Depuis Washington, aux Etats-Unis, le sénateur Matata Ponyo Mapon salue la tenue du Forum pour la paix et la réconciliation des Katangais, tenu en mai dernier à Lubumbashi, à l’initiative de Mgr Fulgence Muteba, archevêque de la même ville. Au-delà de la symbolique de la réunification et de l’unité du Grand Katanga, il pense qu’ «il existe encore beaucoup à faire pour reconstituer le bloc compact recherché capable d’être politiquement utile en 2023». Il faut, dit-il, que «les Katangais de l’opposition et du pouvoir transcendent leurs intérêts politiques respectifs et privilégient ceux de la province du Katanga. Ce qui n’est pas facile dans la configuration politique actuelle». «Peut-être qu’il faudra pour cela, note-t-il, un deuxième forum. Sinon, celui de fin mai dernier n’aura servi à rien. Il ressemblera aux autres qui l’ont précédé : un forum plutôt formel et politique qui n’a rien à voir avec les intérêts de la population». Tribune.
Ce que je pense est que l’union fait la force.
C’est sur fond de cette vérité que les acteurs politiques de l’ancienne province du Katanga se sont réunis du 17 au 22 mai dernier à Lubumbashi, chef-lieu de la nouvelle province du Haut-Katanga. C’est depuis quelques années que ce forum était ardemment voulu par plusieurs acteurs politiques du Katanga, principalement ceux proches de l’ancien président de la république, Joseph Kabila.
L’objectif principal était de rapprocher ce dernier avec l’ancien gouverneur de province du Katanga, Moïse Katumbi, devenu depuis lors un opposant farouche à l’ancien président de la république. Cela a pris du temps à cause principalement de la réticence du camp de l’ancien gouverneur. Dans l’entre-temps, le paysage politique a beaucoup changé: la majorité parlementaire est passée du camp du Front Commun pour le Congo (FCC) contrôlé par l’ancien président Kabila à celui de l’Union sacrée du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi. Aussi, les relations entre cette dernière et l’ancien gouverneur se sont beaucoup refroidies. Alors qu’il fut l’un des principaux acteurs de l’écroulement de la majorité présidentielle du FCC, l’ancien gouverneur de province n’a été que faiblement récompensé. Aucun membre de son parti n’a pris la tête de l’une des trois principales institutions politiques du pays (Primature, Assemblée nationale et Sénat), encore moins d’un des principaux ministères au sein du gouvernement.
Dans l’entretemps, la date des élections législatives et présidentielle n’est plus qu’à une année et demie. Les deux frères katangais, ennemis pour les uns, adversaires pour les autres, se sont finalement rencontrés et donnés, dans la cathédrale Saints Pierre-et-Paul de Lubumbashi, une poignée de mains historique, symbole de la réconciliation et de l’unité des fils et filles de l’ancienne province du Katanga. La palme d’honneur revient à l’archevêque métropolitain de Lubumbashi, Monseigneur Fulgence Muteba, proche de Moise Katumbi, qui s’est totalement investi dans la réalisation de ce projet socio-politique difficile.
Ce que je pense est que le rapprochement formel de l’ensemble des acteurs politiques de l’ancienne province du Katanga est un signal politique fort qu’il ne faut nullement négliger. En effet, à la suite du découpage territorial intervenu en 2015, l’ancienne province du Katanga, s’est muée en quatre petites provinces, à savoir le Haut-Katanga, le Lualaba, le Haut-Lomami et le Tanganyika. Pour rappel, la décision du découpage territorial, bien que justifiée administrativement, avait été précipitée parle pouvoir politique de l’époque en vue principalement d’affaiblir l’ancien gouverneur de la province du Katanga, Moïse Katumbi. Ce dernier était devenu encombrant après avoir quitté le PPRD, créé son propre parti, et exprimé ouvertement son ambition de briguer la magistrature suprême à la prochaine élection présidentielle. Le régime politique de l’époque avait donc concocté plusieurs actions judiciaires en vue de le faire condamner et l’empêcher d’être candidat à cette dite élection. Pour échapper à ce piège politique, l’ancien gouverneur s’était exilé en Europe et n’est rentré au pays qu’en 2019, à la faveur du nouveau régime dirigé par son allié, le Président Félix-Antoine Tshisekedi. Ce dernier lui a restitué son passeport congolais et sa nationalité lui déniée par le régime politique précédent.
Ce que je pense est qu’il faut saluer la paix des braves entre les deux principaux acteurs politiques du grand Katanga. Mais, il faut que cette réconciliation soit différente des autres qui se sont tenues auparavant toujours à Lubumbashi pour rassembler les katangais. Il faut qu’elle augure une nouvelle ère de leadership et de gouve-rnance capable de relancer le développement de l’ensemble du Katanga. Jusque-là, seules deux provinces sur quatre ont enregistré un certain progrès socioéconomique du fait principalement des retombées de l’exploitation minière. Il s’agit du Haut-Katanga et du Lualaba. Les deux autres provinces, à vocation essentiellement agricoles, sont restées à la traine ; l’agriculture ayant été quasiment abandonnée au profit des importations à partir de l’Afrique australe, particulièrement de la Zambie et de l’Afrique du Sud.
En outre, les infrastructures ferroviaires et routières se sont fortement détériorées dès que les deux provinces du nord (Haut-Lomami et Tanganyika) se sont davantage éloignées de leurs deux consœurs du sud Katanga. Malheureusement, la taxe spécifique sur le secteur minier instaurée par le gouvernement central en 2010 principalement pour résorber le déséquilibre en infrastructures entre les deux provinces du nord et celles du sud n’a pas atteint son objectif. La réconciliation politique ainsi réalisée, pour être pérenne et utile, devra être fondée sur la mise sur pied d’un plan d’intégration et de relance économique de toutes les quatre provinces nouvellement créées. Evidemment, ce programme économique régional devra être en harmonie avec le programme économique national.
Ce que je pense est que la réconciliation des acteurs politiques du Grand Katanga peut influer sur les perspectives électorales et politiques de 2023. A condition que le bloc katangais redevienne compact comme auparavant. Entre 2010 et 2015, la majorité des acteurs politiques du Katanga étaient dans la majorité parlementaire contrôlée par le président de l’époque Joseph Kabila. Moïse Katumbi était le gouverneur du Katanga. Kyungu wa Kumwanza était le président de l’assemblée provinciale. Les intérêts de principaux acteurs politiques de la province étaient mutatis mutandis les mêmes. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Certains opérateurs politiques du Katanga sont dans l’Union sacrée qui est au pouvoir. «Ensemble», le parti politique de Moïse Katumbi, fait partie du gouvernement national, même si (tout le monde le sait), il existe plusieurs points de divergence entre ce parti et l’union sacrée du Président Tshisekedi. En effet, certains membres du gouvernement provenant de «Ensemble» ont déjà annoncé qu’ils resteraient du côté du pouvoir au cas où «Ensemble» de Moïse Katumbi se décidait de quitter l’Union sacrée. A l’opposé, une bonne partie d’acteurs politiques du Katanga, particulièrement du FCC, sont dans l’opposition et ne sont pas en harmonie avec le pouvoir politique. Quelques-uns d’entre eux subissent parfois de tracasseries politico-judiciaires. D’autres sont même en exil.
Ce que je pense est qu’en définitive, au-delà de la symbolique de la réunification et de l’unité du Katanga du 22 mai dernier, il existe encore beaucoup à faire pour reconstituer le bloc compact recherché capable d’être politiquement utile en 2023. Il faut que les katangais de l’opposition et du pouvoir transcendent leurs intérêts politiques respectifs et privilégient ceux de la province du Katanga. Ce qui n’est pas facile dans la configuration politique actuelle. Peut-être qu’il faudra pour cela un deuxième forum. Sinon, celui de fin mai dernier n’aura servi à rien. Il ressemblera aux autres qui l’ont précédé: un forum plutôt formel et politique qui n’a rien à voir avec les intérêts de la population.
Washington, le 30 mai 2022
Matata Ponyo Mapon
Sénateur