En 1989, le Mur de Berlin, qui séparait la République Fédérale d’Allemagne, libérale et capitaliste, de la République Démocratique d’Allemagne, communiste et socialiste marxiste-léniniste, chute irrémédiablement, ouvrant la voie à la réunification de l’Allemagne.
En 1991, l’URSS, le leader incontesté du monde communiste, se désintègre. La même année, l’empire soviétique du Centre et de l’Est européens s’écroule comme un château de cartes. Les systèmes idéologiques, politiques et socio-économiques de l’URSS et des démocraties populaires se libéralisent à une vitesse incroyable.
Le bloc idéologique de l’Est, communiste, socialiste marxiste-léniniste et révolutionnaire, et le bloc idéologique de l’Ouest, libéral, conservateur et réactionnaire, disparaissent. C’est la fin de la guerre froide entre les deux ex-blocs idéologiques. Ce qui amène la majorité des observateurs à croire à la fin des idéologies, des conflits politico-idéologiques et surtout à la victoire du libéralisme et du capitalisme sur le communisme et le socialisme révolutionnaire.
Cependant, la guerre que la Russie post-soviétique de Poutine impose à l’Ukraine semble annoncer le contraire. Son fond s’avérant plutôt idéologique, elle déroute. Elle réveille et fait remonter à la surface les vieux démons des conflits politico-idéologiques chez les deux anciens blocs idéologiques. Les résultats du vote du Conseil de Sécurité de l’ONU, organisé en mars dernier sur cette guerre d’Ukraine, en donnent suffisamment la preuve. En effet, le nombre des pays qui ont refusé de condamner l’envahisseur russe était quasi-égal à celui des pays qui l’ont condamné. Cela signifie que les pays qui soutiennent souterrainement l’envahisseur russe sont aussi nombreux que ceux qui le combattent ouvertement par l’Ukraine interposée.
Les États démontrent ainsi qu’ils sont effectivement des monstres froids. Ils prennent position, par rapport à cette guerre d’Ukraine, en tenant sérieusement compte de leurs intérêts particuliers et de l’idéologie qui sous-tend et soutient leurs idéaux idéologiques, politiques et socio-économiques. Or, toute idéologie vise à façonner la pensée des gens afin d’influencer leurs actions. Et, de manière précise, toute idéologie remplit quatre fonctions essentielles pour ceux qui la partagent. Elle fournit des explications sur les problèmes se posant dans la société. Elle permet d’évaluer la situation. Elle présente une orientation par rapport à la situation. Elle offre, enfin, un programme d’action destiné à résoudre les problèmes vécus.
Dans le fond, la guerre d’Ukraine tend à ramener le monde vers la constitution de deux nouveaux blocs idéologiques antagoniques. Hier, c’était le bloc de l’Est, communiste et socialiste révolutionnaire conduit par l’URSS, qui affrontait le bloc de l’Ouest, libéral et capitaliste mené par les États-Unis d’Amérique. Or, depuis plus d’une trentaine d’années, le communisme s’est malheureusement enfoui sous les décombres du Mur de Berlin, de l’URSS et de l’empire soviétique. La Chine et la Corée du Nord, même demeurées politiquement communistes, n’effacent par cette vérité cruelle. Le socialisme marxiste-léniniste, révolutionnaire, s’est mué en social-démocratie dans les ex. démocraties populaires. Et pourtant, la social-démocratie est, en réalité, la version occidentale du socialisme. L’actuel maître du Kremlin et ancien chef du KGB soviétique, Vladimir Poutine, paraît avoir rompu, à environ 90%, avec le marxisme-léninisme et le communisme. Mais, il en garde l’essentiel du système de sécurité et de propagande. En plus, il semble n’avoir aucun lien idéologique, ni avec la social-démocratie, ni avec le libéralisme. Et pourtant, il est en train de conduire un nouveau bloc idéologique inconnu dont les membres sont, pour le moment, généralement invisibles.
D’où l’énigmatique question: Quelle serait alors l’idéologie de la Russie postsoviétique de Poutine qui pilote ce bloc idéologique en gestation? Autrement, quelle idéologie fait actuellement face à l’idéologie libérale dont les États-Unis d’Amérique sont le porte-étendard? Si Poutine n’aspire pas au totalitarisme, alors il doit être en train de forger une nouvelle idéologie dont personne ne connaît encore le nom. C’est probablement cette dernière qui affronte présentement le libéralisme à travers l’Ukraine. Une chose est, cependant, sûre.
Les deux blocs idéologiques, qui se combattent sournoisement aujourd’hui, ne sont plus ceux de l’Est, déjà disloqué, et de l’Ouest, qui se dit inébranlablement uni et qui a déjà récupéré la plupart des pays qui, jadis, appartenaient au premier bloc cité. La demeure géopolitique respective de ces deux nouveaux blocs idéologiques n’est plus la même. Leurs membres respectifs ne sont pas, non plus, les mêmes. Éparpillés à travers chacun des cinq continents et reliés entre eux par leur idéologie commune, ils ne sont plus uniquement cantonnés à l’Est et à l’Ouest comme auparavant. Mais, qui sont-ils? Au moment opportun, ils se dévoileront au grand jour.
Musene Santini Be-Lasayon (CP)