S’adressant récemment aux procureurs généraux de toutes les juridictions, le président de la Cour constitutionnelle n’y est pas allé par quatre chemins. Dieudonné Kamuleta leur a rappelé, et même ordonné de n’arrêter les personnes poursuivies pour diverses infractions que quand il y a réellement des ’’indices sérieux’’ de culpabilité et si la fuite du prévenu est à craindre. Il leur a en outre posé la question cruciale : ’’Comment pouvez-vous expliquer que la tradition ou la règle est devenue aujourd’hui : on arrête sous MAP (Mandat d’arrêt provisoire), puis on accorde la liberté provisoire. C’est quoi ça ?’’.
Venant du premier des magistrats de la plus haute instance judiciaire, la sentence interroge. Ou plutôt, elle n’étonnerait que ceux qui, rarissimes, n’ont pas eu un jour maille à partir avec les juges des tribunaux de paix, de Grande instance ou Cours d’appel. La Cour de cassation elle-même excelle désormais dans l’art d’accorder à tour de bras la liberté provisoire à la stupéfaction unanime d’une opinion nationale scandalisée. Une liberté provisoire qui, en réalité, est la voie royale d’accorder une relaxe pure et simple.
Pour preuve : les bénéficiaires de la liberté provisoire-relaxe ne sont plus jamais rappelés devant le juge. Leurs dossiers sont classés sans suite. Et pour cause. Cette catégorie de justiciables privilégiés se recrute dans les cercles du pouvoir où se côtoient intouchables et pourvoyeurs à la ronde de fonds détournés. Leur séjour, généralement court à la prison centrale Makala (et confortable dit-on) ne sert qu’à jeter la poudre aux yeux des masses, avant une libération en fanfare des criminels économiques devenus blancs comme neige.
La croisade entreprise par Dieudonné Kamuleta peut être perçue comme les prémices de la longue et périlleuse lutte de dépolitisation d’une justice à la dérive. Pas seulement. Il s’agit de lui faire opérer une mue radicale et la débarrasser des oripeaux déshonorants de la corruption qui la plombent jusqu’à la moelle.
Le président de la Cour constitutionnelle est au fait que les prisons surpeuplées hébergent souvent des auteurs de petits larcins ou des auteurs d’infractions mineures qui mériteraient des peines de travaux communautaires ou d’emprisonnement avec sursis. Sauf que la justice en RD Congo sert d’abord à humilier les mis en cause, surtout si les poursuites à leur encontre exhalent un parfum politique.