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Walikale – Centre : une trêve rompue, des promesses en fumée

La trêve éphémère à Walikale-centre (Nord-Kivu) a cédé la place à une reprise des hostilités, les FARDC accusant le groupe rebelle AFC/M23, soutenu par le Rwanda, de renforcer militairement ses positions malgré une promesse de retrait. Alors que l’aviation congolaise a ciblé l’aérodrome local, utilisé pour acheminer armes et combattants, la population fuit une ville devenue fantôme. Médecins sans frontières alerte sur une catastrophe humanitaire imminente, tandis que les enjeux stratégiques autour de Kisangani et Biruwe rappellent l’urgence d’une solution durable dans l’Est congolais, toujours sous le feu des tensions.

La trêve annoncée il y a à peine une semaine dans la région de Walikale-centre a pris fin, plongeant à nouveau le territoire dans un cycle de violences. Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) accusent le groupe rebelle AFC/M23, soutenu par le Rwanda, de profiter de cette accalmie éphémère pour renforcer ses positions militaires via des livraisons aériennes d’armes et de combattants. Une situation qui exacerbe les tensions et aggrave une crise humanitaire déjà critique.

Le 22 mars 2025, l’AFC/M23 avait déclaré son retrait de Walikale-centre, dans le Nord-Kivu, pour «laisser une chance aux initiatives de paix». Une annonce saluée avec réserve par Kinshasa et Kigali. Mais dès le 25 mars, les espoirs de désengagement se sont évanouis : les rebelles sont restés sur place, consolidant même leurs positions le long de la route stratégique menant à Kisangani, à 400 km à l’ouest. Ce jeudi 28 mars, les FARDC ont rompu le silence, dénonçant un renforcement massif des effectifs et de l’arsenal de l’AFC/M23 dans les zones occupées.

UNE TREVE ROMPUE, DES PROMESSES EN FUMEE

La preuve de cette escalade s’est manifestée le 27 mars, lorsque l’aviation congolaise a lancé une frappe ciblée sur l’aérodrome de Walikale-centre, sous contrôle rebelle. Selon des témoins, un aéronef, ayant multiplié les rotations depuis six jours pour ravitailler les insurgés, a été attaqué au moment de son décollage. « L’avion a été surpris par des tirs de drone, puis par une frappe de Soukhoï. Un véhicule stationné à proximité a aussi été détruit », a rapporté une source sécuritaire à actualite.cd. Des colonnes de fumée et une explosion dans le centre-ville ont marqué l’opération, dont les dégâts matériels restent à évaluer.

Cette piste aérienne, bombardée à plusieurs reprises depuis sa prise par l’AFC/M23, est devenue un axe vital pour les rebelles dans cette zone enclavée, dépourvue de routes. «Ils acheminent hommes et matériel par les airs, en toute impunité », déplore un officier des FARDC, repris par radio Okapi.

En réponse, l’armée congolaise a renforcé ses positions à Boboro, à 24 km de Walikale, et à Biruwe, où se trouve la base de la 34è région militaire, clé pour les opérations dans la région.

MSF ALERTE SUR UNE CATASTROPHE ANNONCEE

Sur le terrain, la population subit de plein fouet la reprise des combats. Walikale-centre, autrefois carrefour commercial animé, est désormais une ville fantôme. La majorité des habitants ont fui vers la brousse ou des localités voisines comme Lubutu, où Médecins sans frontières (MSF) a déployé une équipe d’urgence. À l’hôpital de Walikale, une quarantaine de patients survivent avec des ressources au compte-gouttes. «Les stocks de médicaments sont rationnés, les lignes de ravitaillement coupées. On ignore combien de temps nous tiendrons », confie un médecin sous couvert d’anonymat.

Les équipes de MSF, bloquées dans leur base par l’insécurité, décrivent des conditions déshumanisantes : mouvements restreints, accès aux soins paralysé, et matériel médical insuffisant. «C’est une course contre la montre pour éviter une hécatombe », insiste un coordinateur de l’ONG.

KISANGANI DANS LA LIGNE DE MIRE ?

La reprise des hostilités à Walikale-centre inquiète les observateurs. Cette localité est un point névralgique pour le contrôle de l’Est de la RDC, reliant Kisangani – où les FARDC ont relocalisé leur quartier général après la chute de Goma et Bukavu – aux zones minières du Kivu. La progression des rebelles vers l’ouest menacerait directement Biruwe, base avancée de l’armée située à 70 km de Walikale. «L’AFC/M23 cherche à isoler nos positions et à étouffer nos capacités logistiques », avertit un commandant des FARDC.

Alors que le Rwanda continue de nier son soutien aux rebelles, la communauté internationale reste étrangement silencieuse. Pendant ce temps, les habitants de l’Est, pris en étau entre les combats et les exactions, dénoncent l’abandon. «Les discussions à Kinshasa ou à l’ONU ne nous protègent pas. Nous mourons en silence», lance une déplacée à Lubutu.

Alors que les FARDC et l’AFC/M23 se livrent une guerre d’usure, la trêve n’aura été qu’un mirage. À Walikale, chaque jour perdu dans les négociations se traduit par des vies sacrifiées et un territoire qui sombre un peu plus dans le chaos.

Francis N.

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