La République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda se sont engagés lundi à Genève, en Suisse à entamer un dialogue constructif afin de créer les conditions favorables au retour durable des réfugiés congolais et rwandais dans leurs pays respectifs. Il y a peu, cette question avait suscité des réactions dans la classe politique congolaise suite à la déclaration du côté congolais disant qu’il n’y a pas des congolais au Rwanda. À Goma, au Nord-Kivu, une région qui compte un nombre élevé de réfugiés et déplacés, cette décision fait réagir.
Les défenseurs des droits des réfugiés parlent d’une violation grave des droits des réfugiés. Le Collectif d’organisations des jeunes solidaires du Congo/Kinshasa (COJESKI) invite les deux gouvernements au respect strict des droits des réfugiés.
Pecos Kulihoshi Musikami, défenseur des droits des réfugiés, reste sceptique : «Arrivés au point des accords, c’est très choquant pour nous, c’est inacceptable, c’est inhumain. Et on doit, en tout cas, notre gouvernement devrait seulement se retirer de ces accords. Nous devons rappeler que la personne humaine ne doit pas être commercialisée pour l’intérêt politique. Les réfugiés ne sont pas des objets politiques qu’il faut marchander, ce n’est pas de troc. On nous fait encore voir qu’on rentre encore dans le système de troc où il faut vendre certains, il faut s’échanger des personnes humaines. Ça c’est vraiment inacceptable, c’est contre les valeurs, c’est contre le droit, c’est contre la démocratie dans laquelle nous sommes en train de nous battre pour ce Congo qui sera digne, un Congo qui sera respectueux de la dignité humaine ».
John Banyene, président de la Société civile au Nord-Kivu, note que la RDC doit rester prudente à ce sujet. Il suggère que l’opération se déroule en collaboration avec les chefs coutumiers qui maîtrisent son peuple. «Vous savez que nous comme congolais, nous sommes un peuple hospitalier, on ne peut pas refuser à quelqu’un de rentrer chez lui, mais, il faut que cela se fasse en respectant les normes. C’est pour dire que s’il y a des réfugiés congolais qui sont au Rwanda, nous avons toujours dit que ces réfugiés-là doivent être identifiés avant leur retour. Et leur identification, nous avons toujours insisté que cette identification doit se passer en présence de nos autorités coutumières, parce que ce sont eux qui connaissent les différentes collines appartenant à chaque famille», rappelle-t-il.
Certains hommes politiques estiment qu’il n’y a pas de réfugiés congolais au Rwanda. Pour Adalbert Kiengi, homme politique du Nord-Kivu, il s’agit d’un nouveau piège du régime de Kigali pour insé-curiser davantage la RDC. «Le gouvernement congolais doit s’assumer, au moment où nous sommes en train de nous battre contre le Rwanda, nous menons une guerre contre Rwanda, et nous cherchons à pacifier notre territoire, c’est là qu’on va signer encore un traité comme quoi, nous devons rapatrier, l’échange des réfugiés, ça ne se fait pas comme ça. D’après moi, il n’y a pas, à moins que ça soit un alibi, il n’y a pas un réfugié congolais qui serait au Rwanda, sinon, il serait déjà de retour. Pour nous, il n’y a pas de frein, un congolais qui se trouve au Rwanda s’il voit qu’il est malmené là-bas qu’il rentre. Chacun a sa province, son territoire, sa chefferie, sa colline et le village, chacun a sa parcelle ici au Congo. Chacun doit rentrer dans sa parcelle, nous ne voulons pas voir de camp de gens ici qu’on doit amener pour dire que ce sont des réfugiés, il n’y a pas de réfugiés congolais au Rwanda. Au contraire, ce sont des réfugiés Rwandais qui se retrouvent ici, et ce sont ces réfugiés-là qui se constituent encore en force de déstabilisation de l’Est de la République», pense-t-il.
La RDC, le Rwanda et le HCR se mettent d’accord
La RDC et le Rwanda s’engagent à entamer un dialogue constructif afin de créer les conditions favorables au retour durable des réfugiés congolais et rwandais dans leurs pays respectifs. Les délégations de deux pays ainsi que le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) se sont réunies à cet effet, le 15 mai 2023, à Genève (Suisse), pour discuter des dispositions de ce rapatriement.
A l’issue de cette réunion tripartite, un communiqué conjoint a été signé par toutes les parties. Selon ce document, les deux gouvernements s’engagent notamment à reconnaitre le droit au retour et à assurer le respect du principe d’un retour volontaire en sécurité et dans la dignité. Il s’agit aussi de relever les défis liés à la sécurité des personnes rapatriées, à l’échange d’informations sur les conditions de vie dans les zones de retour; y compris la sensibilisation au niveau communautaire, ainsi qu’à la réintégration.
La RDC et le Rwanda ont également convenu de continuer d’assurer l’accès à l’asile pour les personnes ayant besoin de protection internationale dans le respect des conventions y relatives.
Les deux pays se sont engagés aussi à tenir à Nairobi, dans un délai d’un mois à compter de lundi 15 mai, une réunion technique pour deux objectifs : définir les modalités pratiques pour la réactivation de tous les engagements et des structures contenus dans les Accords tripartites de 2010 et développer une feuille de route globale y relative; relancer le processus de facilitation du rapatriement volontaire des réfugiés congolais au Rwanda et des réfugiés rwandais en RDC, selon les principes directeurs et modalités déjà souscrits dans le texte des accords tripartites de 2010.
Les délégations étaient conduites par Christophe Lutundula, vice-premier ministre en charge des Affaires étrangères et de la Francophonie de la RDC, Marie Kayisire Solange, ministre chargée de la gestion des Urgences de la République du Rwanda et le Haut-commissaire, Fillippo Grandi.
Tighana MASIALA