C’est connu depuis toujours : la faiblesse de la mobilisation des ressources par l’Etat est endémique en République Démocratique du Congo (RDC).
Avec un budget 2021 voté à 7,1 milliards Usd pour un PIB d’environ 50,4 milliards, la pression fiscale se situe autour de 10%, si l’on tient compte du fait que les recettes propres tournent autour de 5 milliards de dollars américains. C’est l’une des plus faibles fiscalisations de l’économie au monde. A titre d’exemple, la pression fiscale est de 24,47% aux Etats-Unis, 38,81% en Allemagne, 42,92% en Belgique, et de 45,40% en France. Dans les pays proches de nous, elle est de 34% en Afrique du Sud, et 26,48% en Côte d’ivoire, ce qui permet au pays d’Alassane Ouattara d’afficher un budget de plus de 15 milliards USD avec son PIB de près de 59 milliards. Pour faire simple : à titre d’exemple, avec notre PIB actuel, notre budget en ressources internes s’élèverait à 13,3 milliards USD si nous avions la même pression fiscale que la Côte d’Ivoire, et à 17,1 milliards si nous avions le même niveau que l’Afrique du Sud !
Comment augmenter sensiblement les recettes de l’Etat ? C’est le défi auquel étaient confrontés les dirigeants du pays d’hier, que doivent relever les dirigeants actuels, et que devront affronter ceux de demain. Dès sa prise de pouvoir, et pour permettre à la RDC de réussir la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement, obtenir des facilités de crédit, des appuis budgétaires directs des bailleurs de fond, et même entrer en programme avec Bretton Woods, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a fait montre d’un intérêt particulier pour les réformes structurelles à mener afin d’assainir les finances publiques et augmenter les ressources de l’Etat. Progressivement, une batterie de mesures ont été ainsi prises entre 2019 et 2021.
Il s’agit, notamment, de l’élargissement de l’assiette fiscale en appliquant le même impôt sur le revenu à tous les agents de l’État, fonctionnaires comme personnels politiques, et surtout l’étendre aux primes qui constituent pour beaucoup l’essentiel de leurs salaires ; le reversement de la TVA collectés par les entreprises publiques par la numérisation de la chaîne de collecte de cette recette publique pour plus de transparence ; la suppression des exonérations de TVA généralisées pour les sociétés minières et l’interdiction de la pratique de compensation des crédits d’impôts ; la signature des contrats de performances qui s’articulent essentiellement sur l’augmentation volontaire de la cible des recettes et sur l’introduction des indicateurs de performance pour évaluer distinctement l’effort de chaque service opérationnel dans la mobilisation des recettes, quel que soit son lieu d’implantation à travers le territoire national.
Mais toutes ces mesures, mieux tous ces efforts ne porteraient aucun fruit si le phénomène connu sous la douce appellation de coulage des recettes n’est pas endigué. Dans un pays dont les institutions, les entreprises publiques et autres structures étatiques étaient gérées comme des biens sans maître sous le régime précédent, il fallait plus qu’un discours alangui, du genre «finie la récréation» de Joseph Kabila, un électrochoc susceptible de rappeler tout le monde à l’ordre et de remettre chacun sur les chemins de la rigueur dans la gestion. Cet électrochoc est venu de l’Inspection générale des finances (IGF), réhabilitée dans sa mission de Manitou de l’orthodoxie financière et de père fouettard par Félix Tshisekedi.
En un temps deux mouvements, la voilà devenue une empêcheuse-de-détourner-en-rond qui donne des insomnies à tous ceux qui ont eu le malheur d’avoir une main baladeuse dans les caisses de l’Etat.
Plusieurs missions d’audit et quelques emprisonnements consécutifs à ses rapports plus tard, c’est un vent nouveau qui souffle sur le pays. Chacun fait preuve de prudence, et essaie d’éviter les plus possibles détournements et erreurs de gestion. Conséquence : les finances de l’Etat prennent finalement l’ascenseur. En août, les trois régies financières ont collecté 891,6 milliards de FC (445 millions Usd) de recettes, soit un taux de réalisation de 129% par rapport aux assignations budgétaires du mois.
Ainsi, la Direction générale des impôts (DGI) a réalisé 115% sur ses assignations budgétaires évaluées à 336,8 milliards de FC (168 millions Usd) ; la Direction générale des douanes et accises (DGDA) a atteint 160% sur ses assignations mensuelles arrêtées à 224,5 milliards de FC (112,25 millions Usd) tandis que la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et participations (DGRAD) a réalisé un taux de 145% sur ses assignations de 149,6 milliards de FC (74,8 millions Usd).
Commentaire de Nicolas Kazadi, ministre des Finances, plus heureux qu’un jovial bhoutanais : « Cette performance est justifiée par la consolidation de la dynamique pour la mobilisation accrue des recettes».
Depuis les hauteurs de Ngaliema, à la cité de l’UA où il a installé sa résidence, Félix Tshisekedi contemple avec joie ces chiffres issus d’un mois non fiscal. Ses efforts commencent à porter leurs fruits.
Belhar Mbuyi (Analyste indépendant)