Les délégations de Kinshasa et Kigali, conduites respectivement par les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, se retrouvent ce dimanche 15 décembre à Luanda (Angola) pour une nouvelle table ronde. Cette rencontre cruciale vise à désamorcer les tensions entre les deux pays et à renforcer les efforts de paix dans la région des Grands Lacs.
Le 31 juillet dernier, Kinshasa et Kigali ont signé un accord de cessez-le feu pour tenter de ramener la paix dans l’Est de la RDC. Cela aura été de courte durée, car sur le terrain les affrontements se poursuivent. Selon la présidence angolaise, ces assises s’inscrivent dans le cadre des efforts en cours visant à trouver une solution durable au conflit armé qui déchire l’Est de la RDC.
Depuis fin 2021, les forces armées congolaises et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda selon les Nations Unies, s’affrontent dans le Nord-Kivu et de larges pans de la région sont aux mains des rebelles.
Plusieurs initiatives diplomatiques pour ramener la paix ont été lancées, aussi bien à Nairobi au Kenya qu’à Luanda en Angola, et toutes se sont soldées par un échec.
S’agissant du 15 décembre prochain, pour Augustin Muhesi, professeur de sciences politiques dans le Nord-Kivu, les attentes vis-à-vis de cette rencontre à Luanda peuvent différer d’un acteur à un autre.
L’enseignant rappelle : «Pour les Congolais, ils auraient souhaité que cette rencontre permette aux deux présidents d’aplanir leurs divergences. En revanche, pour le Rwanda, si je m’en tiens à ses dernières déclarations, il s’agira de demander à la RDC de négocier directement avec les rebelles du M23. Même attente du côté du M23 qui aurait souhaité que le gouvernement congolais discute avec lui. Du côté de la RDC, il s’agira de demander au Rwanda de retirer ses troupes. Autant d’acteurs, autant d’attente!»
MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DU CONOPS ?
Ce sommet intervient après la rencontre du 25 novembre entre les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda qui s’est soldée par la signature, à Luanda, d’un Concept d’opérations (Conops).
Il s’agit d’une feuille de route dans laquelle le Rwanda réclame un arrêt du soutien congolais supposé aux FDLR, en échange du retrait de ses troupes de l’Est de la RDC.
Pour le politologue Christian Moleka, une des attentes majeures de la rencontre du 15 décembre serait la mise en œuvre du Conops avec des solutions concrètes pour la fin des hostilités :
«Bien évidemment, l’accord de Luanda ne répond pas à toutes les préoccupations, notamment concernant le M23. Selon moi, l’attente à minima que les Congolais pourraient attendre de cette rencontre : des dates concrètes de mise en œuvre du Conops et un début de matérialisation de ce projet pour un retour de la paix sur le terrain».
POSSIBLE NEGOCIATION AVEC LES FDLR ?
Le retour de la paix dans l’Est de la RDC passe, entre autres, par la résolution de la question de la présence des FDLR, souvent mise en avant par le Rwanda pour justifier le déploiement de 3.000 à 4.000 de ses soldats, selon les Nations unies, dans l’Est du territoire congolais.
Le 22 octobre dernier, les FDLR auraient ainsi demandé de dialoguer officiellement avec Kigali.
Pour Jason Stearns, qui enseigne les relations internationales à l’Université Simon Fraser, au Canada, Kigali n’acceptera pas de dialoguer avec les FDLR. Il souligne aussi que l’intervention armée du Rwanda en RDC a profité aux FDLR, grâce au soutien, selon lui, de l’Etat congolais.
«Ce qui est paradoxal, c’est que l’intervention du Rwanda, depuis 2021, en soutien au M23, a renforcé les capacités des FDLR. C’est paradoxal dans le sens que le gouvernement rwandais justifie, au moins officieusement, son intervention sur la base de cette menace des FDLR, mais pourtant, tout en intervenant, ils ont renforcé la capacité des FDLR parce qu’ils étaient marginalisés, ils avaient subi des attaques de l’armée congolaise, de l’armée rwandaise et des miliciens congolais, avant l’émergence du M23 », explique Jason Stearns à la DW.
Pour lui, «avec la réapparition du M23, en novembre 2021, ces alliances se sont reconfigurées et les FDLR ont pu recevoir, encore une fois, un soutien du gouvernement congolais ».
Dans un entretien accordé à la radio Top Congo Fm, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayi-kwamba, a précisé qu’il incombe à Kigali de savoir comment gérer cette question historique des FDLR.
Avec DW
Soyez le premier à commenter