RDC-Chine : comment Kinshasa veut reprendre en main ses ressources

Pour sa première visite d’État à Pékin, le président Tshisekedi a affiché sa volonté de recadrer le partenariat avec Pékin, surtout dans les mines. Décryptage.
Pour sa première visite officielle en Chine, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a rencontré son homologue Xi Jinping. Félix Tshisekedi souhaite renégocier les termes du «contrat du siècle» : un contrat minier conclu en 2008 sous Joseph Kabila, qui, selon un rapport récent de l’Inspection générale des finances de la RD Congo, s’est avéré très déséquilibré pour Kinshasa.
Du cobalt, du cuivre, et d’autres matières premières dont la Chine a tant besoin, en échange d’investissements dans les infrastructures. Voilà pour le deal initial. Quinze ans après la signature du «Contrat du siècle » entre la RDC et des entreprises minières chinoises, force est de constater que la promesse n’a pas été tenue. Et les Congolais, à commencer, par le chef de l’État, Félix Tshisekedi, veulent revoir les termes du contrat.
Pour sa première visite d’État en Chine, le successeur de Joseph Kabila élu en 2018 a donc fixé pour objectif non pas la signature de gros contrats mais plutôt celui «de recadrer les relations entre la RDC et la Chine pour qu’elles soient désormais basées sur une réelle valeur ajoutée pour leurs peuples respectifs », a d’emblée précisé le directeur de la communication du Président Tshisekedi, Erik Nyindu.
Les enjeux sont énormes. Le pays le plus vaste d’Afrique centrale est un important exportateur de cuivre, d’uranium et de cobalt – un ingrédient clé des batteries pour des appareils destinés à la consommation. Ses sous-sols regorgent également, de plomb, de zinc et de manganèse. Il dispose de mines d’étain, d’or, mais aussi du coltan (80 % des réserves mondiales) et qui sert notamment à la fabrication des téléphones portables. En résumé, le sous-sol de la République démocratique du Congo est si riche en minerais que le pays est souvent qualifié de «scandale géologique». Car, malgré toutes ces richesses, il reste l’un des États les plus pauvres du monde.
Et pourtant, la RDC est depuis plus de 50 ans, et les années Mobutu, un partenaire clé de la Chine. À tel point que Pékin est devenu, au fil des années, le premier partenaire commercial de Kinshasa, et les investissements chinois dans le pays ont atteint 10 milliards de dollars. Et sur le plan des infrastructures, l’empire du Milieu a effectivement construit d’emblématiques bâtiments, comme le Palais du peuple, le siège du Parlement et le Sénat congolais, le stade des Martyrs et, dernièrement, l’hôpital de l’amitié Chine-RDC.

Le «contrat du siècle» au cœur de vives discussions
En 2008, le président Joseph Kabila, alors au pouvoir, a souhaité donner un coup d’accélérateur à cette coopération, en négociant toujours plus d’accord avec la Chine, dont un contrat baptisé «Mines contre infrastructures». Soit le troc du cuivre et du cobalt congolais – notamment extraits par la compagnie sino-congolaise Sicomines au Katanga – contre la construction d’infrastructures pour un montant de 9 milliards de dollars, renégocié en 2009 à 6 milliards sous pression du Fonds monétaire international. Deux entreprises chinoises, Sinohydro et Crec (China Railway Engineering corporation), devaient réaliser ces travaux d’infrastructures.
Plus de dix ans après, le compte n’y est pas. Arrivé au pouvoir en 2019, Félix Tshisekedi a, à plusieurs reprises, critiqué ce contrat «sino-congolais» et fait part de son intention de les renégocier. Une révision promise au nom des Congolais qui, déplorait-il en 2021, «croupissent toujours dans la misère» dans un pays aux immenses ressources minières. Une étude de l’Inspection générale des finances (IGF) de la RDC avait dénoncé un «important déséquilibre financier au détriment de la RDC [par rapport] aux avantages octroyés à la partie chinoise» dans ce contrat.
À Pékin, pour la visite officielle, Erik Nyindu Kibambe a déclaré aux journalistes que les pourparlers de rené-gociation minière se déroulaient «à merveille», la partie congolaise espérant un accord d’ici à la fin de cette année. Il a déclaré qu’ils aspiraient à conclure un accord d’État à État, plutôt que des accords entre la RDC et des sociétés minières individuelles.
Par ailleurs, le président Tshisekedi a également demandé au président Xi Jinping que, au sein de la société sino-congolaise Sicomines, ce ne soit plus Pékin l’actionnaire majoritaire mais Kinshassa. Même si les deux dirigeants ont annoncé qu’ils relevaient «la relation bilatérale d’un partenariat stratégique de coopération gagnant-gagnant à un partenariat de coopération stratégique global », la Chine attend aussi des gestes supplémentaires de la part de Kinshasa concernant l’amélioration du climat des affaires en RDC.

Econews avec Le Point Afrique