La lame de fond soulevée depuis Kisangani par le Président de la République, Félix Tshisekedi, confirmant les propos du secrétaire général de l’UDPS Augustin Kabuya autour de la possibilité d’une révision de la Constitution est loin de retomber. Au contraire. Chaque jour qui passe vient en rajouter à la confusion ambiante et laisse clairement entrevoir des jours difficiles pour la République Démocratique du Congo, tant les positions des uns et des autres sont radicalement opposées. L’entrée en lice de l’Eglise catholique et du camp de l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila n’est pas de nature à apporter de l’apaisement des esprits. En revanche, l’on semble s’acheminer à une confrontation des rues dans les villes du pays, sans que l’on en envisage l’issue. Ajouter à cela que la guerre dans l’Est prend une nouvelle tournure avec l’avancée du M23 appuyé par l’armée rwandaise, une réalité qui semble être reléguée au second plan. C’est dans la rue que se joueront donc les grandes batailles de la révision constitutionnelle. Augustin Kabuya promet l’enfer à ceux qui se mettront en travers du chemin de l’UDPS, le parti au pouvoir.
Peu à peu, les schémas se mettent en place dans les deux camps des partisans de la révision (ou du changement) de la Constitution du 18 février 2006 d’une part, et de ceux qui sont opposés à la volonté du chef de l’Etat de faire table rase du texte fondamental en vigueur, prêtant à ce dernier l’intention de se maintenir indéfiniment au pouvoir à la faveur d’un Quatrième République qui lui assurerait un troisième-premier mandat d’une durée de sept ans renouvelables, d’autre part.
Parmi les premiers à s’exprimer ouvertement contre le projet porté par l’UDPS, le FCC (Front commun pour le Congo) de l’ancien président Joseph Kabila. Et la Conférence épiscopale nationale du Congo, le clergé catholique, dans une déclaration rendue publique,
Pour le FCC, «par-delà les arguments fallacieux servis au peuple, le véritable objectif de ce projet de changement de la Constitution est clair, à savoir l’instauration d’une présidence à vie omnipotente, par le déverrouillage des dispositions constitutionnelles intangibles, singulièrement celles relatives au nombre et à la durée des mandats présidentiels et aux prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées», fait remarquer le FCC sous la signature de son Coordonnateur Raymond Tshibanda.
Le FCC avertit en outre que «ce projet de changement constitutionnel, s’il passe, aura pour conséquence de dépouiller de toute légitimité l’ensemble des institutions du pays, ouvrant la voie à l’arbitraire et au chaos, et donc, et c’est le plus grave, un danger pour la paix, l’unité et la stabilité du pays, une déclaration de guerre du président Tshisekedi au peuple congolais».
LE CLERGÉ CATHOLIQUE RENTRE DANS LA DANSE
Par la voix de son porte-parole, Mgr Donatien Nshole, l’épiscopat catholique a été on ne peut plus clair : la CENCO dit NON à toute révision ou changement de la Constitution. Un avertissement non négligeable quand on se rappelle que les tentatives de même nature engagées vers la fin du second et dernier mandat de l’alors président Joseph Kabila s’était heurté à la résistance farouche de la CENCO à laquelle s’étaient jointes les autres confessions religieuses et…l’UDPS.
Au point que le camp Kabila, devant des manifestations sanglantes et des dévastations des infrastructures et du mobilier urbain n’avait eu pour dernière ressource que de renoncer à la révision de la Constitution qu’il avait promulguée une décennie plus tôt, en dépit de l’insistance des cadres de son parti politique dont la plupart ont tourné casaque depuis, rejoignant leur ennemi d’hier auquel ils affirment vouer une fidélité sans faille.
Tout en invitant le président Tshisekedi à ne pas écouter es proches qui ne voient pas plus loin que leurs ventres, la CENCO annonce une mobilisation générale pour barrer la route à la démarche de l’UDPS porteuse des germes de chaos et de déstabilisation.
En réaction, Augustin Kabuya campe sur sa position, Accusant le FCC d’avoir détruit le pays en deux décennies avec une gestion chaotique au point de réviser la Constitution en 2011 pour s’éterniser au pouvoir. «Vos conciliabules avec des politiciens en soutane sont visibles au grand jour […] Le peuple n’est pas surpris. Il se souvient que depuis 1992 lors de la Conférence nationale souveraine, ce type d’alliances ténébreuses avaient combattu le nom de Tshisekedi en se positionnant comme Troisième Voie de triste mémoire».
D’INÉVITABLES BATAILLES DE RUE
Face la mobilisation générale annoncée par l’Eglise catholique, le secrétaire général Kabuya promet de même de mobiliser les «combattants» pour montrer à l’opinion nationale et internationale que le parti présidentiel garde encore la maîtrise de la rue.
Il se trouve tout de même des avis appelant à l’apaisement. Ancien juge constitutionnel et professeur d’université, Eugène Banyaku Luape estime que le président «ne fera pas de forcing. Et je suis d’avis qu’il fasse appel aux experts et que toutes les institutions s’y penchent […] Le président n’est pas le pays. Il a émis un avis favorable et constitutionnel. Le pouvoir de changer la Constitution revient au peuple congolais».
Au train où s’observe une escalade verbale attisée par les médias sociaux, où s’affrontent deux camps résolument inconciliables, seul le temps pourra établir des évolutions soit dans le sens d’une concertation nationale, dans le genre du dialogué avorté par l’opposant Martin Fayulu, ou soit l’UDPS maintien son côté radical et alors, ce sera le saut dans l’inconnu.
Econews