C’est une Mercuriale hors normes que celle prononcée par le nouveau procureur général près la Cour de cassation, à l’occasion de la rentrée judiciaire. Firmin Mvonde Mambu a plaidé pour l’alourdissement des peines pour des infractions d’outrage au chef de l’Etat, des faits de faux bruits et d’incitation à la haine.
En RD Congo, les infractions d’outrage au chef de l’Etat résultent quelquefois fois d’écarts de langage spontanés, d’ironie grinçante ou de critiques de la gouvernance du magistrat suprême. Des propos qui, sous d’autres cieux, ne prêteraient pas à de graves conséquences ; …
mais rapportées aux réalités zaïro-congolaises, sont démesurément amplifiées dans un excès de zèle des services de renseignements qui passent alors le relais à une justice préalablement conditionnée. Il s’ensuit de lourdes peines d’emprisonnement, dans un système judiciaire où le sursis est inexistant. On croit, ce faisant, faire plaisir au chef de l’Etat avec le secret espoir d’obtenir (qui sait ?), une promotion.
Cependant, il est relativement facile de se prémunir de l’infraction d’outrage au chef de l’Etat : il suffit de faire profil bas et s’abstenir de toute critique. Ce sera la recette, imparable, pour couler des jours heureux, même avec le ventre vide.
En revanche, l’éventail des infractions de ’’faux bruits’’ est si large, son champ d’application si hasardeux quelles se prêtent à toutes les interprétations. Mais surtout, elles donnent au juge d’instruction des pouvoirs si étendus qui font craindre une dangereuse dérive qui ferait de l’embastillement la règle et la liberté, l’exception. Car l’acharnement à voir des ’’faux bruits,’’ même derrière des évidences qui crèvent les yeux, est un déni de justice incontestable.
Il sera dorénavant dangereux de juger, d’écrire, voire de penser, par exemple, que les zones économiques spéciales si chères au ministre de l’Industrie sont une chimère; que le vol et la corruption sont inscrits dans l’ADN des dirigeants de ce pays ou que les discours et les promesses ne remplissent pas le panier de la ménagère. Autant de ’’faux bruits’’ qui conduiraient inéluctablement leurs auteurs dans les célèbres pénitenciers de Makala ou de Buluo.
Le revers de la médaille est que le musèlement de l’opinion publique est la première étape vers la pensée unique, terreau par excellence sur lequel, de temps immémoriaux, naissent et prospèrent les dictatures.
Econews