A l’initiative du président burundais et président en exercice de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est), le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a participé samedi à Bujumbura, capitale du Burundi, à un sommet sur les tensions récurrentes dans la partie Est de la République Démocratique du Congo. Les forces oppositions entre Kinshasa et Kigali n’ont pas empêché le président Tshisekedi de faire le déplacement de Bujumbura. Mais, au finish, la moisson n’a pas été abondante. Comme à ses habitudes, l’EAC s’est enfermée dans ses propres contradictions, exigeant plus d’hommes sur le champ des opérations de l’Est congolais pour renforcer la capacité d’actions de la Force régionale de l’EAC. En réalité, le dernier sommet de Kigali est, une fois de plus, passé à côté du problème. Un sommet de trop qui enfonce davantage la RDC dans le piège de l’EAC.
La quintessence du 20ème sommet extraordinaire des chefs d’Etat de l’EAC tenu à Bujumbura (Burundi) ce samedi 4 février peut être décortiquée à travers cette vidéo surréaliste montrant un Félix Tshisekedi s’adressant au commandant kényan de la force régionale. L’on y voit le Président congolais, visiblement dépité, demander à l’officier kenyan commandant de la Force régionale, de «ne pas favoriser le M23. Ce serait dommage que la population s’en prenne à vous. Vous êtes venus nous aider et non pour avoir des problèmes. Soyez attentif à cela; communiquez avec la population’’.
La première réaction des personnes qui ont pu avoir accès à ce document est de l’étonnement, face à cette énième bourde des services de communication de la Présidence de la République qui ont jugé opportun de rendre publique une conversation qui relève d’une indiscutable discrétion.
La déception du Président de la République peut en outre s’expliquer par les conclusions du Sommet, qui ne répondent nullement ni aux attentes du peuple congolais, encore moins aux demandes insistantes du gouvernement congolais à la communauté internationale dont font partie les sept pays membres de l’EAC, de faire des pressions sans équivoque sur le Rwanda, afin d’amener ce pays voisin à retirer ses troupes opérant au Congo sous le couvert de la «rébellion» du M23. Les recommandations adoptées dans la capitale burundaise ressemblent à s’y méprendre à celles arrêtées à Luanda en novembre 2022.
Il est question de l’exigence du retour dans leurs pays des forces étrangères, allusion faite aux FDLR rwandais exclusivement, sans que la présence de l’armée rwandaise qui ne cache plus désormais sa présence en terre congolaise ne soit effleurée. On aurait cherché à ménager la susceptibilité militariste d’un Paul Kagamé bien présent qu’on ne s’y pas pris autrement.
Evaluer le vide
Mais le plus surprenant reste que le Sommet de Bujumbura ait inscrit à son ordre du jour «l’évaluation» de l’application des accords de Luanda dont on sait qu’ils sont restés lettre morte. Non seulement les M23 /RDF ne se sont pas retirés des zones sous leur occupation à l’échéance de la date du 15 janvier 2023, mais ils continuent leur conquête de nouveaux territoires sous le regard complaisant de la force régionale et de la MONUSCO.
Le sommet dit avoir pris connaissance du rapport d’évaluation présenté par le facilitateur désigné de la sous-région dans la crise de l’Est congolais, en l’occurrence l’ancien président kenyan Uhuru Kenyatta. Le communiqué final du sommet de Bujumbura est resté, cependant, muet quant au contenu de ce rapport, notant de manière subtile que la situation dans l’Est de la RDC «est une situation régionale qui ne peut être durablement résolue que par un processus politique», soulignant par la même occasion «la nécessité d’un dialogue renforcé entre toutes les parties». Une option que rejette catégoriquement Kinshasa qui n’envisage aucun dialogue avec les «terroristes» du M23.
Malgré cette position tranchée de Kinshasa, le sommet de Bujumbura continue à faire pression sur Kinshasa pour activer la feuille de route, pourtant mort-née, de Luanda. A ce propos, le sommet de Bugumbura a, dans son communiqué final, réactivé les recommandations de Luanda, notamment la cessation de feu immédiate de tous les belligérants et la poursuite du dialogue politique alors que le M23 continue à étendre ses zones d’influence.
A Bujumbura comme à Luanda, qu’on ne se voile pas la face, la RDC est ce dindon de la farce dont les véritables enjeux dans le chef de «ses partenaires » au sein de l’EAC lui échappent, donnant l’impression du boxeur qui boxe deux crans au-dessus de sa catégorie.
En interpellant l’officier kenyan, commandant de la Force régionale de l’EAC, en présence du président William Ruto, le président Félix Tshisekedi a donné la preuve que la RDC ne trouve pas son compte dans le jeu qui se joue au sein de cette communauté sous-régionale. En réalité, Kinshasa et les autres capitales de l’EAC ne partageant pas le même agenda. Accroître en nombre la Force régionale ne va pas résoudre le problème. Bien au contraire. L’option levée à Bujumbura va plutôt alimenter la confusion, tout en enfermant la RDC dans un engrenage. Et s’en sortir ne sera pas une partie de plaisir pour Kinshasa.
Econews