Face aux échecs répétés des mécanismes du brassage et de mixage, le gouvernement a pris l’engagement non seulement d’éradiquer les groupes armés dans l’ensemble du pays, mais aussi de proscrire leur intégration dans l’armée. Au regard de la situation sécuritaire actuelle, tiendra-t-il sa position pendant longtemps ?
Selon Kivu Security Tracker (KST), 121 groupes armés nationaux et étrangers opèrent dans la partie est de la RDC. Fin avril, Tommy Tambwe, coordonnateur du programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et social (P-DDRCS), a même avancé, sans plus de détails, un chiffre supérieur : «252 groupes armés locaux et 14 groupes armés étrangers » actifs dans le pays. Ces groupes armés massacrent, terrorisent et exploitent la population, causant des déplacements massifs des Congolais. Certains de leurs animateurs sont sous le coup des sanctions internationales pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Avec la recrudescence du Mouvement de 23 mars (M23) au Nord-Kivu et la détérioration de la situation sécuritaire en Ituri, le nombre de Congolais tués dans l’est de la RDC à cause de l’activisme de ces différents groupes armés n’est jamais redescendu, depuis juin 2022, en dessous de 149 morts par mois, avec un pic de 382 morts en avril et en juin 2023, selon les données collectées par KST.
L’Union européenne a infligé, en décembre 2022, des sanctions à certains leaders des groupes armés, y compris à un responsable du M23. Ces groupes armés sont également cités par plusieurs rapports de l’ONU ou des ONG nationales et internationales dans l’exploitation illicite des ressources naturelles.
En fait, depuis plusieurs années, la partie est de la RDC subit les affres de l’insécurité. Dans l’histoire sécuritaire et politique récente du pays, à partir du dialogue de Sun City début des années 2000, l’État congolais avait opté pour des négociations avec les groupes armés. Ces pourparlers aboutissaient à l’intégration des rebelles dans l’armée, notamment par des mécanismes de brassage et de mixage. Les FARDC sont elles-mêmes issues de ce processus. Mais, aujourd’hui, cette stratégie a montré ses limites. Certains combattants ex-rebelles intégrés ainsi dans l’armée ont, en même temps, maintenu des réseaux et gardé des allégeances avec des puissances étrangères. Ce qui a participé à l’affaiblissement de l’armée régulière.
Engagement de Félix Tshisekedi
Dès son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi donne le ton. «Nous avons la forte détermination d’éradiquer tous les groupes armés nationaux et étrangers», clame le chef de l’État, le 24 janvier 2019, lors de son investiture. La pacification de l’Est, à travers notamment l’éradication des groupes armés, figure d’ailleurs parmi les priorités de son gouvernement.
Fin de l’année suivante, le 6 décembre 2020, lors de son message à la nation à l’issue des consultations politiques qu’il avait initiées, le président Tshisekedi retient la proposition de «proscrire strictement l’incorporation des rebelles au sein de l’armée régulière». Mis en place en avril 2021, le gouvernement Sama Lukonde s’inscrit dans cette ligne et s’engage à «n’accepter aucune clause dans ce sens dans aucun accord de paix et de prendre une instruction permanente portant interdiction de cette incorporation». Trois mois plus tard, Tshisekedi crée le P-DDRCS. Ce programme est la fusion du programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PN-DDR) et du programme de stabilisation et reconstruction des zones sortant des conflits armés (Starec). Ces deux prédécesseurs de P-DDRC n’ont pas produit des résultats escomptés sur le terrain.
À côté de cette politique de démobilisation, le gouvernement poursuit aussi des actions coercitives à l’égard des groupes armés réfractaires. À cet effet, plusieurs opérations militaires ont été lancées. C’est le cas notamment de l’opération dite de «grande envergure» et de l’instauration de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Des opérations conjointes entre les FARDC et les armées de certains pays voisins, comme l’opération Shujaa entre l’armée congolaise et la Force de défense du peuple ougandais (UPDF) pour traquer les ADF, ont été également autorisées. Et depuis mars, le déploiement des forces régionales de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) est effectif.
Ne pas intégrer les rebelles, un engagement (toujours) tenable ?
Sur le terrain politique, le gouvernement a reçu un appui de l’Assemblée nationale. Celle-ci a adopté une résolution, le 8 novembre 2022, encourageant l’exécutif dans sa démarche de ne pas procéder à l’intégration des groupes armés au sein de l’armée régulière. Cette décision – non contraignante – a été saluée par Tshisekedi lui-même au cours de son adresse sur l’état de la nation devant le Congrès, le 10 décembre 2022. Il peut alors paraître loin l’époque où, entre 2009 et 2012 par exemple, le pays refusait de livrer à la Cour pénale internationale Bosco Ntaganda, ancien chef rebelle mué en officier FARDC.
Pour autant, il est possible de déceler quelques contradictions entre l’engagement du gouvernement et certaines de ses actions. C’est par exemple une personnalité avec un passé rebelle qui a été placé, le 4 août 2022, à la tête du P-DDRCS. De même, bien que le document de la stratégie nationale du P-DDRCS «interdit l’intégration des combattants issus des groupes armés au sein des FARDC et de la police nationale congolaise», il laisse, entre les lignes, une brèche pour l’intégration individuelle des rebelles au sein de l’armée.
Aussi, au moment où Kinshasa refuse catégoriquement de négocier avec le M23, l’armée collabore avec d’autres groupes armés. C’est ce que révèlent, entre autres, le rapport du groupe d’experts de l’ONU, publié le 19 juin 2023, et celui de Human Rights Watch mis en ligne le 18 octobre 2022. Ces deux documents soutiennent en effet que dans la contre-offensive contre les M23, les FARDC ont collaboré avec certains groupes armés, notamment les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
Le 6 mars, Butondo Muhindo Nzangi, ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire, laissait entendre, lors d’une conférence à Goma, que le gouvernement prévoyait de s’appuyer sur les milices locales en cas d’agression du territoire national. «Le message que je passe aux Wazalendu [les patriotes, en swahili, comme se font appeler certains groupes d’autodéfense, NDLR] est que cette fois-ci le gouvernement vient de mettre en place un dispositif législatif pour vous légaliser», expliquait alors cet élu de la ville de Butembo devenu membre du gouvernement, faisant allusion au projet de loi sur les réservistes porté par son gouvernement. «Cette option nous aide à régler deux problèmes à la fois : combler notre problème d’effectifs que vous connaissez et à vider ce qu’on appelait les groupes armés locaux», soutenait alors Muhindo Nzangi devant la presse.
Ce projet de loi instituant la réserve armée de la défense en RDC a été adopté, le 20 avril 2023, à l’Assemblée nationale. Au cours de l’examen du texte en première lecture, plusieurs députés ont exprimé leur inquiétude de voir cette initiative constituer une brèche à travers laquelle des éléments issus des groupes armés pourraient finalement être intégrés dans l’armée. Ce qui constituerait, selon eux, une violation de la résolution de l’Assemblée nationale sur les groupes armés mais qui, surtout, remettrait en question l’engagement de Kinshasa à ne plus incorporer des éléments des groupes armés au sein des FARDC. Ce projet de loi dispose en effet que la réserve armée de la défense est composée notamment de «volontaires civils engagés dans la défense du pays et de son intégrité territoriale face à une menace ou à une agression extérieure».
Cette initiative législative laisse transparaître une ambiguïté dans la stratégie de défense nationale. Elle pourrait ainsi permettre que le gouvernement revienne sur sa position de non intégration des groupes armés dans les forces de défense et sécurité. Un revirement qui pourrait intervenir au moment où l’EAC dont la RDC est membre continue à appeler aux négociations entre Kinshasa et les groupes armés afin de résoudre la crise sécuritaire actuelle. Une autre brèche pour oublier l’engagement initial du président Tshisekedi ?
Grégoire Kilosho avec Ebuteli
Le mensonge du M23
Que des mensonges ! La lutte du M23 tout comme celle de la classe politique congolaise n’a jamais été inscrite dans le processus d’une rupture avec la mauvaise gouvernance, elle est plutôt celle d’accéder aux mêmes avantages sociaux à la place et lieu de ceux qui sont en charge de l’exercice étatique.
La politique de «ôte-toi delà que je m’y mette», tout en étant dépourvu d’un projet d’alternance, capable de rétablir les équilibres économiques et sociaux rompus. D’un projet dis-je de bonne gouvernance, capable de favoriser la création des nombreux emplois et des salaires décents pour la meilleure consommation….
Pour ce faire, lorsque nous restons à la base d’une réflexion profonde ou insistons sur un système observatoire, il s’avère que la lutte de cette classe politique est depuis 1960, basée sur des nombreuses déclarations et effets d’annonces à la place du débat en toute responsabilité sur un projet de bonne gouvernance, capable de créer des richesses et des services pour la consommation locale et l’exportation, dans le de renflouer la caisse du Trésor public avec les devises étrangères, c’est-à-dire, les dollars grâce à une bonne politique du commerce extérieur.
La médiocrité de cette médiocre classe politique se justifie par son incapacité de s’organiser en tant que Nation, au lieu d’accuser quotidiennement la paille qui est dans l’œil de l’autre et non la poutre qui est dans le sien. La faute toujours aux autres.
De tout ce qui précède, j’interpelle la conscience nationale de s’assumer tout en sachant que ce que les Congolais ne feront pas pour leur pays, personne d’autre ne le fera à leur place.
Jean Oscar Ngalamulume
Président de la CIDES et ambassadeur pour la Paix