36 millions USD sur la table : Centurion vs la RDC en arbitrage à Paris

La République Démocratique du Congo devra batailler dur devant la Cour internationale arbitrale de Paris pour échapper au paiement d’une dette de 36 millions de dollars américains que lui réclame le cabinet sud-africain « Centurion Law Group » qui prétend avoir pesé de tout son poids dans l’accord de réparation de 180 millions conclu, fin 2022, entre l’Etat congolais et le négociant suisse Glencore. Lundi 11 septembre à Paris, c’était la première confrontation entre les avocats de la RDC, dont la Française Rachida Dati, face à l’équipe de Centurion. Comment en est-on arrivé là ? La RDC s’en sortira-t-elle de ce qui a tout l’air d’une arnaque dans laquelle serait impliquée, selon une correspondance de Mme la ministre d’Etat en charge de la Justice, datée du 4 septembre 2023, le coordonnateur de l’APLC (Agence de prévention et de lutte contre la corruption), un service spécialisé de la Présidence de la République ? Tout se joue finalement à Paris où la RDC court le risque de débourser l’importante somme de 36 millions USD en faveur du sud-africain Centurion.

Enfin, les avocats de la République Démocratique du Congo ont été, lundi 11 septembre, à la Cour arbitrale de Paris face à l’équipe mobilisée par le groupe sud-africain Centurion Law Group. Au centre de cette confrontation, la créance d’un montant de 36 millions USD sur la RDC que réclame le cabinet sud-africain pour son intervention, dit-il, dans le dossier ayant opposé le gouvernement congolais au négociant suisse Glencore.

On se rappelle que la société Glencore avait été condamné récemment aux Etats-Unis pour des activités illicites menées à travers le monde dans les pays tels que la République Démocratique du Congo. La justice américaine avait condamné le négociant suisse de lourdes amendes versées autant aux Etats-Unis, au Royaume-Uni qu’au Brésil.

Aussitôt alerté, l’Etat congolais avait engagé, de ce fait, des négociations avec Glencore, au même titre que les Etats indemnisés pour trouver gain de cause. Au bout de cet accord, la RDC et Glencore sont parvenus à l’accord de paiement d’une amende au titre de réparation de l’ordre de 180 millions USD.

C’est au même moment qu’est apparu le cabinet sud-africain « Centurion Law Group » qui réclame 20% de ce montant, soit 36 millions USD, au Gouvernement pour avoir, dit-il, aidé la RDC à trouver un compromis avec Glencore.

A Kinshasa, c’est la stupéfaction. Ce qui transparaît clairement dans la lettre du 4 septembre 2023 que Mme la ministre d’Etat en charge de la Justice a adressé au procureur général près la Cour de cassation.

Par cette lettre, Mme la ministre d’Etat a enjoint au PG près la Cour de cassation d’ouvrir une actionjudiciaire contre le sud-africain Centurion.

Pas loin d’une arnaque

Dirigé par l’écrivain et avocat camerounais, NJ Ayuk, Centurion Law Group accuse donc l’État congolais de ne pas avoir honoré ses engagements auprès de ses avocats après avoir engrangé 180 millions USD dans l’affaire judiciaire qui l’opposait à l’entreprise anglo-suisse de négoce, courtage et extraction des matières premières, Glencore.

«Missionné pour défendre le dossier de la RDC et obtenir des dédommagements dans l’affaire en justice du géant minier Glencore pour corruption de fonctionnaires, il reproche à l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) et à son directeur, Thierry Mbulamoko Mbombo, de ne pas avoir honoré leur part du contrat », a révélé le site spécialisé Africa Intelligence.

Alors que pour assurer sa défense, le cabinet sud-africain a fait le choix d’Omnia Strategy, l’État congolais est, quant lui, conseillé par Rachida Dati, ancienne ministre française de la Justice et maire du septième arrondissement de Paris, ainsi que par les cabinets Oplus d’Olivier Pardo, Adombe et Amani.

A en croire les informations rapportées par Africa Intelligence, l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption et Centurion Law Group ont signé en juillet 2022, un accord qui prévoyait, pour ce dernier, « un versement à hauteur de 20 % des sommes que l’État congolais obtiendrait du trader Glencore si celles-ci s’avéraient supérieures à 100 millions de dollars américains ».

«Centurion a aidé à mettre en valeur les faits reprochés au géant des mines, parvenant à obtenir 180 millions de dollars, le 02 décembre 2022, pour l’APLC. La totalité de la somme a été payée à cette dernière, mais Centurion réclame depuis sa part, 36 millions de dollars, en vain », a renchéri la même source.

Les zones d’ombre

Kinshasa a-t-il sollicité les services du cabinet Centurion ? Mme la ministre d’Etat en charge de la Justice a rejeté catégoriquement cette assertion. Comment  Centurion s’est-il retrouvé dans ce dossier ? Difficile à comprendre.

De l’avis de Mme la ministre, tout est parti de l’intrusion du coordonnateur de l’APLC, Thierry Mbulamoko, qui, sans titre ni qualité, passant outre les avis du Gouvernement, a engagé l’Etat congolais, promettant au cabinet sud-africain de lui verser les 20% du montant à payer par Glencore.

Comme Kinshasa refuse de se plier aux exigences de Glencore, c’est à la chambre arbitrale de Paris que le cabinet Centurion a porté cette affaire.

C’est dire que l’Etat congolais devra se défendre pour échapper au paiement de 36 millions USD qui lui colle à la peau.

A qui la faute ? A tout point de vue, le principal incriminé est le coordonnateur de l’APLC qui, par maladresse – c’est selon – a mis la République dans une situation délicate.

Payer ou ne pas payer ? C’est tout le problème.

Tout dépend désormais de la dextérité des avocats qui plaide la cause de la RDC à Paris.

Pour rappel, C’est le 5 décembre 2022 que Glencore annonçait avoir conclu un accord avec la RDC au sujet des agissements passés relatifs aux actuelles et prochaines actions basées sur les faits de corruption commis par l’entreprise durant la période allant de 2007 à 2018.

« Cet accord porte notamment sur les activités de certaines sociétés du Groupe qui ont déjà fait l’objet de diverses investigations, notamment par le Department of Justice américain (« DOJ ») et par la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) et le ministère de la Justice de la RDC», indiquait le géant minier.

Déjà en mai 2022, Glencore plaidait coupable d’avoir payé des agents publics dans le cadre de ses activités minières – en RDC, au Nigeria, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Brésil et au Venezuela – après une procédure mise en place par le Department of Justice (DOJ) des États-Unis, le Serious Fraud Office (SFO) de la Grande-Bretagne et un procureur brésilien sur la base du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA).

Econews