C’est sans aucun doute l’image l’Afrique qui ressort perdante de ce énième coup d’État en cours au Niger ; et ce malgré toutes les formes ou le narratif justificatif sous lequel les putschistes et leurs partisans voudraient le présenter.
Après la Guinée, le Mali, le Burkina Faso (deux fois en l’espace de huit mois), le Soudan avec une guerre civile en cours, et finalement le coup au Niger, l’Afrique est à nouveau en proie avec ses vieux démons diraient plusieurs.
On aura beau spéculer sur les causes lointaines ou immédiates, ou même sur la légitimité de ces coups, qu’on ne pourra nier l’effet dévastateur qu’ils ont sur l’image du continent; quels que soient les arguments idéologiques sur fond de discours néo-indépendantiste anti-France, anti-occidental que l’on voudrait leur coller.
Le discours anti-France et anti-occidental a fini par devenir du reste la couverture idéologique ultime pour justifier ces coups qui trouvent souvent leurs causes dans une interaction de facteurs humains et structurels complexes pour certains, et dans un agenda personnel pour d’autres comme au Niger.
Si l’argument de «la lutte anti-France» pu convaincre au Mali et peut-être au Burkina (ici il faut noter qu’en septembre 2022, c’est un anti-français qui renversait un autre anti français), au Niger, on ne peut s’empêcher de noter l’opportunisme des putschistes qui ont su surfer sur cette vague pour se donner une certaine légitimité. Une posture qui semble avoir réussi lorsqu’on observe les réactions opposées à une intervention militaire de la CEDEAO pour rétablir Mohamed Bazoum au pouvoir.
Au-delà de toutes ces considérations légitimes ou opportunes, nous semblons perdre de vue le fait que ces coups à répétition confirment et renforcent la perception d’une Afrique instable, d’un continent plein de potentiel mais «à haut risque».
Une perception dont les répercussions économiques et financières se font sentir lorsqu’il s’agit d’attirer les investissements ou obtenir des prêts pour financer les innombrables projets de développement dont a besoin le continent.
C’est cette perception du risqué qui justifie le maintien d’un «risk premium» sur les prêts accordés à l’Afrique. Du reste, qui voudrait investir en Afrique sans mettre des mécanismes solides pour garantir ses investissements et ses prêts ?
Là où les considérations géopolitiques anti-françaises peuvent enthousiasmer plusieurs à l’idée qu’un départ français laisserait la porte ouverte à d’autres pays plus «amicaux» comme la Russie ou la Chine, elles n’intègrent pas le fait que même pour ces nouveaux arrivants, l’Afrique demeure risquée.
C’est cette perception du risque qui a motivé les conditions et clauses drastiques qu’elle impose dans les contrats d’investissements ou des prêts qu’elle signe en Afrique. Autant bien qu’elle puisse s’accommoder de la nature du régime, autant elle imposera des conditions qui garantissent le remboursement de ses prêts et un retour sur investissement.
Pour finir, pour les milieux d’affaires chinois, la coloration idéologiques des régimes africains importe peu, du moment qu’elles restent ouvertes à faire affaire avec elles.
Quant aux «amis russes», à l’exception du groupe Wagner qui exploitent de l’or en Centrafrique, Mali et Burkina Faso, on attend encore les investissements massifs de ses entreprises dans ses pays amis.
Le drame des coups en Afrique est qu’ils n’améliorent que très rarement ou pas du tout, les conditions de la gouvernance dans ces pays. L’angle géopolitique que l’on choisit d’attribuer comme motivation principale derrière ces coups, nous fait perdre de vue les intérêts égoïstes et l’avidité du pouvoir des comploteurs que l’on encense et présente comme les héros modernes d’une nouvelle vague d’indépendance.
Ignorant leurs intérêts égoïstes, nous oublions de les rendre redevables. Nous perdons de vue la nécessite et l’obligation qu’ils ont de bâtir des bâtir des instructions fortes et d’améliorer la gouvernance qui ne justifieront plus à l’avenir la survenue d’un coup.
A moins que ces coups d’État ne produisent des régimes politiques stables et crédibles qui créent la richesse, renforcent la bonne gouvernance et l’État de droit; rassurent les investisseurs et ne fournissent des garanties solides ; ils n’auront servi qu’à ruiner davantage l’image d’un continent qui peinent à attirer des capitaux dont il a besoin pour son développement… contribuant ainsi à créer les conditions économiques et politiques qui justifieront un autre coup.
Christian-Geraud Neema
Editeur Francophone/China Global South Project