Lithium de Manono : l’appel de Franck Fwamba : «Que chaque partie mette de l’eau dans son vin pour le gain équitable…»

Grand acteur de la Société civile œuvrant dans le secteur des ressources naturelles, Franck Fwamba revient sur l’épilogue du projet de lithium de Manono. Pour le bien du pays et le bonheur du peuple meurtri du territoire de Manono, dans la province du Tanganyika, il appelle chaque partie au conflit à «mettre de l’eau dans son vin pour le gain équitable des uns et des autres». Entretien avec Econews.
Franck Fwamba, vous êtes un des rares activistes et journalistes qui se battent pour la protection du patrimoine de certaines entreprises minières du Portefeuille de l’Etat depuis des années, afin que leur exploitation profite au pays et non aux individus. Votre Coalition TOUS POUR LA RDC a facilité, par vos collègues Henri Muhiya de la CERN-CENCO et Jeef Mbiya du Cadre de Concertation de la Société civile du haut-Katanga, à la fin du mois de mars une réunion entre partenaires de Dathcom Mining et les délégués des populations de Manono. Pouvez-nous nous en dire plus ?
La Société civile du territoire de Manono, comme communauté riveraine impactée par le projet d’exploitation minière de DATHCOM Mining SA, étant saisie de l’annulation du Permis d’exploitation de l’entreprise qu’elle voit travailler sur terrain, a résolument souhaité réunir autour d’une table les parties en désaccord afin de comprendre les contours de la discordance, les remettre ensemble pour que commence sans tarder l’exploitation de la mine du lithium de Manono, seule source sur laquelle compte la population de Manono pour son développement. Pour y parvenir, la Société civile a sollicité le concours de l’évêque de Manono, Monseigneur Vincent de Paul Kwanga, et Mgrr Guy Mande, évêque de l’Eglise Méthodiste, pour diriger les échanges de la médiation entre les parties en conflit, à savoir les partenaires du Projet DATHCOM, essentiellement COMINIERE, AVZ et DATHOMIR. Mes collègues Henri Muhiya et Jeef Mbiya avaient facilité les échanges et modéré lors de l’atelier du 29 mars 2023 au Centre Arupe de Lubumbashi, à la demande des organisateurs pour la simple raison qu’ils les avaient vus aller à Manono enquêter sur ce qui s’y passe.

Quel a été le message fort que des délégués des populations de Manono ont fait passé à cette rencontre ?
En effet, les organisateurs ont tenu à travailler avec toutes les parties prenantes pour trouver une solution durable. C’est ainsi que la Cominière qui voulait fausser compagnie était poussée, sinon obligée par les évêques catholique et méthodiste devant les délégués de Manono,à participer par téléphone. Ainsi, Monsieur Kibeya Célestin, le directeur technique de la Cominière qui fait fonction du gérant temporaire, a participé, promettant de trouver un terrain d’entente avec son partenaire AVZ qui était représentée à Lubumbashi et en ligne sur GoogleMeet à partir de son siège de Perth, en Australie.
Dans son mot d’introduction, Mgr Kwanga de Manono était clair et je le paraphrase : « Ces populations ont vu aussi la création de la Cominière par l’Etat et l’action de plusieurs de ses partenaires dont la plupart ne s’est limitée qu’à prélever les minerais artisanaux et à les vendre en dehors du pays sans impact positif sur le milieu (cas de MMR et de COPROCO), à la grande impuissance de la Cominière, entreprise du Portefeuille de l’Etat. Certains partenaires (essentiellement chinois, canadiens et des complices congolais) y détiennent plusieurs permis miniers gelés depuis des années mais pour lesquels ils font de la spéculation.Ils y sont des ‘’rois’’ nocifs et contrôlent Cominière avec la complicité de certains officiels. Nous avons vu ce beau mariage Cominiere-AVZ-Dathomir après des divorces pour cause de stérilité, qui ont souvent conduit à des procès en justice (cas de United Cominière, cas de MMCS en arbitrage à Paris où les éléments de l’étude de faisabilité de Dathcom ont servi de fer de lance à l’argumentaire de la partie congolaise). Maintenant que l’enfant est conçu, que l’échographie a même révélé son sexe, pourquoi voulons-nous qu’il soit un mort-né, un avorton? »

Dathomir était-elle présente à cette réunion de Lubumbashi ?
Je ne pense pas et les organisateurs peuvent répondre sur la raison de l’absence ainsi que les concernés s’ils étaient contactés.

La population de Manono a-t-elle peur de vivre sur un gisement maudit et problématique ?
Nous tous, en tant que Congolais, regrettons ce qui passe depuis dix ans dans ce gisement qui a déjà vu Global Tin, puis Manomin partir de manière brusque. L’actionnaire majoritaire de ce dernier est allé en arbitrage à Paris. Vous savez ce que EcoNews, d’autres médias et des ONGs ont fait la veille de récentes séances en arbitrage pour éviter que la Cominiere et la RDC soient représentées alors que par une lettre suspecte aux avocats, la Cominiere ne voulait pas y aller, préférant ouvrir la voie au scénario Dig Oil de mauvais souvenir. Incroyable mais vrai que cette mine aux minerais stratégiques soit entre les mains des dirigeants inconscients sinon incompétents compte tenu de plusieurs éléments en notre possession.

La population de Manono est-elle informée de cela ?
Certains, oui. En effet, Mgr Kwanga avait dit des choses de manière claire et simple. Je le cite : « Nous remercions les différents partenaires de Dathcom, spécialement la Cominiere et AVZ, pour leur ouverture à nous partager leur soucis et leur disposition à dialoguer pour aplanir les divergences afin qu’enfin l’enfant lithium puisse naître en bonne santé de ses parents qui l’ont conçu. Nous comptons sur vous, puisqu’en examinant les risques du blocage, nous estimons que cela ne peut profiter à aucune partie prenante. Parmi ces risques, nous en avons épinglé quelques-uns : perte d’un investisseur ayant fourni un travail de qualité; procès en arbitrage qui peuvent faire perdre à l’Etat Congolais des fonds (comme ce fut le cas de KMT, Frontier et COMISA, etc.) et l’arrestation de certains responsables étatiques et paraétatiques ; perte de crédibilité de COMINIERE auprès de la population de Manono ; détournement du projet qui aurait de nouveaux investisseurs, cequi ferait retarder son opéra-tionnalisation; perte des capitaux investis; en cas de résiliation de contrat, il y aurait la surpolitisation du projet qui remettrait en cause la vision du Chef de l’Etat, voir la compromettre ; en cas de persistance de l’annulation du Permis d’exploitation, les creuseurs artisanaux pourraient envahir la concession du PR 13359. Il importe donc que chaque partie mette de l’eau dans son vin pour le gain équitable des uns et des autres en considérant les apports respectifs, notamment le gisement apporté par la RDC et la valorisation apportée par AVZ ».
Donc, la population de Manono a tout dit par la bouche de Mgr Vincent Kwanga dont la sagesse et la maitrise de ce qui se passe chez Cominière ne fait l’objet d’aucun doute.

La population de Manono croit en l’AVZ, alors que la Cominière et certains officiels la rejette, allant jusqu’à l’accuser de corruption. Qu’en dites-vous ?
Tout esprit objectif connaissant bien l Cominière sait qu’entre tous les partenaires qui sont à Manono, seul AVZ est le sérieux et le chouchou de la population qui attend d’ailleurs plus d’elle. A propos de la corruption, la longueur prise par le dossier Dathcom, du dépôt de l’Etude de Faisabilité à l’octroi du Permis d’exploitation, est une des plus longues de notre histoire minière. Elle démontre que les Australiens ont respecté leurs régulations de société cotée en bourse, s’abstenant de toute corruption. Si vous faites allusion au dossier de Marius Mihigo, c’est honteux et surprenant que ceux qui disent qu’il a été engagé pour corrompre les gens oublient que son contrat de facilitation n’a aucun lien avec la transformation du Permis de recherche en Permis d’exploitation dont la procédure et les conditions sont clairement définies dans le Code et Règlement miniers. Pour rappel, les grandes et moyennes entreprises recourent légalement aux facilitateurs et lobbyistes de plusieurs ordres, dont les avocats, les agences en douanes, les gestionnaires des relations publiques inclus les contacts avec les politiques, les médias et Ongs. Nous avions appris que l’ancien Premier ministre francais Dominique de Villepin était venu à Kinshasa en 2019 pour rencontrer des officiels congolais et Jeun Afrique écrivait ceci : ‘’Depuis 2008, il est à la tête du cabinet Villepin International, qu’il fait prospérer grâce à un carnet d’adresses acquis au sein des réseaux chiraquiens. Le 8 mai, à Kinshasa, il a proposé au président Félix Tshisekedi de travailler au renforcement des relations de la RD Congo avec, d’une part la Russie, et d’autre part la Chine. À Hong Kong, le Français préside par ailleurs le conseil consultatif de l’agence de notation Universal Credit Rating Group». Plusieurs autres médias congolais en ont parlé. Glencore, Trafigura et d’autres en ont aussi.
Aux Etats-Unis d’Amérique, des lobbyistes qui sont très nombreux à Washington, New York, Paris, Bruxelles et Strasbourg sont bien payés en millions de dollars ou euros par des entreprises et gouvernements pour faciliter les contacts et faire les relais avec des officiels américains et européens dans le cadre de leurs intérêts sans que l’on ne parle de corruption. Pourquoi quand une entreprise engage un lobbyiste en RDC, ça fait du bruit et on l’accuse de tous les maux. La Société civile est intéressée de voir la liste des corrompus ou potentiels corrompus de la part des accusateurs ou dénonciateurs de Monsieur Mihigo Marius afin de déposer une plainte en justice contre lui et AVZ. Sinon, ce serait une stratégie des personnes indexées par le rapport de l’IGF autour de la mauvaise gestion, du bradage des actions de Dathcom pour faire distraire les gens.
A la place de Mihigo, j’aurais porté plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuse sans transiger. Qu’en est-il des dirigeants de Cominière dont la justice prétendait avoir des éléments solides à charge parce qu’un haut magistrat l’avait dit à mes collègues Henri Muhiya de la CERN-CENCO et Ernest Mpararo de LICOCO le jour de la remise de la copie de l’Accord entre la RDC et Ventora par le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, à la Société civile, début de décembre 2022 ?
Si nous tenons compte de ce qui se passe chez dathcom, Marius est une victime collatérale des réseaux qui en veulent à AVZ en violant son droit à la présomption d’innocence.

FK : Croyez-vous dans une suite favorable malgré la présence de Zijin?
Nous croyons en la vision du Chef de l’Etat de mieux faire le choses et surtout de ne pas laisser tous nos minerais stratégiques à la merci du contrôle des Chinois qui sont déjà une corde à notre cou en contrôlant au moins 70% de notre cobalt industriel et artisanal. La RDC ne va pas faire le choix suicidaire de laisser la Chine contrôler le coltan et le lithium de Manono, surtout que nos partenaires américains ont clairement annoncé à Mining Indaba à Cape Town leur position, c’est-à-dire ne pas laisser la Chine contrôler les sources d’approvisionnement de certains minerais critiques pour les batteries électriques dont le lithium. Une grande coalition avec les Canadiens, les Européens et les Australiens contre la Chine dans le secteur minier a été annoncée et mise en place sous le leadership américain avec lesquels nous avons de bonnes relations. Aussi, tout le monde doit-il lire les rapports d’ONGs congolaises et internationales ainsi que les publications de presse pour réaliser que Zijin est souvent accusée de violations de droits humains sous divers angles. Notre secteur du lithium et du coltan de Manono n’a pas besoin d’un pareil partenaire chez Cominiere. Faisons comme la Zambie, diversifions les partenaires dans nos minerais sans laisser un seul pays en avoir le monopole de production et de contrôle au risque d’asphyxier notre économie.

Qu’est-ce à dire ?
Tenant compte du rapport de l’IGF et plusieurs documents en notre possession, « TOUS POUR LA RDC » veut que la RDC développe le projet Dathcom avec le partenaire qui l’a valorisé en y enlevant les autres partenaires qui n’y ont rien apporté. Que le Gouvernement se mette à table avec AVZ et trouve une solution durable pour le pays et le développement des communautés comme vous le disiez souvent à travers plusieurs publications. Les Chinois veulent nos mines pour sécuriser leurs sources d’approvisionnement non pour les développer, selon les standards en tenant compte de nos intérêts. Le cas de Sicomines en est une grande illustration et les Occidentaux nous observent bien que ce sont eux qui avaient cédé certaines mines aux Chinois. Aujourd’hui, ils le regrettent avec cette histoire de transition énergétique. Tenons tous compte de ce que dit et pense la population de Manono pour ce projet dont le développement va rencontrer la politique, dite de PDL-145T du Chef de l’Etat, et booster l’économie comme il en est le cas autour des mines comme Kibali Goldmine et autres alors qu’autour de Commus à Kolwezi, les populations se plaignent de Zijin.

Que retenir de votre plaidoyer ?
Nous insistons sur la nomination de nouveaux mandataires, compétents et patriotes, à la tête des entreprises minières de l’Etat en difficulté, dont la Cominière. Louis Watum, Delphin Tshimena, Gustave Nzeng et plusieurs jeunes cadres sont mieux que ceux qui dirigent actuellement ces canards boiteux, tels que sont Kisenge-Manganèse, Sodimico, Miba, Cominière. Nous demandons à l’Etat de faire ce qu’il a fait chez Gécamines en changeant de management pour la relance de ces entreprises stratégiques.
Pour la population de Manono, le message est celui porté par Mgr Kwanga de l’église catholique lors de l’atelier de Lubumbashi : «Comme c’est au nom de la population de Manono que nous avons engagé cette démarche, nous demandons que les différentes interventions tiennent compte de ses attentes. Dans le souci d’un équilibre dans le développement du pays, les populations de Manono estiment qu’il serait de toute justice que la transformation du lithium se fasse à Manono à travers la Zone économique spéciale annoncée par Son Excellence Félix-Antoine Tshi-sekedi Tshilombo, en tant que Président de la RDC et Président en exercice de la SADC, à l’occasion du Forum d’investissement minier «Investingin mining Indaba 2023» en février 2023 ».
Merci à EcoNews pour la lutte noble aux côtés de la Société civile pour la défense des intérêts du pays et le développement des communautés. «Bendele Ekueya Te» et que la RDC gagne au-delà de nos divergences !
Propos recueillis par F.K.