« Un homme d’Etat c’est la rencontre entre l’histoire et un homme qui habite au-dessus de lui-même »
Avant toute chose, il faut distinguer Homme d’État d’un chef d’État : celui-ci est l’autorité suprême d’un État. Alors que celui-là est une personne qui gouverne l’État, comme le premier ministre et les ministres, ou qui a les qualités requises pour le faire. Cela étant dit, il y a au moins deux choses qui caractérisent un homme d’État : la représentation et le service. Le terme peut également désigner les personnalités ne dirigeant pas effectivement l’Etat, mais réputées avoir la capacité de le faire en cas d’accès au pouvoir. La figure de l’homme d’Etat face à celle du simple politique, selon James Freeman Clarke, la différence entre le simple homme politique et l’homme d’Etat est que le premier cherche à gagner les prochaines élections alors que le second songe à l’intérêt des prochaines générations.
L’homme d’État est un représentant
Qui représente-t-il ? Si nous nous limitons au premier ministre et aux ministres, il représente l’ensemble des citoyens, les fonctionnaires de son ministère ou, plus généralement, l’ensemble des fonctionnaires et des employés de l’État. C’est donc auprès des institutions étatiques qu’il représente les citoyens et la société. La représentation va aussi dans l’autre sens, car l’homme d’État représente les institutions étatiques auprès des citoyens et de la société. Et, puisque l’État est habituellement attaché à la nation, on peut dire que l’homme d’État représente la nation, soit un territoire commun, une langue et une culture commune, une histoire commune.
L’homme d’État est un serviteur
En plus d’être un représentant, l’homme d’État est un serviteur. Qui sert-il ? Nous connaissons déjà la réponse. Il sert à la fois les citoyens, la société, l’État et la nation. C’est en ce sens que nous disons qu’il est au service du bien commun. Comment sert-il le bien commun ? S’il veut représenter les siens, chez lui comme à l’étranger, il doit faire passer le bien commun avant ses intérêts personnels. La priorité du bien commun est le premier devoir de tout homme d’État. C’est de cette façon qu’il peut prendre de bonnes décisions, ce qui ne l’empêche pas de se tromper et, par le fait même, d’être imputable autant de bonnes décisions que de mauvaises décisions prises au nom de l’État
L’homme d’État est d’abord et avant tout un serviteur
S’il ne fallait retenir qu’une chose de cet exposé, je dirai que c’est la notion de service qui caractérise l’homme d’État. Le service rendu à l’État est le critère de conformité et d’évaluation : critère de conformité, car toute personne qui aspire à devenir un homme d’État doit s’y conformer; critère d’évaluation, car c’est comme cela que nous évaluons si une personne est bel et bien à la hauteur d’un homme d’État Chaque nation à une destinée, celle-ci ne s’accomplit que grâce aux hommes d’Etat que peut regorger cette nation. C’est ainsi j’affirme qu’un homme d’Etat ne se bat pas pour accomplir sa destinée, mais bien au contraire celle de son pays. En accomplissant la destinée d’une nation, l’homme d’Etat accomplit inévitablement son propre destin. La difficulté que nous avons en Afrique de manière globale et au Congo singulièrement, c’est d’avoir à la commande de nos pays des hommes de tribu, de clan, de famille et de religion…
Ceux-ci ont en permanence la pensée tournée vers leur environnement social le plus proche. La contradiction est d’autant plus vaste que la pratique visible d’un gestionnaire dépourvu du sens et des valeurs d’homme d’Etat confirme avec véhémence son indifférence vis-à-vis de la vocation de son pays. Quand les moyens de l’Etat sont mis complaisamment à la disposition d’un homme de tribu, c’est sans doute la tribu qui en bénéficiera les dividendes, parfois par une nette fierté tribale, cependant l’Etat dans son ensemble attendra sans recevoir ce à quoi il aspire. C’est pour cela que les moyens de l’Etat doivent être sous la gestion des hommes d’Etat pour que l’Etat se construise et avance. Un homme d’Etat ne fait aucune distinction entre sa maison, sa famille et celles appartenant à son pays. Sans discrimination Il les met tous ensemble dans le même jardin des souvenirs. C’est cette considération qui le pousse à s’acharner du sort collectif. Evidemment un homme d’Etat considère ses proches comme faisant partie de la globalité du peuple de son pays.
A ses yeux tous ont les mêmes besoins, les mêmes droits, les mêmes revendications. Cette posture lui permet de rester impartial face à la recherche du bien-être commun et de relever le défi du patriotisme. Il dépense son énergie pour atteindre des objectifs efficaces en faveur de son peuple auquel sa propre famille appartient. Quand il parle de la justice sociale, c’est avec une conscience tranquille car de façon modérée, il traite tout le monde avec égalité. De ce point de vue, Lumumba était un exemple irréfutable concernant le parangon d’un homme d’Etat. Quand il ouvrait un front contre l’impérialisme, il savait manifestement qu’il s’exposait à la mort, et laissait un accès à l’incertitude pour l’avenir de ses enfants.
Au plus profond de son âme, le rêve d’un Congo fort était plus fort que toute autre considération. Un homme d’Etat ne s’écarte pas de ses responsabilités, car se rappelle-t-il, son devoir ultime d’être inspirant et incarner un mode de vie, une culture politique et avoir l’exigence de lucidité. Sa conscience se nourrit de la mémoire de la nation à laquelle il préside la destinée. A la guerre froide ont succédé des conflits brulants, Il y a des sujets que l’on croyait être indescriptibles sont maintenant des sujets de débats. Cette litanie de pénibilités n’avait pas vocation de révéler des démiurges, mais les hommes d’Etat pour qui, fondamentalement le sens de l’humanité se place au plus haut point de tout leur combat. L’homme d’Etat prend des décisions utiles pour préserver le présent et préparer l’avenir. Il est soumis à une longue préparation, forgé à l’ossature de la vérité. Les hommes d’Etat ont une idée simple : Lénine, c’était la révolution, Charles De gaule, c’était la France, Lumumba c’était la liberté de son peuple. Ils ne sont pas enfermés dans le conformisme. Le politicien suit le peuple, alors que le peuple suit l’homme d’Etat. Il prend des risques, c’est l’homme des résistances.
On dit souvent qu’un homme d’Etat est un mort. Il ne rate pas de rdv avec les évènements. La tyrannie de la mondialisation ne tue pas l’homme d’Etat, il slalome entre les forts, les moyens et les faibles pour trouver la voie de l’intangibilité en faveur de son peuple. Il est organisé par le sang-froid, la capacité de peser sur les choses au moment décisif. Il pose une barrière qui ne franchit le pessimisme d’humeur et bâtit l’optimisme de la volonté. La prolifération des hommes et des femmes d’Etat en République Démocratique du Congo, est la seule alternative sociale au sarcasme amphigourique qui a été propulsé avec succès et dont la promotion volontaire n’a de résultats que la déconstruction de l’imaginaire collectif, la faiblesse de l’Etat, le renforcement de l’errance du peuple congolais et la mise à l’épreuve de sa cohésion nationale. Napoléon Bonaparte dit : « le cœur d’un homme d’Etat doit être dans sa tête, Gilbert Chouletrenchérit, l’Homme d’Etat qui s’entoure de fripouilles et de menteurs rejoindra vite la lie des tas d’hommes. »
Henry Mutombo Mikenyi
Ecrivain et chercheur en fiscalité. Expert en Gestion Prévisionnelle des Emplois et des compétences (GPEC)