Les députés britanniques valident l’envoi au Rwanda des migrants clandestins

Le Premier ministre conservateur britannique Rishi Sunak, le 17 janvier 2024, au palais de Westminster à Londres

Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a obtenu mercredi le feu vert des députés pour son projet de loi visant à expulser au Rwanda les migrants clandestins.

Après deux jours de tensions et de débats houleux au palais de Westminster à Londres, après des tractations à huis clos et des démissions retentissantes, Rishi Sunak est parvenu à faire rentrer dans le rang les dissidents. Le texte crucial à la survie politique du Premier ministre a été approuvé le 17 janvier en troisième lecture à la Chambre des Communes avec 320 votes pour et 276 contre.

Expulsion au Rwanda

Largement devancé dans les sondages par les travaillistes en ce début d’année électorale, Rishi Sunak a mis tout son poids dans la balance pour faire aboutir ce projet censé montrer sa fermeté sur un sujet de préoccupation majeur de sa base mais qui aura exposé les divisions de sa majorité, les modérés redoutant une atteinte au droit international et les plus à droite voulant aller plus loin.

La Cour suprême britannique avait jugé illégal une première version du projet, par crainte notamment pour la sécurité des demandeurs d’asile envoyés au Rwanda.

Selon le projet, ces derniers – d’où qu’ils viennent – verraient leur dossier examiné au Rwanda et ne pourraient ensuite en aucun cas revenir au Royaume-Uni, ne pouvant obtenir l’asile que dans le pays africain en cas de succès.

Lors de son examen, des dizaines de députés conservateurs ont soutenu, en vain, des amendements visant à durcir le texte. La tension est également montée d’un cran après la démission mardi de deux vice-présidents du parti conservateur, partisans d’une ligne plus dure, qui ont reçu le soutien de l’ancien Premier ministre Boris Johnson, à l’origine du projet.

Dénoncé par l’ONU

Ce texte vise à décourager l’afflux de migrants dans des petites embarcations à travers la Manche : près de 30 000 l’an dernier, après un record en 2022 (45 000). Ce week-end, cinq migrants sont morts alors qu’ils tentaient de rejoindre une embarcation à la mer dans une eau glaciale. Mercredi matin, d’autres bateaux ont été vus en train de tenter cette traversée périlleuse.

Jusqu’à présent, le texte n’a jamais pu être mis en œuvre. Un premier avion a été bloqué in extremis par une décision de la justice européenne. Puis la justice britannique avait, jusqu’à la Cour suprême, déclaré le projet illégal dans sa version initiale.

Nouveau traité avec le Rwanda

Pour tenter de sauver son texte, vivement critiqué par les associations humanitaires, le gouvernement a signé un nouveau traité avec le Rwanda. Il est adossé à ce nouveau projet de loi qui définit le Rwanda comme un pays-tiers sûr et empêche le renvoi des migrants vers leurs pays d’origine.

Il propose également de ne pas appliquer aux expulsions certaines dispositions de la loi britannique sur les droits humains, pour limiter les recours en justice. L’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a estimé mercredi que la dernière version du projet n’était «pas compatible» avec le droit international.

Le Labour promet d’abroger le texte

Son projet de loi devra désormais être approuvé par les membres non élus de la Chambre des Lords, qui pourraient fort bien l’amender. Et s’il est adopté à temps avant les législatives, prévues en fin d’année, le Labour, mené par Keir Starmer, a promis de l’abroger s’il arrive au pouvoir après 14 ans dans l’opposition.

Un durcissement trop important pourrait par ailleurs fragiliser le partenariat avec le Rwanda, qui a déjà reçu près de 240 millions de livres (280 millions d’euros) de la part du Royaume-Uni. « Cet argent ne sera utilisé que si les [migrants] viennent. Si ce n’est pas le cas, nous pourrons le rendre», a assuré le président rwandais, interrogé mercredi au Forum économique mondial à Davos, en Suisse.

Selon le Financial Times, Paul Kagame semble par ailleurs se lasser de cet interminable feuilleton. «Il y a des limites à la durée pendant laquelle cette affaire peut s’éterniser », a-t-il ajouté.

Avec AFP