À trois mois du début de la présidence française de l’Union européenne (UE), les autorités françaises multiplient les déclarations d’orientation et d’intention.
C’est au Caire en 2000 que des discussions se sont tenues pour la première fois au niveau continental entre l’Afrique et l’Europe, à Lisbonne que les deux continents ont lancé une stratégie commune Afrique-UE. Depuis, les réunions ont pris leur vitesse de croisière : elles ont lieu tous les trois ans, tantôt en Afrique, tantôt en Europe. Dans moins de trois mois, ce sera au tour de la France de prendre la présidence tournante de l’Union européenne (UE). Et le président Emmanuel Macron compte bien y jouer sa partition. Ces derniers jours, on en apprend un peu plus sur les thèmes qui seront au cœur des débats. Parmi eux, l’immigration.
Un nouveau traité Europe-Afrique sur l’immigration
Le président français a réaffirmé mardi 26 octobre qu’il souhaitait gérer le problème migratoire au niveau européen; il a exprimé le vœu qu’un nouveau traité Europe-Afrique soit signé au cours des mois à venir. «L’un de mes objectifs sous présidence française [de l’UE] est d’essayer de rebâtir un traité de paix et d’amitié avec l’Afrique, où une des données sera comment les Européens donnent la capacité à la jeunesse africaine d’avoir des opportunités dans son continent», a-t-il plaidé lors d’un «dîner des protestants». «Il faut penser avec les États d’origine une politique migratoire beaucoup mieux organisée, en particulier avec l’Afrique», a-t-il dit, tout en réclamant une meilleure protection contre les migrations illégales, leur reconduite systématique dans leur pays d’origine et une réforme de l’espace Schengen.
Face à «une pression migratoire beaucoup plus forte que ces dernières années, dans des sociétés en crise d’intégration, avec aussi des personnes qui viennent de pays plus difficiles à intégrer », a-t-il dit, «il faut améliorer l’intégration, y compris pour ceux qui sont là depuis longtemps, mais essayer dans le même temps de prévenir les nouvelles arrivées, car elles sont insoutenables pour nos sociétés, pour le continent européen, car une large majorité de ceux qui arrivent en demandant l’asile ne sont pas éligibles à l’asile», a-t-il insisté. «La plupart de ceux qui viennent pour demander l’asile viennent de pays avec lesquels nous entretenons des relations diplomatiques parfaites, auxquels nous donnons des dizaines, voire des centaines de milliers de visas. Au bout d’un an, ils se sont installés, dans une situation souvent d’illégalité, et ont pu construire une vie normale».
Le chef de l’État répondait au président de la Fédération protestante de France, François Clavairoly, qui lui a rappelé «l’exigence du droit d’asile » et regretté que «l’accueil soit nié par des discours de haine». «Chaque cas individuel, vous arriverez à me convaincre en tant qu’homme qu’il faut les garder, mais en tant que président je ne peux pas vous dire que cette situation soit viable, car cela vide de son sens ce qu’est l’asile», a-t-il dit, réclamant une distinction nette entre l’asile et toutes les autres migrations.
Il a par ailleurs souhaité le retour d’un «grand récit collectif ». «Nous sommes collectivement malheureux de ne plus avoir de grand récit, car nos compatriotes sont confrontés à la petitesse des petits récits», a-t-il dit. «Être président, c’est essayer chaque jour d’expliquer aux Français les raisons qu’ils ont de vivre ensemble», a-t-il conclu, au terme d’un dîner de bienfaisance organisé par un réseau d’entrepreneurs protestants. C’était la première fois qu’Emmanuel Macron participait à une rencontre avec les protestants, sur le modèle de ses rendez-vous réguliers avec les communautés juive, musulmane ou catholique.
Les préparatifs du prochain sommet UE-UA
Plus tôt mardi 26 octobre, c’est le chef de la diplomatie française qui a donné des pistes d’orientations à propos de la présidence française de l’UE. La France va faire du «renforcement du partenariat euro-africain» une des priorités de sa présidence de l’UE au premier semestre 2022, de la relance de l’économie à la lutte contre le terrorisme, a assuré Jean-Yves Le Drian lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union européenne et de l’Union africaine (UA) à Kigali. Cette réunion visait à préparer le prochain sommet UE-UA, qui se tiendra en février à Bruxelles, plus de quatre ans après celui d’Abidjan en 2017. «Nous avons un intérêt commun à continuer à transformer les interdépendances qui existent entre nos sociétés et nos économies en autant de solidarités pour bâtir l’avenir ensemble», a relevé le ministre français.
«Un avenir dont nous voulons être les acteurs et que nous ne voulons voir personne d’autre écrire à notre place, un avenir qui respecte […] les souverainetés de chacun », a-t-il insisté dans une apparente allusion à d’autres acteurs majeurs en Afrique, de la Chine à la Russie en passant par la Turquie.
La France est notamment vent debout contre le projet des autorités maliennes de transition de recourir aux services du groupe de sécurité russe Wagner, soupçonné par les Occidentaux de se rémunérer sur les ressources des pays d’accueil et de servir les intérêts du Kremlin. «Ce partenariat [euro-africain] doit faire l’objet d’une orientation politique nette et assumée au prochain sommet UE-UA dans des projets concrets et ambitieux», au service d’une «relance euro-africaine durable», a insisté Jean-Yves Le Drian.
Construire un véritable partenariat de peuples d’Europe et d’Afrique
Le ministre a notamment cité «le secteur de la santé, en créant des hubs régionaux de production du vaccin [anti-Covid] en Afrique et en renforçant les systèmes de santé partout sur le continent». Le Rwanda va devenir le 3e pays en Afrique à produire des vaccins anti-Covid après l’Afrique du Sud et le Sénégal, selon un accord conclu mardi à Kigali avec l’entreprise allemande BioNTech.
Jean-Yves Le Drian a aussi évoqué des projets dans le numérique – pour soutenir des start-ups africaines notamment–, «l’aide de la Banque européenne d’investissements dans les infrastructures de l’énergie ou l’agriculture » ou encore la formation des jeunes, enjeu clé du continent, et la «montée» en «puissance des mobilités universitaires en Afrique».
La sécurité sera aussi au centre des préoccupations, avec «une menace terroriste qui évolue au Sahel, qui s’étend vers le golfe de Guinée, qui frappe aussi le Mozambique », a souligné le ministre, en rappelant l’engagement des Européens au sein du groupe de forces spéciales Takuba au Mali. La France est aussi favorable au lancement d’une «initiative euro-africaine pour renforcer la sécurité maritime dans le golfe de Guinée», a-t-il précisé.
Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a aussi plaidé pour plus de solidarité européenne – au-delà des efforts déjà accomplis – concernant les livraisons de vaccins anti-Covid à l’Afrique. «Il faut rendre l’investissement moins risqué et plus attractif» en Afrique, a-t-il également insisté. «Nous voulons investir dans des infrastructures qualitatives», a-t-il dit.
Le vice-Premier ministre congolais et président du Conseil exécutif de l’UA, Christophe Apala Lutundula, a insisté sur la nécessité de «construire un véritable partenariat de peuples d’Europe et d’Afrique». «L’Union européenne est le plus grand partenaire commercial de l’Afrique. Il est important que ces liens soient renforcés pour créer de la valeur ajoutée et de l’emploi», a-t-il insisté, en rappelant que l’Afrique avait «la population la plus jeune du monde».
Leur homologue hongrois, Peter Szijjarto, a insisté lui sur la nécessité de contenir les migrations vers l’Europe. «Il faut permettre aux Africains de rester chez eux et non les encourager à quitter leur maison», a-t-il lancé.
Econews avec Le Point Afrique