Taxe RAM : Kibassa sortira-t-il indemne de la fournaise de l’Assemblée nationale ?

La taxe RAM (Registre d’appareils mobiles), lancée il y a quelques mois par l’ARPTC (Autorité de régulation de la poste et des télécommunications au Congo), personne n’en veut. Encore moins l’Assemblée nationale qui a terriblement acculé mercredi le ministre des PTNTIC (Poste, Téléphones et Nouvelles technologies de l’information et de la communication). Le réquisitoire des députés nationaux a été sans appel. Pour l’Assemblée nationale, rien ne légitime cette taxe. Elle plaide sa suspension pure et simple. Ce vendredi, le ministre Augustin Kibassa Maliba est censé revenir à l’Assemblée nationale pour convaincre les élus nationaux. C’est un exercice périlleux.

Mercredi à l’Assemblée nationale, le ministre des PTNTIC, Augustin Kibassa Maliba, a eu chaud, très chaud, devant une assemblée plénière déchaînée contre la taxe RAM (Registre d’appareils mobiles). Convoqué pour s’exprimer sur le fondement juridique de cette taxe, objet d’une grande controverse à l’échelle nationale, le ministre des PTNTIC a sollicité 48 heures pour répondre aux préoccupations des élus nationaux. C’est ce vendredi, sauf imprévu, qu’il doit retourner à l’Hémicycle. Le pari est relevé. Car, il s’agit de convaincre la majorité de l’Assemblée nationale pour poisser les députés nationaux à changer d’avis.

Pour l’instant, l’Assemblée nationale est unanime sur un point : la taxe RAM doit être retirée, tout en intimant l’ordre à ses initiateurs de justifier l’argent déjà perçu depuis son lancement.

Sur ce point précis, Misare Mugomberwa Claude, initiateur de la question orale avec débat sur la taxe RAM, ne bronche pas. Si le ministre des PTNITC ne se montre pas convainquant dans ses réponses, il promet d’ores et déjà de transformer sa question orale en une motion de défiance.

Pour l’essentiel, l’initiateur de la question a centré ses préoccupations autour des points suivants : le nombre d’utilisateurs d’appareils mobiles réellement identifiés ces six derniers mois ; le bilan que le ministre tire de la mise en œuvre de cette taxe; la motivation réelle de l’érection d’une nouvelle taxe.

Un discours peu convaincant

En réponse à ces questions, le ministre Kibassa a plutôt présenté un bilan positif et des avantages de cette taxe qui a permis de collecter, au bas mot 25 millions de dollars américains au profit du Trésor public. Et lui de renchérir que plus de 38 millions d’appareils ont été déjà enregistrés et identifiés au nombre desquels 26 millions d’appareils 2G et plus de 11 millions d’appareils mobile 3&4G ; plus de 17 millions d’appareils originaux et uniques; 14 millions d’appareils clonés et 5 millions d’appareils conformes.  

Il a notamment soutenu que la taxe RAM vient en appui à la gratuite de l’enseignement de base, qui représente un des piliers du projet de société du président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi.

Parmi les avantages de cette initiative, il a présenté la possibilité offerte aux utilisateurs de récupérer leurs téléphones GSM ou les bloquer à distance en cas de vol, ainsi que l’accès pour élèves et étudiants à l’enseignement à distance. Il a conclu son propos en appelant au retrait pur et simple de cette taxe, en précisant que «si taxe devait y avoir, elle devait être payée par les importateurs et commerçants et non les utilisateurs, les consommateurs congolais».

A l’Hémicycle, la taxe RAM n’a pas trouvé d’adhérents. Tous s’y opposent. Léon Nembalemba, élu de Kinshasa, parti de ce cercle élargi d’élus nationaux qui appelle unanimement au retrait de cette taxe, qualifiée d’illégale et d’illégitime, ainsi qu’au remboursement des frais collectés de manière indue sur le dos des Congolais. D’autres élus nationaux, les plus intransigeants, ont évoqué une «escroquerie d’Etat», estimant les faits si flagrants que le ministre devait rendre son tablier.

La Société civile porte sa voix

A la Société civile, Jonas Tshiombela, coordonnateur de la NSCC (Nouvelle Société civile du Congo), ne ménage pas la taxe RAM.

Dans un message, largement relayé sur la toile, et face au tollé général, Jonas Tshiombela note qu’«aucun homme fort ne peut défier indéfiniment et vaincre un peuple conscient de sa situation et en colère»

«Toute loi, politiques, mesures et taxes injustes d’où qu’elles viennent, quel que soit le régime méritent d’être combattues. Garder silence dans une telle situation risque d’être pris pour une sorte de complicité s’apparentant à une forme de lâcheté dangereuse. C’est finalement joué en défaveur des simples citoyens victimes et pauvres sans ressources ni revenu certain et régulier. La taxe RAM n’a aucune base légale, elle doit être purement et simplement supprimée. En Ituri, Beni, Butembo, Kalehe, Demba, Semedwa, Dongo, Tshiela, Buta, Lodja, Yumbi, etc. Cette taxe devient un obstacle pour la population, craignant que le crédit des unités acheté soient immédiatement repris par les opérateurs de communication complices de cette tricherie et qui y tirent aussi certainement profit (Vodacom, Airtel, Orange et Africell). Cette situation d’asphyxie place la population en difficulté de communiquer avec les autorités sur le mouvement des perturbateurs de la paix dans l’Est de la RDC, à savoir les terroristes et autres ».

Il appelle, par conséquent, les députés nationaux à s’assumer : «Honorables Députés votre interpellation de ce ministre n’aura de sens que si vous arrivez à obtenir absolument et impérativement la suppression de cette taxe illégale. Sinon, c’est du déjà vu, car un tel spectacle risque de nous rappeler les vieilles pratiques de triste mémoire de l’impunité dans de la république des intouchables». Avant de se tourner vers le Chef de l’Etat : «Ce ministre apparemment cherche à créer la rupture entre le peuple et ses dirigeants. Il donne l’impression de saboter +la politique du peuple d’abord+ mis en place par le Président de République en tentant de soulever la population à cause de cette taxe illégale ».

Il se décharge, enfin, sur le ministre des PTNTIC qui a, du haut de l’Assemblée nationale, déclaré que la taxe RAM est une branche de financement de la gratuité de l’enseignement de base.

Jonas Tshiombela ne partage pas cet avis : «L’opinion publique a été surprise et choquée d’entendre que cette taxe illégale financerait la gratuité de l’éducation fondamentale. M. le ministre combien d’enseignants nouvelles unités (NU) ont été pris en charge par cette taxe illégale, que dire des enseignants non payés (NP) qui continuent à crier ne sachant pas à quel saint se vouer. Combien d’écoles ont été construites ou équipées en infrastructures suite à l’apport de cette taxe illégale ? Il nous a été dit que cette taxe aiderait à retrouver les téléphones volés, peut-on savoir le nombre de téléphones récupérés suite à l’action de cette taxe dangereuse ? Que dire de la connexion internet dans les universités ? Dans la nomenclature de taxes en RDC, nous avons du mal à retrouver cette taxe. Pourquoi cet acharnement sur les citoyens pauvres que nous sommes ? »

Si l’Assemblée nationale se montre clémente envers le ministre des PTNTIC, Jonas Tshiombela, se dit prêt, avec l’ensemble de la Société civile, à appeler le peuple à se prendre en charge. «Dr Etienne Tshisekedi, d’heureuse mémoire, et M’zée Laurent D.K ne nous avaient-ils pas appris de nous prendre en charge? Trop, c’est trop, si les députés n’arrivent à obtenir la démission de ce ministre et la suppression de cette taxe illégale, le spectacle observé à l’Assemblée nationale risque d’être pris pour de la distraction et de la non-assistance d’un peuple en danger. Si tel sera le cas, nous appelons à la mobilisation générale pour la suppression de cette taxe.         La rue risque de prendre le devant et donner les orientations à suivre aux députés comme au dit ministre. Toutefois, le dernier mot reviendra au peuple. Aucun homme fort n’a vaincu un peuple pauvre ayant pris conscience de sa situation et en colère asphyxié avec des taxes illégales. Une journée sans paiement de crédit et sans téléphone sera notre manière de nous défendre ».

Ce vendredi, Augustin Kibassa revient dans la fournaise de l’Assemblée nationale. Au-delà de la taxe RAM, il devra batailler dur pour sauver également son poste.

Econews