Les élections de 2023 sont entourées d’une grande incertitude. Si le Président de la République, Félix Tshisekedi, y croit fermement, selon le vœu qu’il a exprimé dans un récent entretien à RFI et France 24, sur le terrain, tous les signaux pour un processus libre et véritablement apaisé ne sont pas au vert. Dans l’opposition, d’autres comme le FCC (Front commun pour le Congo) de Joseph Kabila posent encore de préalables, contrairement à Ensemble pour la République de Moïse Katumbi qui ne jure que par les élections dans le délai constitutionnel, soit en décembre 2023. Dans le camp du pouvoir, c’est le chaud et le froid. La Commission d’intégrité et de médiation électorale (CIME) – sa branche proche du pouvoir – consulte les différentes couches sociopolitiques de la RDC pour baliser la voie à un possible dialogue. La tribune de Corneille Nangaa, ancien président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), a donné de la voix au pouvoir en place à Kinshasa qui n’exclut plus l’hypothèse d’un glissement. Car, selon le très expérimenté Corneille Nangaa, partir aux élections dans les conditions actuelles, c’est aller droit au mur. En 2023, les élections sont entourées d’un grand pan de voile. Personne ne veut faire le premier pas pour dissiper le malentendu. Tous – opposants ou partisans de l’Union sacrée de la nation – ne veulent endosser la responsabilité d’un glissement plus que jamais inévitable.
Lorsqu’il s’agit de l’organisation des élections générales en République démocratique du Congo, le régime du président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo énonce le principe qu’elles seront organisées dans les délais prévus dans la Constitution de la République. Ce discours est connu. L’expérience a démontré que Kabila qui tenait ce même discours était resté aux affaires jusqu’à deux années après l’expiration de son mandat. Sans élection, l’ancien président et son régime étaient restés aux affaires de 2016 à janvier 2019, précisément le jour de la passation de pouvoir.
A ce jour, les seules assurances à la disposition du Congolais sont les affirmations du chef de l’Etat et du président de la Commission électorale nationale indépendante. En réalité, ce sont les mêmes assurances comme Joseph Kabila et Corneille Nangaa en 2016. Personne n’est dupe quant à la suite à donner à l’organisation de bonnes élections.
Opposition en ordre dispersée
Pendant que le pouvoir s’adonne à la gymnastique clair-obscur, à l’opposition, c’est la division. L’unité de cette opposition est difficile à réaliser dans la mesure où, il est clairement établi que les égos risquent d’être inconciliables. Les potentiels candidats d’opposition vont participer aux scrutins avec comme unique objectif : se mettre des bâtons dans les roues.
Ce qui semble évident entre eux, c’est de tenir un discours anti-Tshisekedi, sans se mettre d’accord sur la manière de barrer la voie à la victoire du chef de l’Etat sortant.
Corneille Nangaa prédit le glissement
Président de la CENI au dernier cycle électoral de 2018, Corneille Nangaa a, dans une tribune, tiré la sonnette d’alarme. Sans le dire ouvertement, il pense que le train électoral, tel que mené par Denis Kadima, son successeur à la CENI, avance droit au mur.
Après avoir rappelé les péripéties du cycle électoral de 2018, émaillé de pression, de tous genres exercés autant sur lui que la CENI, Corneille Nangaa prévient : «Tout compte fait, au regard de ce qui précède, par-delà les ambitions politiques légitimes des uns et des autres, nous avons à privilégier la paix et la stabilité que nous avons à consolider dans ce pays qui en a tant besoin. Cela passe par la vérité sur le processus avant la vérité des urnes ». Et de rappeler : «Ayant vécu l’expérience d’un conflit sanglant post-électoral en 2006, notre pays ne peut pas se comporter comme si cela n’arrive qu’aux autres ».
Il se félicite d’avoir épargné le pays d’une crise similaire en 2018 : « Nous l’avons heureusement évité en 2018 ». Avant de lancer une série d’interrogations en rapport avec le prochain cycle électoral de 2023 : «Pourquoi prendre le risque de le voir poindre aux prochaines échéa-nces? Pourquoi ne pas entendre la voix de ceux qui préviennent que si l’on décide d’aller aux élections dans les conditions actuelles, on n’aura pas d’élections apaisées et ainsi anticiper les choses ? ». Et d’ajouter : «Car, l’ennemi numéro un du processus électoral, c’est la méfiance entre les différents acteurs et parties prenantes».
L’ancien président de la CENI propose dès lors la voie à suivre : «Un minimum de consensus, dans une approche inclusive est donc indispensable pour garantir des élections libres, transparentes, crédibles, inclusives et apaisées, dans le strict respect de la Constitution et des lois de la République».
Il croit avoir remplir sa mission en prévenant ceux qui ont la conduite du processus électoral : « Voilà donc notre modeste contribution. Le lecteur y aura discerné en long et en large le bon et le mauvais pas s’agissant du processus électoral dans notre pays. Fort de l’expérience qui est la nôtre, et face au devoir citoyen auquel elle nous engage, nous avons osé conseiller à la République d’éviter le mauvais pas pour le bon, afin de garantir élections apaisées, c’est-à-dire : libres, inclusives, transparentes et dont les résultats soient acceptés par tous ».
Décidément, Corneille Nangaa prêche déjà le glissement. Mais, comment s’y prendre ? Au pouvoir, tout comme à l’opposition, personne ne veut franchir le Rubicon.
Econews