Obnubilée par les voyages présidentiels et l’interminable débat autour de la question du changement de la Constitution, les échos quotidiens de détournements de deniers publics dans les institutions d’une part; et plus récemment par les bombardements des camps des déplacés dans la périphérie de Goma d’autre part, l’opinion congolaise en est presque venue à oublier que leur parlement tarde à mettre en place ses bureaux définitifs, sans que l’on en connaisse les raisons, ni l’ébauche d’un semblant de calendrier. A l’Assemblée nationale particulièrement où Vital Kamerhe, le futur président a été adoubé par un quasi plébiscite il y a un mois, on ne s’explique pas que le président du bureau d’âge s’obstine à «bloquer» le processus de la mise en place du bureau définitif, échaudé, pense-t-on, par son échec à rempiler au perchoir de la chambre basse. Christophe Mboso est accusé en outre de retarder à dessein l’autre urgence, celle de la nomination du gouvernement, 37 jours après la désignation de la Première ministre Judith Suminwa Tuluka. Une situation inédite qui voit la coexistence de deux premiers ministres, le sortant pourtant élu député national et… sénateur !
Tandis que les membres du réputé démissionnaire gouvernement, tous élus dans les différentes organes délibérants, continuent à expédier les affaires courantes avec pleins pouvoirs. Pour autant, ce serait faire fausse route de prétendre que les députés nationaux s’accommodent de cette situation de «chômage» forcé. Des voix s’élèvent déjà pour pousser Mboso à mener à son terme le processus de mise en place du bureau définitif de l’Assemblée nationale. Le premier à sonner le tocsin, le député Didier Kamundu Batundi. Dans une correspondance adressée à ses collègues ce 6 mai, il alerte que «cela fera bientôt un mois jour pour jour que les plénières sont reléguées aux calendes grecques comme s’il n’y a aucune urgence, alors qu’il y a l’urgence du parachèvement du processus de mise en place du bureau définitif qui prend en otage tout un Etat».Il se fait l’écho de la morosité généralisée qui règne dans les couloirs du Palais du Peuple : «le calendrier proposé a été abandonné sans qu’on nous dise à quand il sera repris.
Pendant ce temps, la situation sécuritaire se détériore de plus en plus au Nord-Kivu sous le silence coupable des acteurs politiques qui observent d’un œil complice comme si rien de grave ne se passait au pays». Sans ouvertement pointer du doigt le responsable de ce énième «blocage», qui se trouve être tout naturellement le président sortant et du bureau d’âge Christophe Mboso, le député «en appelle à la représentation nationale de se réveiller et d’exiger, conformément à son mandat, en endéans 24 heures, la reprise du processus de mise en place du bureau définitif pour donner ainsi la possibilité au chef de l’Etat et à la Première ministre la possibilité de nommer rapidement le gouvernement ». Faute de quoi, assure-t-il, les députés devraient s’assumer en tant qu’élus du peuple. MBOSO MENACÉ DE DESTITUTIONEn clair, le groupe de députés qui mènent la charge contre le bureau Mboso, se traduit par la destitution de ce dernier. En guise de parade, ce dernier avance pour argument le fait que plusieurs députés nationaux seraient bloqués dans les autres provinces où ils participaient aux élections des gouverneurs et sénateurs. Argument rapidement balayé du revers de main par un député de la majorité qui a requis l’anonymat : «C’est là une position aberrante. L’absence dans la capitale de certains députés ne peut suffire à ne pas publier le calendrier de la suite du processus. L’honorable Mboso n’a pas digéré son échec face au candidat de l’Union sacrée dont curieusement lui-même est membre du présidium !».
JUDITH SUMINWA : 37 JOURS A TOURNER LES POUCESL’une des victimes co-latérales des humeurs de Christophe Mboso, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka. Nommée le 1er avril 2024, la première femme cheffe du gouvernement est lentement retombée dans une espèce de léthargie qui contraste avec son activisme des premiers jours quand, à la suite de l’informateur Augustin Kabuya, elle a aussi entrepris de «consulter» tous azimuts. Quoique la formation du gouvernement ne soit pas tributaire d’un bureau de l’Assemblée nationale au complet, c’est néanmoins devant elle que l’équipe gouvernementale est investie.
D’où la promptitude exigée de Christophe Mboso à finaliser la composition du bureau définitif, à moins qu’il ne confirme par sa lenteur calculée les accusations selon lesquelles il envisagerait des mécanismes tendant à se maintenir parmi les sept membres du bureau ou à tout le moins, la «reconnaissance» de l’Union sacrée de la nation pour bons et loyaux services rendus à la mouvance tshisekediste.
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