Tshisekedi : fin de mandat mouvementé

Le Président de la République Démocratique du Congo

A une année et demie des élections générales, le Président de la République, Félix Tshisekedi, est en train de tisser sa toile pour rempiler. Son état-major politique y travaille activement. Aucun détail n’est d’ailleurs mis de côté. Si le Chef de l’Etat a réussi déjà à mettre au pas la Cour constitutionnelle – le départ précipité du juge Kaluba à la présidence s’étant déroulé sans accroc – il tente, en même temps, d’étouffer tous ceux qui peuvent obstruer son chemin pour un second mandat. Sur ce point, il se sert bien d’un appareil judiciaire qui l’assure de faire le travail en disqualifiant tous les sérieux prétendants au trône présidentiel. Les prochains jours seront agités. Autant pour le pays qui se bat contre la menace sécuritaire du M23 que pour Félix Tshisekdi qui doit consolider les digues pour s’assurer un deuxième mandat sans heurts ni résistance.
La fin du mandat du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, s’annonce très mouvementée. Le Chef de l’Etat, lui-même, semble l’avoir voulu ainsi en se dotant d’un calendrier politique extrêmement conflictuel à une année de la fin de son premier mandat. 
D’abord, le Président Tshisekedi a annoncé à mi-mandat son intention de rempiler alors qu’il était en pleine action. Tout Chef d’Etat qui se présente en candidat tue en réalité son mandat. En le faisant, Félix Tshisekedi voulait une fin mouvementée de son mandat de cinq ans. Puis, il s’est engagé des procès en cascade.
Après le procès, dit «de 100 jours », qui avait vu Vital Kamerhe, son propre directeur de cabinet, être condamné à 20 ans, puis 13 ans de prison dans une affaire de détournement de fonds destinés aux travaux de ce programme, lancé en mars de 2019. Le président de l’UNC a ensuite été libéré provisoirement, menant une vie quasi-normale, mais avec moins de tapages comme il en avait l’habitude.
Des observateurs ont perçu, dans cette démarche, une manière de faire marche arrière dans la lutte contre la corruption engagée au début de son mandat.
«Le président est essoufflé», s’est désolé à Econews un défenseur des droits de l’Homme.

Verrouiller le jeu électoral
C’est à ce moment-là que le Président Tshisekedi rebondit avec le départ de Dieudonné Kaluba, le président de la Cour constitutionnelle, considéré à sa nomination comme pro-Tshisekedi. Dans une opération de tirage au sort, dont les contours ont été difficilement transparents, le juge Kaluba a été dégagé de son poste. Il lui a été reproché d’avoir été corrompu par l’ancien Premier ministre Matata Ponyo. Des accusations soutenues par aucune preuve, mais qui ont déterminé le Chef de l’Etat à actionner la machine de la mise à l’écart de ce brillant juriste. C’est d’ailleurs le cabinet du Chef de l’Etat qui avait demandé au greffe de la Cour constitutionnelle de déclencher le processus de cette mise en œuvre.
La volonté de faire partir Kaluba et Funga est venue de la Présidence de la République. On ne peut pas dire que Guylain Nyembo, le directeur de cabinet du Chef de l’Etat, ait agi de sa propre initiative. Il a reçu certainement des instructions du Président de la République.  
Puis, la Cour de cassation s’est décidée de fixer, le 13 juin prochain, l’affaire Matata Ponyo, bien que la Cour constitutionnelle s’était déclarée «incompétente » de le juger. Une violation grave des lois de la République dans la mesure où les arrêts de la Cour constitutionnelle ne donnent pas lieu à des recours. Dès lors, ils s’opposent à tout le monde, y compris aux autres juridictions du pays.
En poussant la Cour de cassation à siéger sur une affaire dont elle s’était dessaisie à son début, préférant l’envoyer à la Cour constitutionnelle, il apparaît que la violation flagrante de la Constitution va constituer un fâcheux précédent. Il va naître sûrement une jurisprudence dangereuse de remettre en cause les décisions de la Cour constitutionnelle.
Maître des calendriers politiques dans le pays, le Chef de l’Etat a estimé que le moment était venu de bousculer l’ordre au sein de cette haute instance judiciaire du pays. Ce n’est pas un hasard. C’est une stratégie claire d’une radicalisation du contrôle des organes intervenant dans le processus électoral particulièrement, l’organe qui publie les résultats définitifs des élections présidentielle et législatives, à savoir la Céni (Commission électorale nationale indépendante).
C’est, une fois de plus, une déclaration de guerre politique parce que les adversaires ne sont pas dupes. Ils comprennent que le Président de la République est en train de prendre en main tout le processus au point de faire de lui l’Alpha et l’Omega du processus électoral dans le pays.

La menace de l’Est
Puis, sans le vouloir, le M23 soutenu par le Rwanda s’est signalé en reprenant la guerre dans l’Est de la RDC.
Contrairement à son attitude habituelle envers Kigali, le Chef de l’Etat s’est montré intraitable vis-à-vis de son «frère», le président rwandais Paul Kagame.
Félix Tshisekedi met sur la table toutes les options: s’il faut faire la guerre, on va la faire en même temps, s’il faut discuter pour une véritable paix, il s’y est engagé. Une démarche qui a pris de court le président Kagame qui ne s’attendait pas à ce que Kinshasa réagisse de cette manière-là.
Mais, que cela se passe à la fin du mandat, l’année qui précède les élections, est un calcul politique savant, mais en même temps risqué parce que si ça fait flop, le Président Tshisekedi paiera cash. Par contre, si cela marche tel que tout se passe actuellement avec une adhésion quasiment généralisée des Congolais, le Président-candidat joue sa réélection parce qu’il aura démontré à la face du monde et de son opinion publique qu’il sait se faire petit, se construire et administrer des coups mortels.
Le Front commun pour le Congo de Joseph Kabila l’a appris tard. Félix Tshisekedi a démontré que lorsqu’il t’embrasse, c’est souvent pour bien t’étouffer. Kabila et les siens le savent bien. En sera-t-il encore le cas pour Paul Kagame qui s’est approché subtilement de Tshisekedi avant de chercher à l’étouffer en déployant sur le flanc Est les rebelles du M23 ? Nul ne le sait.
Pour le moment, sur le terrain militaire, Kinshasa dispose d’un net avantage par rapport au Rwanda. Il tente, pour le moment, de rattraper le retard sur le front diplomatique en ralliant le plus de monde possible autour de sa cause.

Econews