Des études révèlent que des taxes élevées et des procédures administratives complexes encouragent l’extorsion, le commerce illicite et la servitude pour dettes en République Démocratique du Congo
Le programme IMPACT lance un nouveau projet de lutte contre la corruption dans le secteur du cobalt artisanal de la République Démocratique du Congo (RDC) avec une première initiative de cartographie des taxes et des redevances exigées par la loi.
Mis en œuvre en collaboration avec Action pour la Défense des droits humains (ADDH), le projet Cartographier les frais a été inauguré aujourd’hui avec l’atelier d’analyse qui se tient à Kolwezi, dans la province du Lualaba, le carrefour de l’exploitation artisanale du cobalt en RDC.
Cet atelier est le premier d’une série regroupant notamment des experts des mines et des régies financières, des exploitantes et exploitants artisanaux, des négociants et négociantes, des exportateurs et exportatrices ainsi que des membres de la société civile pour examiner les taxes, redevances et procédures en place applicables au secteur minier artisanal du cobalt pour documenter ce qui est exigé par la loi.
«Les taxes élevées et la complexité de chaque démarche administrative posent un obstacle majeur à un approvisionnement responsable. Nous avons été témoins de graves pratiques de corruption et d’extorsion de la part d’acteurs de la chaîne d’approvisionnement dans le secteur de l’or artisanal. IMPACT souhaiterait par ce projet comparer les expériences vécues dans le secteur de l’or artisanal avec la réalité du secteur de cobalt artisanal. En cartographiant les formalités et frais obligatoires grâce à un processus consultatif multipartite, nous espérons lever toute ambiguïté dans la fiscalité liée au cobalt artisanal et fournir aux exploitantes et exploitants artisanaux et aux négociants et négociantes un guide de référence utile qu’ils peuvent consulter pour s’assurer qu’ils ne sont pas victimes d’extorsion», déclare Joanne Lebert, directrice générale d’IMPACT.
Le projet permettra notamment de comparer la situation dans le secteur du cobalt artisanal à celle du secteur de l’or artisanal, travail qu’IMPACT a eu à faire un travail similaire dans la province de l’Ituri. Dans son expérience, en 2022, IMPACT a élaboré quatre fiches techniques décrivant les taxes, redevances et formalités requises pour le transport interprovincial, l’exportation ainsi que l’achat et la vente d’or artisanal dans la province de l’Ituri et son extraction dans cette même province.
En RDC, le secteur de l’extraction minière artisanale est régi par une fiscalité lourde, complexe et nébuleuse. Des taxes élevées et des procédures administratives fastidieuses encouragent le commerce clandestin des ressources naturelles du pays.
D’après un rapport de l’OCDE (https://apo-opa.info/3Z56eQT), les exploitantes et exploitants artisanaux doivent verser aux coopératives ou aux fonctionnaires de l’État des dessous-de-table qui les privent d’un pourcentage pouvant atteindre 20 % de la valeur totale des matières qu’ils extraient.
Ces fiches techniques se sont avérées des guides de référence utiles pour les parties prenantes, qui peuvent s’y reporter pour connaître les démarches prescrites par la loi pour le secteur concerné. IMPACT a précédemment documenté 26 étapes à franchir pour exporter de l’or artisanal dans la province de l’Ituri, ce qui coûtait aux exportateurs 12 % de la valeur du minerai. Grâce à tout ce travail, ce nombre a été réduit à neuf étapes, et le total des coûts a également diminué.
Depuis que ces documents ont été distribués, les acteurs de la chaîne d’approvisionnement dans la province de l’Ituri s’en servent pour décourager avec succès les demandes de paiements illégaux.
La série d’ateliers du projet Cartographier les frais traitera également des réformes éventuelles nécessaires pour l’amélioration de la gouvernance fiscale dans le secteur du cobalt artisanal tant au niveau provincial que national. Les parties prenantes s’efforceront de formuler des propositions destinées à encourager la transparence et l’efficacité des chaînes d’approvisionnement en cobalt artisanal en RDC.
Depuis 2011, IMPACT aide le ministère des Mines à mettre en œuvre les six outils requis par l’initiative régionale de la CIRGL visant à lutter contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, dont l’harmonisation de la législation de tous les États membres. IMPACT a également appuyé les droits de la personne au sein des communautés minières et l’adoption de mesures de diligence au sein de la chaîne d’approvisionnement dans le cadre de son projet Or Juste, qui achemine jusqu’aux marchés internationaux de l’or artisanal légal, traçable et libre de conflits.
Parallèlement, IMPACT met en œuvre le projet Sa Sécurité dans le secteur de l’extraction artisanale du cobalt. Ce projet se penche sur la façon dont on peut réduire le travail des enfants en augmentant les moyens de subsistance des femmes dans les communautés vivant de l’exploitation artisanale du cobalt. IMPACT a soutenu en outre l’élaboration du Cadre de gestion des exigences en matière environnementale, sociale et de gouvernance pour le secteur du cobalt artisanal et à petite échelle, qui s’articule comme un ensemble d’attentes progressives établi en vue d’un approvisionnement responsable en cobalt artisanal provenant de la RDC. À cette fin, IMPACT a mené des consultations nationales et animé des ateliers de restitution des exigences actualisées.
Le projet Cartographier les frais est rendu possible grâce à l’appui financier de l’Union européenne. Des activités complémentaires à ce projet bénéficient d’une aide financière accordée par Microsoft.
IMPACT en RDC
Nos travaux en République démocratique du Congo concernent principalement l’assistance technique visant à mettre au point de nouvelles approches en matière de gestion équitable des ressources naturelles.
IMPACT mène des activités sur le terrain en RDC pour la mise en œuvre du projet Or Juste et notre équipe francophone dans la région des Grands Lacs est située dans ce pays. Nous sommes présents à Kinshasa, ainsi que dans deux villes de la province de l’Ituri, soit Bunia et Mambasa.
La République Démocratique du Congo est réputée pour ses ressources naturelles abondantes. La façon dont la mauvaise gestion des ressources naturelles peut alimenter ou entretenir les conflits en RDC a été solidement étayée par IMPACT, le Groupe d’experts des Nations Unies et d’autres organisations.
La paix et le développement durable semblent toujours illusoires dans ce pays; l’armée, divers groupes armés et des services de sécurité privée sont souvent associés à l’exploitation des ressources minérales et des communautés minières.
Malgré les importantes richesses minérales de la RDC, la plupart des 77,3 millions de personnes de ce pays vivent dans la pauvreté, n’ont pas accès à un revenu stable et font face à de piètres conditions au chapitre de l’éducation, de la santé et de la qualité de vie, notamment en ce qui concerne l’accès à l’eau potable, les taux de mortalité infantile élevés et la faible espérance de vie. De plus, la déforestation représente un défi environnemental de taille en RDC.
Aujourd’hui, les ressources naturelles comptent pour la plus grande part de l’économie nationale. La Banque mondiale estime que l’exploitation minière artisanale constitue le moyen de subsistance de 10 millions de Congolais. La corruption systémique alimente les systèmes défaillants de gestion des ressources et l’insécurité persistante. La RDC est aux prises avec le commerce illicite des minéraux et perd d’importantes recettes fiscales. Selon le Groupe d’experts des Nations Unies, 98 % de l’or produit de façon artisanale en RDC n’est pas déclaré et est acheminé clandestinement hors du pays.
Au cours des dernières années, la RDC a pris des mesures pour transformer ses systèmes de gestion des ressources naturelles. Elle est membre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). En 2010, le président de ce pays et 11 autres chefs d’État ont signé la Déclaration de Lusaka et ont approuvé l’Initiative régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles (IRRN). En 2014, la RDC est devenue le deuxième État membre de la CIRGL à émettre des certificats dans le cadre du Mécanisme régionale de certification, une norme régionale obligatoire qui atteste que l’approvisionnement en étain, en tantale, en tungstène et en or est dénué de conflit.
La RDC est en outre membre du Processus de Kimberley et est tenue de mettre en place des mécanismes de contrôle internes qui permettraient d’attester que ses diamants bruts n’ont pas fait l’objet de conflits.
Avec APO