Moïse Moni Della : «Kalev, un repenti en catimini ?»

L’ancien sécurocrate de Kabila a demandé pardon à ses victimes. Au départ, je croyais à l’infox, digne des réseaux sociaux. Mais après avoir écouté RFI ce dimanche le confirmer, plusieurs questions m’ont transpercé l’esprit :
1- Qu’a-t-il fait pour demander pardon ?
2- Pourquoi demander pardon maintenant ?
3 – Ne serait-il pas nécessaire qu’il le fasse directement, solennellement devant un tribunal ?
4- Son pardon est-il sélectif, objectif ou collectif ?
5- Est-ce le fait d’avoir perdu le pouvoir et la peur de finir à la prison centrale de Makala qui ont précipité un tel mea culpa ?

  1. Quelle valeur ses milliers de victimes connues et anonymes peuvent-elles accorder à un repenti fait en catimini ?
  2. Ce pardon est-il sincère ?
    La sincérité de son pardon est nécessaire pour être validée par ses nombreuses victimes, mortes ou vivantes.
    Je pense que le tribunal est le lieu par excellence pour faire la repentance et la pénitence, en dehors de la mosquée ou de l’église.
    La RDC serait-elle le seul pays au monde où l’impunité est la règle, la justice l’exception ?
    Plusieurs pays africains ont organisé des procès contre des dictateurs sanguinaires et leurs complices : Moubarak en Egypte, Bokassa en Centrafrique, Habré au Tchad, Compaoré au Burkina Faso, Camara en Guinée Conakry, Zouma en Afrique du Sud…
    L’État de droit du Président Félix Tshisekedi en RDC est devenu un slogan creux qu’il récite souvent de manière ostentatoire pour la consommation extérieure.
    Néanmoins, je salue vigoureusement son honnêteté intellectuelle lorsqu’il emprunte mon qualificatif de «théâtralisation de la justice», que j’ai souvent utilisé dans mes nombreuses tribunes. Le cas de celle publiée il y a quelques mois dans la presse nationale et internationale, intitulée : «De l’instrumentalisation de la justice avec Kabila à la théâtralisation avec Félix ».
    Notre justice est aujourd’hui sur le banc des accusés. Elle doit être jugée et condamnée. Sinon, elle doit se racheter et redorer le blason terni en rendant une justice sur plusieurs crimes de sang, économiques et autres crimes contre l’humanité.
    Le pardon de Kalev est un pas vers la bonne direction mais pas suffisant. Il doit être imité par d’autres tortionnaires et criminels du régime Kabila, à l’instar du général Amisi, dit «Tango Four », qui n’a pas hésité d’ordonner les massacres à grande échelle des Congolais le 19 septembre 2016.
    Rescapé, témoin oculaire et auriculaire de ces crimes, j’ai arpenté huit couloirs de la mort, subissant toutes sortes de traitements inhumains et dégradants, avant d’être jeté comme un animal à Makala. Je suis un témoin gênant, avec tout ce que cela comporte comme risques. Le cardinal Malula disait vaut mieux mourir pour avoir dit la vérité que de tuer la vérité. Le coran nous oblige de dire la vérité, rien que la vérité.
    Sous ses ordres, plusieurs militants des partis politiques et autres combattants de la liberté ont été torturés dont neuf militants de l’UDPS calcinés au siège du parti à Limete.
    Juste après ma libération provisoire, je suis allé porter plainte à la Cour constitutionnelle et j’ai fait la dénonciation à la CPI, contre ce militaire avec ses complices (Boshab, Kalev, Kabange Numbi) et le commanditaire Kabila.
    Le Président de la République, après avoir reconnu le caractère théâtral de notre justice, doit veiller à ce qu’il ne puisse pas y avoir un metteur en scène pour faire jouer à notre justice une comédie judiciaire qui non seulement la discrédite, mais aussi la nation congolaise. Selon RFI, le retour de Kalev a été négocié au plus haut niveau, avec l’implication des chefs d’État africain, notamment le président Denis Sassou Nguesso.
    Cela voudrait dire que le président Félix Tshisekedi tolérerait qu’on puisse classer sans suite ce dossier. Une telle attitude d’un pionnier de l’UDPS, fils politique et biologique d’Étienne Tshisekedi, serait considérée comme un sacrilège. Mieux, une trahison pour tous ceux qui ont lutté pour l’instauration de l’État de droit avant l’indépendance à nos jours.
    Le pardon de Kalev n’exclut pas la justice. Certes, une faute avouée est à moitié pardonner. En tant que croyant musulman, je suis prêt à pardonner dès que j’ai le début des réponses à mes sept questions au cours d’un procès en RDC ou à la CPI.
    Le procès de Kalev et autres violeurs patentés et attitrés des droits de l’homme aura une valeur à la fois juridique, pédagogique, historique et politique. Il devrait servir de leçons à tous ceux qui ont abusé de leur parcelle de pouvoir ou ceux qui le font aujourd’hui. Ce n’est pas une vengeance, mais plutôt une exigence de la conscience. Sinon, on serait une «République des inconscients», comme disait Modeste Mutinga, fondateur du groupe de presse Le Potentiel.
    Moïse Moni Della Idi
    Porte-parole du peuple
    Président du Conade
    Co-fondateur authentique de l’UDPS