Opacité dans les mines artisanales : les nouveaux barons du régime mis en cause

Le désordre qui ronge le secteur minier artisanal a suscité un éveil national qui a finalement atteint le plus haut niveau de l’Etat. Vendredi dernier en Conseil des ministres, le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a tapé du poing sur la table. Le Président de la République veut voir clair. Si le déclic est venu du scandale minier dans la filière aurifère de l’Est, dans le Grand Katanga, plus précisément dans le Haut-Katanga et le Lualaba, c’est l’anarchie. Qui pis est, aussi en Ituri, dans les Nord-Kivu et Sud-Kivu ainsi dans les provinces démembrées du Grand Katanga, derrière une activité minière artisanale se cachent les nouveaux barons du pouvoir qui ont trouvé dans les mines artisanales un bon filon pour un enrichissement. Remettre de l’ordre passe par le démantèlement du réseau politico-militaire qui parraine les opérateurs artisanaux.

 «Je veux dire aux miniers ma pensée. Ceux que j’ai accueilli à Kinshasa sont déjà avertis : le Congo avec lequel ils s’amusaient a cessé d’exister ».        C’est en ces termes que le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, s’était adressé à une délégation qu’il recevait il y a quelques mois dans la capitale congolais. Mais, c’était bien avant que le grand scandale de l’exploitation minière artisanale ne soit porté au grand jour. Aujourd’hui, le dossier a été remis sur la table. Pris à contrepied par un secteur minier artisanal qui commence de plus en plus à échapper à son contrôle, le Gouvernement promet de sévir.

Vendredi dernier en Conseil des ministres, le Président de la République a relancé le débat, donnant des instructions claires au Gouvernement pour un retour rapide de la légalité dans l’artisanat minier.

Dans sa communication sur la lutte contre la fraude minière, «le Président de la République a déploré les différents scandales d’exploitations illégales des ressources minières. Plusieurs opérateurs économiques (sociétés ou personnes physiques) détenant des permis de recherches font de l’exploitation en lieu et place des recherches proprement dites».

Et d’insister sur « l’impérieuse nécessité d’évaluer cette situation auprès du Cadastre minier et de diligenter une enquête dans un délai raisonnable ».

Aussi, a-t-il instruit la ministre des Mines de « prendre toutes les dispositions nécessaires pour produire un rapport clair et détaillé sur cette  situation ainsi que des propositions concrètes assorties de mesures contraignantes pour les cas d’irrégularités avérés», tout en demandant au Premier ministre de «mettre en place une Commission interministérielle composée de ministères et institutions publiques concernés, principalement les ministères des Mines et de la Recherche scientifique, afin d’accélérer le projet de la cartographie des minerais de la République Démocratique du Congo ».

Un business sous la protection d’une maffia politico-militaire

Le Président de la République affiche une nette volonté pour remettre de l’ordre dans l’artisanat minier. Le déclic est bien là, quoi que venu en retard.

Il y a cependant des évidences devant lesquelles les autorités congolaises ne peuvent pas se voiler la face. Car, derrière une exploitation artisanale, il y a bien souvent une main noire, politique ou militaire, qui sert de garde-fou. Ce qui se passe dans la province de l’Ituri n’est pas diffèrent du grand désordre dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba. Dans ces deux grandes provinces, la mine artisanale est devenue un business sous la bonne protection d’une maffia politico-militaire qui tire racines généralement à Kinshasa.

Qui ne sait pas que dans le Haut-Katanga et dans le Lualaba, les proches du Président de la République usent du trafic d’influence de tous genres pour couvrir les exploitants artisanaux, généralement étrangers, jusqu’à rogner sur certaines concessions minières couvertes des Permis d’exploitation ? Qui ne sait pas aussi dans la partie Est, le même business prospère sous le bon entretien de quelques notabilités locales, civiles et militaires ?

C’est dire que la lutte contre le désordre dans l’artisanat minier ne relève pas d’un miracle. Le point de départ est de couper les divers cordons, bien tapis à Kinshasa, qui entretiennent les différents réseaux des mines artisanales. Des noms sont cités. Ils sont connus du grand public. L’heure n’est donc pas aux jérémiades. Plutôt à l’action en décourageant les nouveaux barons du régime qui ont trouvé dans les mines artisanales la façon la plus rapide pour se faire de l’argent.

Agir autrement n’est que poursuite du vent !

Econews