Entre les députés nationaux qui siègent à l’Assemblée nationale et les élus provinciaux de 26 provinces de la RDC, c’est déjà une guerre froide qui ne dit pas son nom. A la base : les révélations des émoluments mensuels de « 21.000 USD » alloués aux élus nationaux. Depuis lors, les députés provinciaux se sont ligués et exigent qu’on leur accorde les mêmes avantages. La grogne ne fait que commencer.
La conférence des députés provinciaux de la République démocratique du Congo (RDC) a exigé de bénéficier des mêmes avantages que les députés nationaux dans la foulée de révélations sur les émoluments de ces élus – estimés à 21.000 dollars US par mois -, qui ont suscité une vive polémique dans ce pays où la majorité de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Cette exigence a été formulée par le président de la conférence des députés provinciaux, Blanchard Takatele, issu de la province du Kwilu, lors d’une conférence de presse jeudi à Kinshasa.
«Il est inadmissible que les députés nationaux bénéficient d’autant d’avantages alors qu’ils sont tous régis par la même Constitution », a-t-il dit, repris par La Libre Belgique qui cite la radio Okapi.
«Lisez la Constitution. Vous allez vous rendre compte que quand on parle des droits des députés nationaux, ces droits-là, sont mutatis mutandis pour les députés provinciaux (…). Nous demandons au chef de l’Etat (le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, ndlr) qui est le garant du fonctionnement des institutions, de ne pas seulement voir les nationaux, mais de voir aussi les provinciaux », a ajouté M. Takatele.
«Bientôt, les députés nationaux vont recevoir les véhicules, mais nous à qui le chef (de l’État) avait demandé de s’approprier les projets de 145 territoires (que compte la RDC, ndlr), nous nous les sommes appropriés et demandons que nous puissions aussi avoir des véhicules afin d’aller superviser ces projets », a-t-il poursuivi.
Ces propos font la suite d’une déclaration de l’opposant Martin Fayulu Madidi, qui a assuré mardi que « la rémunération des députés nationaux s’élève depuis janvier 2022 à 21.000 dollars US par mois ». Un montant – contesté par certains députés – qui comprendrait le salaire (avec diverses primes comprises, y compris pour la participation aux travaux de l’Assemblée nationale), plus de 5.000 dollars provenant de «réserves parlementaires » et 3.000 dollars US deux fois l’an pour les vacances parlementaires.
Les députés du camp au pouvoir, l’Union sacrée de la Nation» (UNS), qui compte de nombreux transfuges ayant jadis soutenu l’ancien président Joseph Kabila Kabange (au pouvoir de 2001 à 2019), perçoivent en outre une «prime de motivation», que les bénéficiaires qualifient d’ «invisible». Ces sommes s’ajoutent à des avantages en nature comme le passeport diplomatique, une jeep et une assurance maladie.
Certains élus ont confirmé le communiqué de M. Fayulu, un ancien député qui préside le parti ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement), alors que d’autres l’accusent de «populisme».
Fayulu continue à camper sur sa position : «Cela s’appelle de la corruption à grande échelle, gabegie et pillage des finances publiques de la part du pouvoir usurpateur (de Tshisekedi) en quête de légitimité interne», a-t-il affirmé dans son communiqué, appelant à «l’annulation immédiate» de cet «achat des consciences par le braquage des caisses de l’État».
À quelques jours de la rentrée parlementaire, la Société civile s’est invitée dans le débat en exigeant la publication de ce que gagnent les élus et les dirigeants congolais.
L’ONG La Voix des Sans Voix pour les droits de l’Homme (VSV) a affirmé, dans un communiqué, qu’il était «temps que les autorités congolaises, notamment le président de la République, rectifient le tir pour mettre fin aux injustices criantes et rétablir la confiance entre les gouvernants et les gouvernés».
A titre de comparaison, un simple fonctionnaire congolais touche 155.000 francs congolais (52,5 dollars US) par mois, un professeur d’université gagne en moyenne 2.000 dollars US alors que le salaire d’un médecin tourne autour de 1.000 dollars US.
Riche en ressources naturelles, la RDC est le 10ème pays le plus pauvre de la planète: 77,2% de sa population vit avec 1,9 dollar par jour, selon les Nations unies. Considérée comme l’un des pays les plus corrompus, elle occupe la 169e place sur 180 pays dans le classement de l’ONG Transparency international.
Econews avec La Libre Belgique/Afrique