L’ONU ne cache pas son inquiétude après la fin l’accord sur les céréales ukrainiennes. « Les menaces de prendre pour cible des navires civils en mer Noire sont inacceptables », a jugé devant le Conseil de sécurité la secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques, vendredi 21 juillet. « Nous sommes également inquiets d’informations concernant des mines installées en mer Noire, menaçant la navigation civile », a-t-elle ajouté.
L’ONU s’est alarmée vendredi des risques d’un incident militaire provoquant une escalade du conflit, après que la Russie a annoncé avoir mené des manœuvres impliquant des tirs de missiles en mer Noire, théâtre de tensions croissantes avec l’Ukraine et ses alliés depuis l’expiration d’un accord céréalier crucial pour l’alimentation mondiale.
La Russie a fait savoir vendredi que son armée menait un exercice militaire en mer Noire. Ce couloir militaire concentre les tensions entre l’Ukraine et la Russie, après l’expiration de l’accord céréalier, lundi. Selon le ministère russe de la Défense, des navires russes ont tiré des missiles de croisière antinavires « sur un bateau cible dans la zone d’entraînement au combat de la partie nord-ouest de la mer Noire ».
Les combats continuent par ailleurs de faire des victimes civiles. Deux enfants dans le village de Droujba, un couple dans la ville de Kostiantynivka, et plus au nord dans la région de Tcherniguiv une femme et un employé d’un centre culturel ont péri sous les bombes russes, selon les autorités locales.
C’est devant le Conseil de sécurité qu’une responsable de l’organisation s’est alarmée des conséquences possibles des derniers développements. « Les menaces de prendre pour cible des navires civils en mer Noire sont inacceptables », a déclaré la secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques Rosemary Di Carlo.
«Le risque que le conflit s’étende en réponse à un incident militaire en mer Noire — intentionnel ou accidentel — doit être évité à tout prix », a-t-elle ajouté.
L’armée russe avait précédemment annoncé que ses navires avaient tiré des missiles de croisière antinavires et détruit «un bateau-cible dans la zone d’entraînement au combat, dans la partie nord-ouest de la mer Noire », soit au large des côtes ukrainiennes.
La Russie a affirmé mercredi qu’elle considérerait les navires se rendant vers l’Ukraine en mer Noire comme ayant potentiellement un chargement militaire, et les pays dont ils battent le pavillon comme parties prenantes au conflit.
Les tensions se sont ravivées dans cette zone depuis le rejet cette semaine par Moscou de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, qui permettait aux cargos chargés de produits agricoles de quitter les ports ukrainiens en empruntant des couloirs maritimes protégés.
Nouvelles frappes près d’Odessa
Parallèlement, des frappes russes ont touché ces dernières nuits la région d’Odessa, port stratégique pour l’Ukraine en mer Noire.
Kiev accuse Moscou de viser spécifiquement ces infrastructures pour empêcher toute reprise des exportations de céréales.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des missiles de croisière russes Kalibr, tirés depuis la mer Noire, ont touché la région pour la quatrième nuit consécutive, a affirmé le gouverneur local, Oleg Kiper.
«Des silos à grain d’une entreprise agricole de la région ont été touchés. L’ennemi a détruit 100 tonnes de pois et 20 tonnes d’orge », a-t-il écrit sur Telegram, précisant que deux personnes avaient été blessées.
Des drones et des missiles avaient déjà frappé Odessa et Mykolaïv, autre grande ville du sud ukrainien, faisant au moins trois morts et une vingtaine de blessés dans la nuit de mercredi à jeudi
L’armée russe a assuré ne viser que des sites militaires.
L’Unesco a de son côté condamné les frappes, qui ont endommagé des bâtiments historiques du centre d’Odessa, ville classée au Patrimoine mondial.
« Nos amis africains »
L’Ukraine a averti jeudi qu’elle traiterait à son tour, de manière symétrique, les bateaux se dirigeant vers les ports contrôlés par Moscou comme transportant des matériels militaires, «avec tous les risques associés ».
L’ONU, qui était médiateur dans la négociation de l’accord céréalier, s’est inquiétée des conséquences pour l’alimentation mondiale.
«Nous voyons déjà l’effet négatif sur les prix mondiaux du blé et du maïs, ce qui fait souffrir tout le monde, en particulier les populations vulnérables dans les pays du Sud », a déclaré Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU.
«Nous comprenons les inquiétudes que peuvent ressentir nos amis africains, c’est compréhensible et ce sera pris en compte », a de son côté assuré un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Verchinine.
Dénonçant des entraves au commerce de ses propres engrais et produits agricoles, la Russie assure être prêt à revenir à l’accord signé en juillet 2022 si ses demandes sont satisfaites «dans leur totalité ».
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a maintenu son espoir de reconduire l’accord «en parlant en détail avec M. Poutine ». Son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky a indiqué vendredi soir avoir eu un entretien téléphonique avec M. Erdogan pour «coordonner les efforts pour reprendre les opérations de l’accord céréalier ».
«Jusqu’au bout»
Sur le terrain des combats, deux enfants, un frère et sa sœur, ont été tués par des tirs d’obus russes dans le village de Droujba (Amitié) dans l’est de l’Ukraine, a annoncé le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko.
«Vers 15H00, les Russes ont bombardé le village avec de l’artillerie. L’un des obus a touché la cour où se trouvaient les enfants », a déclaré PavloKy-rylenko sur son compte Telegram. Le garçon avait 10 ans et sa sœur 16 ans, a-t-il précisé.
Plus tôt vendredi, le gouverneur avait annoncé la mort d’un couple tué par des tirs de roquettes Grad à Kostiantynivka.
Dans le nord, le gouverneur de la région de Tcherniguiv, Viatcheslav Tchaous, a annoncé la mort d’un employé d’un centre culturel dans une frappe russe. Il a plus tard ajouté que le corps d’une femme avait également été retrouvé sous les décombres.
Mais Vladimir Poutine a affirmé, dans des propos retransmis à la télévision, que les forces russes combattaient de «façon professionnelle » et «héroïque ». Il a assuré que les troupes ukrainiennes subissaient «d’énormes pertes » et que leur contre-offensive ne donnait «aucun résultat ».
Près de Bakhmout pourtant, dans l’est où l’armée ukrainienne progresse autour de cette ville détruite par les bombardements russes, les soldats ukrainiens disaient leur détermination, quelle que soit l’évolution du soutien occidental.
«S’ils cessent de nous donner des armes, des missiles, je pense que nous continuerons à nous battre jusqu’à la fin », dit Volodymyr, 33 ans, en nettoyant son fusil.
Le soutien, pour l’instant, est là. Les forces ukrainiennes «utilisent efficacement » les armes à sous-munitions livrées par les Etats-Unis, qui ont « réellement un impact sur les formations défensives russes », a déclaré John Kirby, un porte-parole de la Maison Blanche.
Avec AFP