La crise en Ukraine a eu des répercussions sur le marché mondial du pétrole, entraînant le prix du baril à la hausse. Ce qui n’épargne pas la République Démocratique du Congo qui fait face, depuis quelques jours, à de graves perturbations dans la fourniture en carburant. Outre le paiement du manque à gagner que le Gouvernement alloue aux pétroliers distributeurs pour compenser le prix du carburant à la pompe, l’exécutif national n’exclut pas la possibilité de revoir ce prix légèrement à la hausse. Ce vendredi, ce dossier sera sur la table du Gouvernement réuni en Conseil des ministres.
De longues files d’attente des véhicules et taxis-motos ont été observées dans les stations-services les dimanche 3 et lundi 4 avril 2022 suite à des informations distillées dans la population sur une éventuelle pénurie de carburant à travers le territoire national.
Lors d’un briefing organisé le mercredi 6 avril 2022 à l’attention de la presse, les ministres Patrick Muyaya de la Communication et Médias et porte-parole du gouvernement, Nicolas Kazadi des Finances et Didier Budimbu des Hydrocarbures ont apporté des éléments d’informations qui ont mis fin aux rumeurs.
D’entrée de jeu, le ministre des Hydrocarbures a fixé l’opinion sur la situation qui a prévalu les 3 et 4 avril derniers. « Il n’y avait pas rupture de stock, mais plutôt un simple problème logistique », a précisé le ministre des Hydrocarbures, relevant que.
« La SEP qui prend en consignation les produits de tous les commerciaux, a eu quelques difficultés et ses véhicules ne sont pas sortis pour approvisionner les stations-services comme d’habitude. Du coup, une folle rumeur a circulé faisant suite d’une rupture de stocks ».
Face à cette crise en Ukraine dont l’issue est encore sombre, Didier Budimbu invite la population à changer ses habitudes.
«Nous sommes appelés à changer nos habitudes par rapport à l’achat à la pompe. Depuis un bon moment le litre coûte 2095 FC à la pompe alors qu’il devait couter 3485 Fc. L’écart est donc pratiquement de 66%. L’état paye donc 1400 Fc à chaque litre acheté. Donc chaque mois, sur 66 millions de mètres cubes achetés, l’état dépense près de 42 millions de dollars », a expliqué le ministre des hydrocarbures.
«La situation est sous contrôle»
Pour sa part, le ministre Patrick Muyaya a rassuré, au nom du gouvernement, que « la situation est sous contrôle ». Avant d’annoncer que la situation sera examinée lors de la prochaine réunion du Conseil des ministres.
Pour cela, a déclaré le ministre des Finances, «le ministère de l’Economie nationale était en train de faire des simulations, pour voir quel est le bon niveau des subventions que l’on peut supporter, qu’est-ce qu’on peut payer, et quel sera son impact sur les autres variables de l’économie. Ce travail d’études devait continuer jusque jeudi (hier 7 avril 2022, Ndlr) et il pense pouvoir apporter au Conseil des ministres de vendredi 8 avril 2022 des éléments de décisions précis pour permettre au gouvernement de fixer le nouveau prix du litre de l’essence à la pompe, qui va très probablement bouger. Mais, nous espérons qu’il varie le moins possible pour que l’impact ne soit pas trop fort».
Saisissant cette occasion, le ministre des Finances a souligné que le souci du Chef de l’Etat et du Gouvernement, «c’est de protéger le mieux possible, les Congolais, et notamment les plus fragiles ou les plus pauvres ». « En attendant, les Congolais doivent garder leur souffle », a conseillé l’argentier national.
Tel qu’illustré sur le tableau comparatif ci-contre des prix de l’essence à la pompe et le prix réel sur le marché, il y a lieu de constater que l’Etat subventionne l’écart entre les deux. Pour la zone Est de la République Démocratique du Congo, l’Etat prend en charge 40%, 28% pour la zone Sud et 66% pour la zone Ouest sur le prix que devait payer le Congolais à la pompe.
Selon un agent de la SEP qui a requis l’anonymat, cette subvention de l’Etat est à la base de cette situation. Les sociétés pétrolières éprouvent des difficultés de s’approvisionner et demandent au gouvernement de payer leurs arriérées pour leur permettre de maintenir le rythme des commandes auprès de leurs fournisseurs.
«Des dispositions ont été prises à cet effet », a rassuré le ministre des Hydrocarbures Didier Budimbu.
Sur ce même point, le ministre des Finances a fait savoir que l’Etat congolais a déjà versé plus 90 millions de dollars américains, en deux tranches, pour donner suite à la demande des importateurs.
A en croire l’argentier national, l’équation à résoudre reste le maintien de la capacité pour le Gouvernement congolais à payer les subventions pour maintenir les prix les plus bas possibles et supporter le choc international. La quarante-huitième réunion du Conseil des ministres de ce vendredi 8 avril 2022 va décider sur des éléments précis, notamment l’augmentation modérée du prix du litre de l’essence à la pompe.
Entre-temps, le ministre des Hydrocarbures rassure que le gouvernement veille pour ne jamais avoir le stock zéro du carburant. Seulement, il appelle les Congolais à de nouvelles habitudes, notamment, s’adapter au contexte de la crise.
Plus précis, le ministre de la Communication et des Médias et porte-parole du Gouvernement, a tablé sur la possibilité de formaliser le plafonnement de vente dans des stations-services afin d’éviter les dérapages.
Kinshasa engage des échanges directs avec ses partenaires
La RDC, qui subit déjà le choc parce que ses partenaires commerciaux touchés par la même crise actuelle, a entamé des échanges directs avec les opérateurs pétroliers et même alimentaires pour anticiper sur les effets néfastes que pourrait produire l’instabilité du marché pétrolier.
Le ministre de la Communication et des Médias a rappelé que, « dans la journée de mercredi, le Gouvernement de la République a eu des discussions approfondies avec les opérateurs du secteur pétrolier, mais aussi du secteur alimentaire. La guerre en Ukraine impacte tous les pays du monde.» Et d’ajouter : « La situation que nous avons observé ces derniers jours en RDC en est une des conséquences. Et ce n’est que le début, parce qu’on n’a pas encore fini d’imaginer l’ampleur ou les conséquences de cette crise qui paralyse aujourd’hui les transactions au niveau mondial parce que la Russie est un pays parmi les premiers producteurs de pétrole. Aujourd’hui, aucun pays européen, occidental, ne peut commercer, ne peut utiliser l’euro ou le dollar. Cela veut dire que nous aussi nous avons des problèmes en terme d’accès à ces ressources ».
Le patron des Hydrocarbures a reconnu « qu’il y a quand même un souci sur le plan international du fait que la Russie, comme grand producteur de pétrole et du gaz, soit sous sanction, et que ses produits ne descendent plus vers le Sud. Les Européens, au lieu d’acheminer les produits comme d’habitude jusqu’à Lomé d’où ils seront transportés jusqu’à Kinshasa, le produit s’arrête maintenant au niveau européen ».
Qu’à cela ne tienne, la situation est sous contrôle, rassurent les ministres Patrick Muyaya, Nicolas Kazadi et Didier Budimbu.
Tighana Masiala