Après la note de plaidoirie du professeur Nyabirungu du collectif de défense de l’ancien Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, et la tribune du professeur Mampuya qui ont, tous deux, dénoncés de graves irrégularités dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation dans l’affaire Bukanga-Lonzo, un doctorant en droit de l’Université de Liège en Belgique va plus loin. Il accuse la Cour de cassation d’avoir fait preuve de dol pour « aboutir à une conclusion erronée dans le but d’accorder un avantage indu à une partie ». Tribune.
Aux termes de la loi organique relative à la procédure devant la Cour de cassation en son article 55 : « Tout Magistrat de l’ordre judiciaire peut-être pris à partie dans le cas suivant : S’il y a eu dol ou concussion commis soit dans le cours de l’instruction, soit lors de la décision rendue ; S’il y a déni de justice ».
Alors que l’article 56 de la même loi définit le dol comme étant une violation volontaire du droit par le Magistrat pour aboutir à une conclusion erronée dans le but d’accorder un avantage indu à une partie. Il se caractérise par la mauvaise foi, par des artifices et des manœuvres qui donnent à la décision, une valeur juridique apparente.
« L’erreur grossière du droit est équipollente au dol »
En effet, analysant l’arrêt sous RP 09/CR tel que rendu par les Magistrats MUKENDI MUSANGA David-Christophe, Premier président, KAZADI WA LUMBULE Placide, Président, MATHE KYALIRE Léon, KIBAMBA MOKET Justin, KOMBE KALALA Augustin, KABASELE NZEMBELE Jacques et KANKU KALUBI Martens, Conseillers ; Il y a lieu de constater que cette décision est le fruit d’une vaste activité dolosive ils l’ont infesté de griefs ci-après : La Cour opine, de manière dolosive, ce qui suit : « avant toute instruction au fond, tous les prévenus ont soulevé plusieurs exceptions tirées de l’incompétence de la Cour de Cassation, de connaitre des faits qui sont mis à leur charge et de l’irrecevabilité de l’action publique ».
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner toutes les exceptions, la Cour de Cassation considère, s’agissant du Prévenu MATATA, qui a conclu à l’incompétence personnelle au motif que les dispositions de l’article 164 de la Constitution ne concernent que le Président de la République ou le Premier Ministre en fonction d’une part, et d’autre part, qu’aucun texte ne prévoit le mode de poursuite d’un ancien Premier Ministre, comme c’est le cas en l’espèce.
La Cour retient que cette exception, mieux cette fin de non-recevoir est en réalité, mieux implicitement, une exception d’inconstitutionnalité réclamant l’application de l’article 162 de la Constitution.
Par ailleurs, se fondant sur les dispositions des articles 80 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de Cassation et 108 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, elle demande à cette haute juridiction de lui donner la portée exacte de ces deux expressions « dans l’exercice de ses fonctions » et « à l’occasion de l’exercice de ses fonctions » en ce qui concerne les poursuites engagées actuellement contre le Sénateur MATATA PONYO MAPON Augustin pour les actes posés dans la période où il exerçait effectivement les fonctions de Premier Ministre ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
Les quatre griefs de l’arrêt du Conseil d’Etat
Ainsi par juste application de l’article 162 alinéa 4 de la Constitution, elle sursoit à statuer dans cette cause et saisit la Cour Constitutionnelle.
Cette décision est émaillée de plusieurs ci-après :
Premier grief susceptible dolosif. Les Magistrats incriminés ont transformé l’exception d’incompétence en une exception d’inconstitutionnalité comme le Seigneur Jésus-Christ dans les noces de Cana en avait fait, entre l’eau et le vin. Ce comportement est dolosif car les Magistrats incriminés n’avaient pas le pouvoir de modifier les moyens des parties dans le cours de délibéré.
Le fait d’avoir modifié cette exception d’incompétence en une exception d’inconstitutionnalité, constitue des artifices et des manœuvres qui donnent à l’arrêt sous RP 09/CR, une valeur juridique apparente alors que l’objectif est de favoriser une autre partie au procès qu’est le ministère public ;
Notons qu’il n’existe pas une exception d’inconstitutionnalité implicite ou par déduction ; soit elle est soulevée, soit elle ne l’est pas. Elle ne peut être « apparemment » soulevée.
Deuxième grief susceptible de dol. Les Magistrats incriminés ont assimilé l’exception d’incompétence à une fin de non-recevoir. Or en droit, chacune des deux notions a un sens particulier et distinct de l’autre. Si l’exception d’incompétence tend à obtenir de la juridiction saisie de décliner tout simplement sa compétence, une fin de non-recevoir, elle, poursuit plutôt l’irrecevabilité d’une cause. Cette erreur grossière du droit par les Magistrats incriminés est tout à fait équipollente au dol.
Troisième grief susceptible de dol. Dans leur malice, les Magistrats incriminés font du méli-mélo en concluant sur les termes de l’article 162 de la constitution qui dispose : « La Cour Constitutionnelle est juge de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée « devant ou par une juridiction. Toute personne peut saisir la Cour Constitutionnelle pour inconstitutionnalité de « tout acte législatif ou réglementaire. Elle peut en outre, saisir la Cour constitutionnelle, par la procédure de l’exception « de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne devant une juridiction. Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la Cour Constitutionnelle ».
En effet, les Magistrats incriminés qui ont conclu sur l’inconstitutionnalité, encore qu’on peut se demander quel est l’acte législatif ou règlementaire qui serait attaqué par les prévenus devant la Cour et qui les aurait justifiés à ordonner ladite surséance. Une exception d’inconstitutionnalité a pour finalité de conduire la juridiction devant laquelle elle est soulevée à saisir toutes affaires cessantes la Cour Constitutionnelle en contrôle de conformité de l’acte législatif ou réglementaire attaqué à l’inconstitutionnalité (article 162 de la constitution).
Elle ne tend jamais à obtenir de la Cour Constitutionnelle, l’interprétation d’une disposition constitutionnelle comme venaient de le faire les Magistrats incriminés dans l’arrêt en examen. Ceci atteste les manœuvres dolosives.
Quatrième grief susceptible de dol. Violation intentionnelle des articles 161 et 162 de la constitution par les Magistrats incriminés.
Attendu que pour donner à l’arrêt RP 09/CR une valeur juridique apparente, les Magistrats incriminés ont fait recours aux dispositions des articles 161 et 162 de la constitution.
Qu’en effet, aux termes de l’article 161 alinéa de la Constitution : « La Cour Constitutionnelle connait des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du « Président de l’Assemblée Nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des Gouverneurs de province et des Président des « Assemblées provinciales. Elle juge du contentieux des élections présidentielles et législatives ainsi que du référendum. Elle connait des conflits de compétences entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir « législatif ainsi qu’entre l’Etat et les provinces. Elle connait des recours contre les arrêts rendus par la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat, uniquement en tant qu’ils ne prononcent sur l’attribution du litige aux «juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif. Ce recours n’est recevable que si un« déclinatoire de juridiction a été soulevé par ou devant la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat. Les modalités et les effets des recours visés aux alinéas précédents sont déterminés par la loi »
Attendu que les Magistrats incriminés Hauts Magistrats du reste, ne pouvaient pas ignorer que ne peut saisir la Cour Constitutionnelle en interprétation que les personnes ou institutions limitativement énumérées à l’article 161 de la Constitution.
On peut se demander la nature de la disposition que seuls les magistrats incriminés ont découverte, sans aucun autre juriste, alignant aussi la Cour de Cassation comme organe habilité à saisir la Cour Constitutionnelle en interprétation ?
Qu’il a donc été jugé et arrêté par la Cour Constitutionnelle sous R.Const 1374, que « le Premier Ministre a signé la requête au nom du Gouvernement sans qualité dès lors qu’aucun élément du dossier ne permet d’inférer que la procédure sous examen a été initiée sur décision du Gouvernement délibéré en Conseil des Ministres et qui, aux termes des dispositions de l’article 90 de la Constitution, est une institution collégiale, rappelant sa jurisprudence sous R.Const 0002/126/TSR du 15 décembre 2015. Il se déduit de ce qui précède que la Cour Constitutionnelle dira irrecevable la requête sous R.Const 1374 mue par le Premier Ministre pour défaut de qualité conformément à l’article 161 de la Constitution ».
De même, les Magistrats incriminés au regard de l’existence de cette jurisprudence, ne devraient pas solliciter la portée de ce que la Cour Constitutionnelle entend par « dans l’exercice de ses fonctions » ou « à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».
Dans leur démarche dolosive tendant à faire habiller leur décision d’un voile pudique, les Magistrats incriminés n’ont pas indiqué l’acte législatif ou réglementaire prétendument attaqué !
Nous sommes en droit de conclure que le collectif des avocats des prévenus vont utilement conseiller leurs clients à initier cette procédure pour non seulement décourager la complaisance qui caractérise depuis un certain temps les juges congolais dans leur mission de dire le droit.
Miché Kabeya Tshinkunku (Doctorant en droit de l’Université de Liège)
Tiré de Scooprdc.net