Le massacre de Goma, perpétré par la GR (Garde républicaine), rappelle ceux de Songololo et de Lubumbashi. Relecture des faits avec l’édition Afrique de La Libre Belgique.
«En République Démocratique du Congo, on a la mémoire courte », explique cet avocat du barreau de Matadi, dans la province du Kongo central. «En fait, les massacres, les assassinats en série nous obligent à avoir cette capacité d’oublier», ajoute-t-il.
Mais le massacre, le 30 août dernier, des adeptes de la secte «Foi naturelle judaïque et messianique vers les nations» dans leur église par des hommes en tenue de la Garde républicaine a ravivé les souvenirs de deux précédentes tueries par des hommes portant les mêmes tenues, selon les témoins.
«Les précédents faits se sont produits à Lubumbashi en mars 2023», se souvient un cadre d’une agence internationale. Le 23 mars très précisément. Ce jour-là, les forces de l’ordre se ruent sur une réunion des jeunes de l’UNAFEC, une des formations politiques de l’ancien grand Katanga. À l’origine de cette intervention, un vol de GSM ou des agressions à moto. Les militaires sont descendus en nombre.
«Ils savaient que les jeunes seraient là. C’était un jour de réunion politique. Les jeunes n’étaient pas armés, les militaires ont ouvert le feu sans sommation », explique une maman qui a perdu un de ses fils dans les faits. «Ils ont ouvert le feu sur des jeunes qui fuyaient, les corps retrouvés montraient des blessures dans le dos », poursuit l’avocat Hervé Diakiese, qui a tenté de sensibiliser l’opinion face à ce massacre.
Après un long silence des autorités nationales, deux soldats ont été poursuivis par la justice militaire à Lubumbashi. Le bilan officiel faisait état de 8 morts. «Ces chiffres ne correspondent à rien», explique un élu de Lubumbashi. L’Unafec a parlé de 21 morts. La société civile a évoqué le chiffre de 24 tués. «On ne connaîtra jamais le nombre réel de morts», poursuit l’élu qui, avec des collègues, avait interpellé le gouvernement provincial à la suite de ces faits. «Des cadavres ont été enterrés à la sauvette, des jeunes sont morts noyés. Douze au moins se sont jetés dans la rivière Naviundu», ajoute-t-il. Ici déjà, la Garde républicaine avait été accusée d’avoir commis ces assassinats. Comme à Goma le 30 août dernier. «Comme à Songololo dans le Kongo central», ajoute un habitant de Kisantu.
Fortes similitudes
«Une secte jugée dérangeante et potentiellement dangereuse par le pouvoir. Des hommes de la Garde républicaine qui interviennent au petit matin dans un bâtiment clos où sont regroupés les adeptes de cette secte. Une intervention disproportionnée qui va faire au moins 55 morts dans les rangs du mouvement Bundu Dia Kongo de Ne Mwanda Nsemi qui voulait chasser de sa province les individus qui ne sont pas de son ethnie kikongo, avouez que les similitudes avec les faits de Goma sont étonnantes, explique une juriste de Matadi, particulièrement remontée.
La jeune femme, qui explique que les autorités ont tenté un temps de négocier avec le chef de ce mouvement BDK, sort alors un rapport de l’ONG Human Right Watch qui documente ce massacre. Il cite des survivants qui expliquent comment ils ont été tirés de leur sommeil par cette intervention. Comment les militaires les ont enfumés pour les obliger à sortir de leur bâtiment, avant d’ouvrir le feu.
«À Goma, on a atteint le sommet de l’inhumanité»
Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gilbert Kakonde, a affirmé que l’assaut du 24 avril avait tué 14 personnes et fait 43 blessées, dont 8 policiers. Cependant, Human Rights Watch a établi qu’au moins 33 membres du BDK ont été tués. «Et ce chiffre est sous-évalué », poursuit l’avocate, qui évoque au moins 55 morts suite à l’intervention de la Garde républicaine. Le ministre a encore tenté de justifier l’action des forces de l’ordre en affirmant que le BDK se préparait à «mener une chasse» aux personnes originaires d’autres régions…
«Les gars qui sont intervenus à Goma n’en sont pas à leur premier coup», enchaîne un des élus du Haut-Katanga. «Quand on fait intervenir la Garde républicaine, on sait que ce n’est pas une troupe chargée du maintien de l’ordre. Elle n’a pas de bouclier, pas de gaz. Elle hurle ou elle tire. Ceux qui ont recours à ces hommes le savent et ce ne sont d’ailleurs pas des troupes qui dépendent de la hiérarchie militaire», conclut un membre d’une structure internationale présente en RDC qui évoque «une forme d’escadron de la mort. À Goma, le souci, ce sont les nombreuses vidéos qui doivent empêcher toute forme d’impunité».
Avec La Libre Belgique Afrique