dans son discours inaugural, le chef de l’État a rappelé sa vision d’une justice «indépendante, efficace et protectrice des droits humains ».
«Depuis mon accession à la magistrature suprême, j’ai toujours affirmé ma conviction que la justice est le pilier central de notre État de droit. […] Je vous appelle à renaître et à redonner espoir, à réaffirmer votre rôle de sentinelle de la République », a-t-il déclaré, insistant sur l’attente pressante d’une réforme tangible par la population.
Dieudonné Kamuleta Badibanga, président de la Cour constitutionnelle et du CSM, a souligné le caractère exceptionnel de cette session, les précédentes assemblées s’étant tenues «en session extraordinaire, avec des intervalles de trois à cinq ans». Il a dressé un bilan des avancées récentes : le recrutement de 5.000 magistrats en deux vagues (2023 et 2025) ; l’intégration accrue des femmes aux hautes fonctions judiciaires; l’amélioration des conditions sociales, dont un régime d’assurance maladie; le traitement rigoureux de dossiers disciplinaires.
Placées sous le thème «La renaissance d’une magistrature au service du peuple», ces assises aborderont des sujets critiques : le recrutement et la retraite des magistrats ; le régime disciplinaire; la formation initiale et continue; les moyens financiers et logistiques (dont la rénovation des palais de justice); la communication institutionnelle; la protection sociale des magistrats.
Alors que la RDC tente de consolider son État de droit, cette assemblée constitue un jalon décisif. Les magistrats devront concilier indépendance et efficacité, sous le regard d’une population souvent sceptique face aux lenteurs et aux dysfonctionnements. Les conclusions des débats, attendues le 17 avril, détermineront si la « renaissance» promise par le Président Tshisekedi se traduira par des actes concrets.
Hugo Tamusa