A peine remercié au Conseil national de sécurité, dont il assurait la direction après la mise à l’écart de François Beya, Jean-Claude Bukasa s’est vu attribuer le tout nouveau poste de coordonnateur du nouveau Conseil national de cyberdéfense (CNC), une structure relevant de l’autorité directe du Président de la République. Nouveau conseiller spécial du Chef en matière de sécurité, par conséquent patron du CNS, un autre service spécialisé de la Présidence de la République, le prof Jean-Louis Esambo voit déjà ses attributions s’effriter, obligé de les partager avec celui qu’il venait de remplacer au CNS. Comme si la multiplication des services touchant aux renseignements civils ne suffisait pas, au ministère du Numérique, l’on travaille également sur la création d’une Agence nationale de cybercriminalité, s’appuyant sur les prescrits du nouveau Code du Numérique. Si on devait prendre en compte l’Agence nationale de renseignements, en y ajoutant le CNS et le tout nouveau Conseil national de cyberdéfense ainsi que l’ANCY, on se retrouve avec une multiplicité de services qui accroit sensiblement le risque de télescopage dans les renseignements civils. A-t-on intégré cette donne dans la création de tous ces nouveaux services. Parole aux spécialistes du secteur.
A quelques mois des élections de décembre prochain, le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, est en train de verrouiller son appareil sécuritaire. Ainsi, après la nomination de nouveaux animateurs au Conseil national de sécurité (CNS) et à l’Agence nationale de renseignements (ANR), le Chef de l’Etat vient de procéder à la nomination, au sein de son cabinet, des animateurs du tout nouveau Conseil national de cyber-défense (CNC). Et le Président de la République n’est pas allé si loin pour dénicher les oiseaux rares.
Aux commandes de ce CNC, le Chef de l’Etat a jeté son dévolu sur Jean-Claude Bukasa, le même qui a assumé, pendant quelques mois, l’intérim de François Beya au CNS. Dans l’animation de ce nouveau service, Jean-Claude Bukasa, son coordonnateur, sera accompagné de deux adjoints, dont Liongo Momanza Jean-Julien en charge de cyber-renseignement et Mme de Kyenge Malaika Nathalie, chargée de cyber défense.
Aux termes de l’ordonnance qui le crée, le CNC a pour principale mission la coordination de tous les services ayant un objet en rapport avec la Cyber-défense et le Cyber-renseignement.
Il est ainsi doté d’une autonomie administrative et financière et se veut une structure stratégique et sécuritaire. La même ordonnance présidentielle souligne que le CNC est rattaché au Cabinet du Président de la République en tant que service spécialisé.
A la Présidence de la République, on motive la création du CNC par le fait qu’à l’ère des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et la prolifération de la cybercriminalité, le CNC s’avère un bras séculier important au sein des services de défense et de sécurité du pays.
Mais, là où le bât blesse, c’est dans le fonctionnement réel de ce nouveau service de la Présidence de la République aux côtés d’un autre, plus ancien, à savoir le Conseil national de sécurité.
On sait que, dans son fonctionnement, le CNS relève de l’autorité directe du Président de la République, pour autant que son coordonnateur est revêtu, avant tout, des fonctions du conseiller privé du Chef de l’Etat en matière de sécurité. A ce titre, il est supposé avoir le contrôle de tout ce qui relève des renseignements du pays.
UNE BONNE RAISON DE S’INQUIÉTER
En créant le tout nouveau CNC, on se retrouve dans un cas de dédoublement du CNS, avec un risque élevé de télescopage dans les attributions.
Quels sont les garde-fous qui ont été prévus ? Quel est la ligne de démarcation entre le patron du CNS et le coordonnateur du CNC ? Autant de questions qu’il faudrait vider au préalable pour raison d’efficacité et d’efficience dans le fonctionnement de ces deux services spécialisés de la Présidence de la République.
Que dire de l’Agence nationale de renseignements (ANR) qui, contrairement au CNS et au CNC, relève plutôt de l’autorité du ministre ayant l’intérêt dans ses attributions. Va-t-elle se fondre dans les deux précédents, au nom de la préséance de tutelle ?
Quelle sera la ligne rouge que l’ANR ne devrait pas franchir au risque de s’immiscer dans les attributions du CNS ou du CNC ?
Autant de zones d’ombre qui entretient un suspense – bien réel à tout point de vue Cerise sur le gâteau, il y a ce projet de création, au sein du ministère du Numérique, d’une Agence nationale de cybercriminalité (ANCY). S’entretenant, en début août avec les magistrats membres du Conseil supérieur de la magistrature, le ministre du Numérique a fait cette promesse, rappelant que la création de cette ANCY va dans le sens du nouveau Code du numérique.
Tout compte fait, on va se retrouver avec une kyrielle de services poursuivant le même objectif ou presque, notamment le CNS et le CNC à la Présidence de la République, l’ANR au ministère de l’Intérieur ainsi que l’ANCY au ministère du Numérique. Toutes choses restant égales par ailleurs, il y a bel et bien un risque évident de télescopage.
Econews