Sommet extraordinaire de l’EAC : Probable face-à-face Tshisekedi-Kagame à Arusha 

Le président de la République est attendu ce vendredi à Arusha (Tanzanie) où il prendra part au  sommet extraordinaire de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). Une rencontre aux enjeux tels que Félix Tshisekedi se trouve dans l’obligation de mettre une parenthèse dans sa tournée électorale qui devait le conduire ce même vendredi dans la capitale de la province de la Tshopo, Kisangani. Sans préjuger des résultats de la réunion, il n’est pas superflu de rappeler que le sommet d’Arusha qui officiellement devrait se pencher, entre autres, sur le désengagement de la force de l’EAC réclamé par Kinshasa, mais surtout il se déroule dans la suite des fortes pressions américaines sur Kinshasa et Kigali destinées à faire baisser les tensions à la frontière entre les deux pays. Pour Kinshasa, cette Force régionale doit se désengager de la RDC, le 8 décembre 2023.

Le sommet de l’East African Community ouvert jeudi dernier à Arusha ne ressemblera à aucun autre, du moins vu de Kinshasa et de Kigali. Et pour cause. Le 19 novembre, le jour-même où dans un stade des Martyrs plein à craquer Félix Tshisekedi lançait sa campagne électorale, il était peut-être le seul à savoir qu’une délégation américaine XXL s’entretenait à Kigali avec le président rwandais Kagame. Une rencontre qualifiée de «haut niveau ».

PRESSIONS AMÉRICAINES SUR KIGALI ET KINSHASA

Le lendemain 20 novembre, Avril Haines, directrice du  renseignement national américain (DNI), accompagnée de Molly Phee, secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines et de Judd Devremont, Assistant spécial du président et  directeur principal des Affaires africaines au Conseil de sécurité nationale (NSC), tenait le même type d’entretien de «haut niveau » à Kinshasa avec le président de la RDC Tshisekedi au salon présidentiel de l’aéroport international de N’djili.

Le lendemain 21 novembre, la Maison Blanche publiait un communiqué qui renseignait que la République Démocratique du Congo et le Rwanda s’engageaient à prendre des «mesures spécifiques » pour réduire les tensions à la frontière entre les deux pays, Le même communiqué faisait savoir qu’à la suite de ces entretiens, Paul Kagame et Félix Tshisekedi «se sont engagés à répondre aux préoccupations respectives des deux pays en matière de sécurité ». Sur ces entrefaites, «le gouvernement américain se félicite, et entend surveiller ces mesures visant à une désescalade dans la région » ajoute le communiqué de la Maison Blanche.

KINSHASA PREND LES DEVANTS  

Dans la foulée, le général Sylvain Ekenge, porte-parole des FARDC, a annoncé que les officiers (et partant les hommes de troupe, ndlr) avaient interdiction stricte de « nouer ou d’entretenir tout contact  pour quelques motifs que ce soient avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ».

Kinshasa attend désormais que le Rwanda, constamment accusé de soutenir les rebelles du M23, prenne également des meures d’apaisement. Ceux-ci pouvant se traduire en priorité par le retrait des forces spéciales des RDF (l’armée rwandaise) stationnées dans le Nord-Kivu, et l’arrêt du soutien de Kigali aux rebelles, les incitant au désarmement et à leur cantonnement conformément aux processus de Luanda et de Nairobi.

La récente visite au Rwanda et en RDC de la cheffe du renseignement américain avait été précédée début novembre par des entretiens téléphoniques entre le secrétaire d’Etat Anthony Blinken  avec les deux dirigeants congolais et rwandais, l’incitant à la désescalade après une recrudescence des affrontements avec les rebelles opposés à Kinshasa.

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…avant de rencontrer le Rwandais Paul Kagame, a sensiblement changé la donne dans la région, ouvrant la voie à un possible rapprochement entre Kinshasa et Kigali

Officiellement, le sommet extraordinaire d’Arusha devrait plancher sur les modalités du retrait de la force régionale de l’EAC présente dans le Nord-Kivu que le gouvernement congolais accuse de pactiser avec les M23/RDF et à atténuer le froid qui s’est installé entre Kinshasa et Nairobi.

Par ailleurs, il sera question pour le chef de l’Etat congolais de communiquer à ses pairs de l’EAC  l’arrivée prochaine de la force de la SADC (Southern African Development Community) qui comprendrait les contingents sud-africain, angolais et tanzanien).

Une démarche laborieuse étant donné que la présidence tanzanienne a clairement fait savoir que dans l’éventualité du déploiement de ses troupes dans le cadre de la SADC, celles-ci n’auraient pas mandat d’engager des opérations contre le M23, la seule issue étant un règlement négocié.

L’ULTIME ENJEU D’ARUSHA 

Cependant, dans les coulisses d’Arusha et loin des caméras et micros, les chefs d’Etat, de l’EAC ne sont pas dupes. Informés de fortes pressions américaines sur Kinshasa et Kigali, ils n’auront de cesse d’abonder dans le schéma auquel la plupart d’entre eux ont adhéré, à savoir un début de «réconciliation » entre Kagame et Tshisekedi.

En d’autres termes, la désescalade tant vantée devrait nécessairement passer par la transcendance des égos des deux dirigeants instamment invités à mettre de l’eau dans leur vin respectif et abandonner leurs discours va-t’en guerre et à se parler enfin entre quatre-z-yeux. Bien qu’Arusha devrait s’achever avec son lot de non-dits, le changement des narratifs à Kinshasa et à Kigali sera le signe d’un éventuel apaisement entre les deux capitales.

Econews