La promesse du Président Félix Tshisekedi de « déboulonner le système Kabila » vient de basculer dans une phase sans retour. Après des rumeurs plaçant l’ex-président Joseph Kabila à Goma, ville occupée par la coalition rebelle AFC/M23 soutenue par le Rwanda, Kinshasa a déclenché une offensive politique inédite : suspension nationale du PPRD, saisine des biens de Kabila et menaces contre ses proches. Entre purge et règlement de comptes, Tshisekedi joue désormais carte sur table. Jusqu’où ira cette chasse à l’homme ?
La tension politique en République Démocratique du Congo a atteint un nouveau sommet ce samedi, après l’annonce par le Gouvernement de mesures radicales contre l’ancien président Joseph Kabila et son parti, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Une véritable « chasse à l’homme » est lancée, marquant un tournant dans la promesse de Félix Tshisekedi de « déboulonner le système Kabila ».
La réaction de Kinshasa a été foudroyante. Après des rumeurs relayées par des médias internationaux évoquant la présence de Joseph Kabila à Goma, ville partiellement occupée par le M23 soutenu par le Rwanda, deux ministres-clés du Gouvernement Suminwa ont frappé un double coup.
Les griefs
Jacquemain Shabani, Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et de la Sécurité, a d’abord annoncé la suspension immédiate des activités du PPRD sur l’ensemble du territoire national. Dans un communiqué incendiaire, il accuse le parti de Kabila d’« activisme avéré » face à la guerre contre le Rwanda et le M23, dénonçant une « complicité » et un « silence coupable » face à l’agression. «Cette décision s’inscrit dans le cadre des prescrits de la loi sur le statut des anciens présidents », a-t-il justifié, promettant de saisir la Cour constitutionnelle pour « faire légaliser cette suspension ».
Quelques heures plus tard, le ministre d’État à la Justice a enchaîné en ordonnant la saisie sans préavis de tous les biens de Joseph Kabila, menaçant d’étendre la mesure aux « caciques du PPRD ». Une décision perçue comme une punition collective visant à asphyxier financièrement le réseau de l’ancien chef de l’État.
La présence supposée de Kabila à Goma, théâtre d’affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles de l’AFC/M23, a servi de détonateur. Pour le pouvoir, l’ancien président incarnerait une « cinquième colonne » dans un contexte où Kinshasa accuse ouvertement Kigali de soutenir les insurgés.
« Comment un ancien président peut-il circuler librement dans une zone occupée par l’ennemi sans être inquiété ? », s’interrogent des sources sécuritaires.
Cette offensive s’inscrit dans la lignée des promesses de Tshisekedi, qui avait juré dès 2019 de démanteler l’héritage politique et économique de son prédécesseur. Après des années de cohabitation tendue et de luttes de pouvoir, le Chef de l’Etat semble désormais décidé à neutraliser définitivement l’influence de Kabila, dont le PPRD reste une force politique majeure.
Si les partisans de Tshisekedi saluent une « opération de salubrité nationale », les proches de Kabila dénoncent une « chasse aux sorcières » et une « tentative de dictature ». « Le PPRD est un parti légal. Cette suspension est anticonstitutionnelle », a réagi un cadre du parti joint par Econews, évoquant des recours juridiques.
Dans l’ombre, c’est toute la stabilité du pays qui pourrait être menacée. Joseph Kabila, bien que discret, conserve des soutiens solides au sein de l’armée, de l’administration et dans les provinces minières. « Une confrontation ouverte entre ses réseaux et le pouvoir actuel risquerait de fragiliser davantage un pays déjà en proie à la guerre à l’Est et à une crise économique aiguë », commente un analyste politique.
Jusqu’où ira Tshisekedi ?
La question agite Kinshasa. En ciblant directement Kabila et en s’attaquant à ses biens, le Président Tshisekedi franchit un Rubicon. Certains analystes y voient une stratégie pour renforcer son emprise alors que l’Est continue à brûler, tandis que d’autres redoutent un durcissement autoritaire.
« Tshisekedi veut montrer qu’il est le seul maître à bord », analyse un diplomate en poste à Kinshasa. Il se veut aussi prudent : « Mais en provoquant Kabila, il joue avec le feu. Personne ne sait comment celui-ci va réagir. »
Une chose est sûre : les prochains jours s’annoncent cruciaux. Entre procédures judiciaires, manifestations silencieuses des pro-Kabila et pressions internationales, le duel entre les deux hommes pourrait redessiner l’échiquier politique congolais.
Econews