En RDC, les relations entre les autorités et la force militaire régionale déployée pour stabiliser l’Est du pays semblent de plus en plus tendues.
Le président Félix Tshisekedi a dénoncé ce qu’il appelle une «cohabitation» entre certains membres de la force régionale et des rebelles du M23. Des déclarations qui ne risquent pas de détendre l’atmosphère.
«Nous avons remarqué une cohabitation entre le contingent de l’Afrique de l’Est et les rebelles» : ce sont les propos du chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi. Des propos tenus lors d’une visite au Botswana.
Accusé d’inaction
Depuis son déploiement, qui a commencé à la fin de l’année dernière, cette force mise en place par la Communauté d’Afrique de l’Est, ne cesse d’être la cible de critiques. Il lui est reproché notamment son inaction contre les rebelles.
Autre illustration des tensions avec les autorités congolaises : la démission du général kényan Jeff Nyagah, commandant de la force qui a été remplacé dans la foulée.
Pour Dany Ayida, le représentant résident du «National Democratic Institute» en RDC, on assiste à une crise de confiance.
«Les critiques formulées par le président Tshisekedi montrent clairement qu’il y a une crise de confiance entre les forces d’Afrique de l’Est et le gouvernement congolais. En même temps, il faut analyser cette évolution avec l’entrée en scène de la SADC (la Communauté de développement de l’Afrique australe) qui s’est aussi montrée disposée à déployer une force dans l’est de la RDC (…) Il faut aussi s’interroger sur le mandat réel de cette force d’Afrique australe qui viendra se substituer aux forces de l’Afrique de l’Est », explique à la DW l’expert en gouvernance.
Selon Dany Ayida, il faut également prendre en compte la situation politique en RDC alors que se rapproche la date des élections.
Les décisions politiques sont, selon lui, sans doute prises en tenant compte de ces échéances et de l’opinion nationale au sein de laquelle des voix s’élèvent pour réclamer le départ des troupes de l’EAC, composée de soldats du Kenya, de l’Ouganda, du Burundi et du Soudan du Sud.
La réintégration, l’autre point sensible
Quoi qu’il en soit, sur le terrain, des crimes commis contre les populations civiles imputés au M23 sont toujours signalés.
S’il est question de mettre un terme aux actions meurtrières des rebelles, leur cantonnement et réintégration dans la population civile reste un problème délicat dont Kinshasa ne veut pas entendre parler.
Le président angolais João Lourenço, médiateur dans cette crise, est récemment revenu sur ce processus en précisant que «cette étape ne dépend pas uniquement du M23 » mais aussi de la RDC. La RDC dont les autorités ont émis de sérieuses réserves.
«Les autorités de la République démocratique du Congo disent qu’en réalité, le M23, ce sont des troupes rwandaises qui sont déguisées en Congolais », rappelle le politologue Alfred Tumba Shango Lokoho.
Selon lui, «il va falloir faire le tri pour permettre cette réintégration.Ce n’est pas un processus d’un jour, cela va nécessiter du temps. Et le temps permet d’assouplir les positions des uns et des autres ».
Le chercheur précise par ailleurs qu’outre le cessez-le-feu, il faut un désengagement du M23 dans les zones qu’il occupe dans l’est de la RDC, du temps pour rétablir la confiance et un véritable dialogue pour espérer la réussite d’une hypothétique réinsertion des rebelles au sein de la société congolaise.
Carole Assignon (DW.COM)