Si le billet vert monte, c’est parce qu’il est demandé ? L’explication est un peu faiblarde, et il n’y a pas besoin de chercher longtemps pour y trouver un problème…
Comme vous aurez pu le constater, le dollar est reparti à la hausse depuis la semaine dernière.
Les raisons invoquées dans les médias semblent assez primaires : le dollar est demandé parce qu’il constitue un refuge.
Je ne vois personne qui cherche à approfondir en quoi le dollar constitue un refuge; pourtant on peut, sans aucun risque, avancer l’idée que le dollar est considéré comme un refuge parce que c’est la monnaie impériale globale, c’est le centre du système. Je laisse de côté à ce stade la tentative et les études en cours faites par les adversaires des USA, les multilatéralistes, pour supplanter le dollar et créer des systèmes concurrents.
Pas de faillite avec le dollar
La meilleure explication causale de la hausse du dollar que j’ai vue remonte à quelque temps, et elle se formulait ainsi : les Etats-Unis ne peuvent pas faire faillite, car ils possèdent la planche à billets.
A la différence des autres pays. Ils ont la monnaie mondiale et sont endettés dans leur propre monnaie; donc, ils pourront toujours en imprimer pour payer leurs dettes ou les intérêts sur leurs dettes.
Cet argument, on l’a entendu en 2011, 2012 et 2013 lorsque pour de nombreux pays, les dettes ont dépassé les 100% du PIB. Rogoff et son acolyte ont affirmé dans une étude controversée que si on dépassait 100% du PIB, alors on se dirigeait droit vers une crise de la dette. Les Américains ont tout de suite fait valoir que cela ne les concernait pas : eux ne tomberaient jamais en faillite, puisqu’ils avaient la possibilité de monétiser leurs dettes.
De fait, c’est ce qu’ils font allègrement. On constate par ailleurs que, même si le reste du monde ne finance plus le Trésor et les déficits américains, les Etats-Unis ne tombent pas en faillite : ils font acheter leur dette par la Fed.
Les Etats-Unis, en d’autres termes, ne peuvent être insolvables car ils peuvent – et ils le font bien sûr –, imprimer des dollars : ils peuvent activer la planche à billets et payer en monnaie tombée du ciel.
Réfléchissez un peu à ce que cela veut dire. Cela veut dire que la force du dollar… c’est sa faiblesse intrinsèque, c’est-à-dire la possibilité qu’il a, dont il ne se prive pas et dont il abuse, de s’inflater, de s’autodétruire.
Le dollar est fort parce qu’il a la possibilité organique, endogène, systémique, de s’autodétruire, de s’avilir. De se renier. Pour payer leurs dettes galopantes – ils viennent de passer les 31.000 milliards USD –, les Etats-Unis peuvent imprimer des dollars. Les déficits peuvent être monétisés, il suffit par exemple d’émettre des bons du Trésor, de les faire acheter par les dealers, puis de faire un QE – c’est-à-dire de racheter ces titres en créditant le compte des dealers de nouveaux dollars.
Et l’euro alors ?
Le système, et c’est ce que je veux souligner, repose sur un paradoxe ; le dollar est fort parce qu’il est intrinsèquement faible, parce que le ver est dans le fruit, par construction !
En parallèle, l’euro n’est une monnaie souveraine qu’en apparence.
Certes, la BCE semble pouvoir émettre sa propre monnaie, mais c’est sans compter avec la situation réelle des banques européennes ! Celles-ci recyclent, elles sont surchargées en dollars.
En cas de pépin, ces banques européennes seront absorbées ou garanties par les pays d’Europe, et le système du Vieux Continent se retrouvera demandeur d’une masse considérable de dollars pour refinancer les engagements de ses banques !
Celles-ci sont surexposées en dollars alors que leur banque centrale, la BCE n’est pas créatrice de dollars. Donc, la BCE sera obligée de faire comme elle le fait à chaque crise : elle devra mendier des dollars aux Etats-Unis, elle devra baisser son pantalon pour bénéficier de Swaps en dollars.
Vous comprenez mieux, je l’espère, la vassalitude structurelle de l’UE !
Avec Chronique Agora