Soutien du Rwanda au M23 : Blinken promet de dire toutes ses vérités à Kagame

Le casting n’est pas le fait d’un hasard. Pour son premier voyage en Afrique, le secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, a commencé par l’Afrique du Sud, avant d’affronter le chaudron de la région des Grands lacs où la République Démocratique du Congo et le Rwanda sont sur le pied de guerre. Le moment est tout aussi bien choisi. En effet, un groupe d’experts des Nations Unies ont unanimement, preuves à l’appui, confirmé le soutien militaire du Rwanda aux terroristes du M23. Avec le passage du chef de la diplomatie américaine sur ses terres, Kinshasa pense faire bouger sensiblement les lignes pour que le monde, dit civilisé, comprenne que Kigali ne s’inscrit pas dans une démarche de stabilité dans la région des Grands Lacs. Après des échanges avec le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, Washington a pris la mesure de travailler pour une paix durable dans la région. Anthony Blinken l’a dit : «On n’a pas tourné le dos à la question de l’Est de la RDC (…) Tous les pays doivent respecter la souveraineté des uns et des autres ». Autant de vérités que le chef de la diplomatie américaine promet de dire au président rwandais, Paul Kagame, ce mercredi à Kigali.
Diplomate de carrière, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Anthony Blinken, ne pouvait pas en dire plus lors de son passage à Kinshasa. Comme toujours, face au Rwanda, agresseur de la République Démocratique du Congo, par M23 interposé, Washington a choisi la politique du bâton et de la carotte. Mais, en optant plus pour la carotte.
Sans condamner ouvertement Kigali pour sa propension à la déstabilisation de la partie Est de la RDC, le chef de la diplomatie américaine n’est pas resté insensible aux conclusions du dernier rapport des experts des Nations Unies qui ont repris, preuves à l’appui, le soutien de Kigali aux rebelles du M23.
L’on retient une chose : Les États-Unis sont réellement préoccupés par le soutien apporté par le Rwanda au groupe terroriste M23 suivant le rapport des experts déposés au Conseil de sécurité de l’ONU.
Washington promet d’agir, mais préfère encore prendre son temps, en laissant, sans doute, l’option diplomatique baliser la voie, en lieu et place d’une solution militaire plus contraignante.
Dans la conférence de presse qu’il a co-animée avec son homologue congolais, le VPM (vice-Premier ministre) Christophe Lutundula, le secrétaire d’Etat américain s’est voulu conciliant. «On n’a pas tourné le dos à la question de l’Est de la République Démocratique du Congo », a-t-i dit d’entrée de jeu.
Pour l’instant, Washington n’est pas prêt à activer la méthode forte. Il préfère plutôt ramener les pays de la région des Grands lacs à une cohabitation pacifique.
«Les Etats-Unis soutiennent la médiation régionale menée conjointement par le Kenya et l’Angola », a-t-il dit, avant de rappeler que « tous les pays (Ndlr : de la région des Grands lacs) doivent respecter la souveraineté des uns et des autres ».

La crainte de la menace russe
Le secrétaire d’Etat Anthony Blinken est conscient des enjeux. Avec la guerre en Ukraine et la percée de la Russie en Afrique, les Etats-Unis ne veulent pas perdre la RDC. La grande hégémonie de l’Amérique y dépend.
«Il est juste de dire que nous ne fermons pas les yeux sur cette situation » de tensions entre la RDC et le Rwanda, a confié Anthony Blinken. D’ailleurs, il a clairement déclaré que le sujet sera débattu à Kigali avec le maître des lieux, Paul Kagame.
Prise la main dans le sac par les images des experts des Nations Unies, l’armée rwandaise qui attaque les FARDC sur le sol congolais ne peut plus nier les évidences. Le rapport des experts onusiens donne les preuves indiscutables.
A l’étape de Kinshasa, quelque chose a changé dans la perception de Washington. De mieux en mieux, Washington se rend compte que le risque est très élevé de se retrouver face à un mur. Frustré par l’attitude américaine de fermer les yeux sur les agissements de Kigali, il est à craindre que Washington voie Kinshasa passer dans le giron russe. De nombreux pays africains ont déjà franchi la ligne. D’autres de la sensibilité socialiste, affichent leur proximité avec Moscou. Il serait donc contreproductif de perdre la RDC.
Réservoir de matières premières et au cœur de la solution contre le changement climatique, le vrai problème réside dans l’appui à apporter à ce géant déstabilisé par des voisins prédateurs, mais qui sont dans les bonnes grâces de Washington.
Il est temps que les États-Unis progressent dans leur perception. Blinken a donné le ton à Kinshasa. A Kigali, il montera d’un cran pour réaffirmer la nécessité de protéger l’intégrité de la RDC. La comparaison de la situation de la RDC et le Rwanda avec celle de l’Ukraine et la Russie est un avertissement sévère. A Kigali, le message est bien capté.
Le plus évident est que le rapport d’experts mandatés par le Conseil de sécurité de l’ONU détaille l’implication directe du Rwanda, «unilatéralement ou conjointement avec les combattants du M23 » dans l’Est congolais.
Sans surprise, Kigali a récusé ces «allégations non valides » et avancé son « droit à défendre son territoire ». Un disque rayé qui ne passe plus.

Econews