Pour réussir la réforme de l’architecture financière mondiale, le président William Ruto impose au préalable « deux missions » à la BAD

Le président William Ruto a ouvert les travaux de la BAD à Nairobi

C’est un discours à la fois pragmatique et engagé que le président kenyan William Ruto a tenu, mercredi au Kenyatta International Convention Centre), à l’ouverture de la 59ème édition des assemblées annuelles de du Groupe de la Banque africaine de développement. Si la BAD joue sa partition pour accroitre les financements en faveur des pays africains, le président Kenyan lui impose cependant un nouveau challenge pour gagner la bataille de la réforme de l’architecture financière mondiale. Il le décrit en deux axes : « Premièrement, écrivons un nouveau discours pour l’Afrique par la création d’une Agence africaine de notation financière pour donner les réalités justes et équitables de nos économies. C’est aussi une façon de réduire le risque. Deuxièmement, aider nous à bien calculer le PIB des pays africains, en intégrant toutes les potentialités du continent ».

Le président kenyan William Ruto a pris la parole lors de la 59ème édition des assemblées annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement pour insister sur l’importance de la réforme de l’architecture financière mondiale. Alors que la BAD continue d’augmenter les financements en faveur des pays africains, le président Ruto a souligné la nécessité d’un nouveau défi pour l’institution.

Lors de son discours au Kenyatta International Convention Centre, le président Ruto a appelé le président de la BAD, Akinwumi Adesina, à relever deux missions majeures. Tout d’abord, il a proposé la création d’une Agence africaine de notation financière pour mieux représenter les réalités économiques du continent africain et réduire les risques. Ensuite, il a souligné l’importance de calculer le PIB des pays africains de manière plus précise en prenant en compte toutes les potentialités du continent.

Selon le président Ruto, l’Afrique ne pourra faire valoir sa voix dans la réforme de l’architecture financière mondiale que si elle adopte une « position commune et unie ». Il estime que la création d’une Agence africaine de notation financière et une évaluation plus précise du PIB africain seront des pas essentiels vers cet objectif.

Sur ce point, le président kenyan a appelé ses pairs africains à innover dans leur approche, en s’émancipant de l’auto-flagellation.

« Soyons confiants en nous-mêmes. C’est la question essentielle. Nous devons arrêter d’externaliser les problèmes nous-mêmes ou externaliser les solutions que nous pouvons prendre nous-mêmes », a dit le président Ruto.

Dans cette marche douloureuse, le président kenyan pense que « la Banque africaine de développement est déjà sur la bonne voie ». Avant de nuancer : « Tout ce qu’elle nous demande, c’est notre soutien. C’est notamment la reconstitution du Fonds africain de développement à hauteur de 25 milliards USD ».

Liant la parole à l’acte, le président kenyan a, séance tenante, fait la promesse d’apporter 20 millions de dollars américains pour la reconstitution de ce Fonds. « Pour que d’autres croient en nous, nous devons d’abord faire le premier pas », préconise le président Ruto.

Il  est temps, rappelle le président Ruto, pour l’Afrique de se prendre en charge : « On ne va laisser personne derrière. Nous devons cependant mettre en action nos discours pour avancer ». Il ne cache pas son optimisme : « Nous avons tous les éléments pour réussir. Le cap est prometteur »..

Aux afro-pessimistes qui pensent que l’Afrique n’a aucune chance pour gagner la bataille de la réforme de l’architecture financière mondiale, le président Ruto rétorque : « L’Afrique n’est pas dans une opération de mendicité. Nous sommes un continent qui veut croitre en ayant accès aux financements dans l’équité (…) Cette transformation de l’architecture financière internationale est un impératif pour aider l’Afrique à croitre de manière durable et inclusif ».

En proposant ces mesures pragmatiques et engagées, le président Ruto montre sa détermination à faire avancer l’Afrique sur la scène financière mondiale. Il appelle à une collaboration renforcée entre les pays africains et les institutions financières internationales pour garantir une représentation juste et équitable du continent dans les discussions financières mondiales.

Les 60 ans de la BAD

Créé en 1964 à l’initiative de l’UA, alors Organisation de l’unité africaine, la BAD celèbre cete année ses 60 ans d’existence. Au regard du chemin parcouru et de nombreux défis relevés, son président, Akinwumi Adesina, est un homme complet : « Aujourd’hui, nos pères fondateurs peuvent être fiers d’une Banque financièrement viable ». D’où, sa recommandation : « Œuvrons ensemble pour le développement de l’Afrique ».

Mais, le plus éloquent dans les discours qui ont ponctué le lancement des festivités de 60 ans de la BAD était Mahamat Moussa Faki, président de la Commission de l’UA.

Sans détours et circonlocutions, il n’est pas allé par le dos de la cuillère. « Les anniversaires sont des moments de réjouissance, mais aussi de bilan. La Banque a fait du chemin. Et son agenda dans chaque pays membre est consistant. Et l’Union africaine a chargé la Banque de l’accompagner dans la réalisation de son agenda 2063 », a-t-il déclaré, jetant au président Adesina pour son leadership : « Merci cher Adesina pour les efforts accomplis jusque-là pour faire avancer l’Afrique ! »

« A ce jour, pense-t-il, le défi reste les infrastructures pour connecter les économies africaines », sans oublier l’énergie. Et de s’interroger : « Comment on peut envisager un développement réel sans l’énergie ». Selon lui, la Banque a besoin de l’accompagnement des Etats membres pour faire plus : « La Banque ne peut pas faire mieux sans le soutien politique de ses Etats membres ». Ce qui relance, selon lui, la problématique de la réforme de l’Union africaine.

« Il manque encore suffisamment politique de volonté politique pour entamer la réforme de l’Union africaine. La Banque ne peut porter la voix de ce continent qu’en étant uni, intégré et parlant d’une seule voie », rappelle-t-il. « J’interpelle le leadership africain sur la nécessité d’améliorer la gouvernance politique et économique de nos Etats pur soutenir les actions de l’Afrique que nous voulons ».

Lancement de la stratégie décennale de la Banque

Les assises de Nairobi ont été aussi l’occasion du lancement de la stratégie décennale de la Banque pour la période 2024 – 2033. Des exemplaires de ce document ont été symboliquement au président Ruto du Kenya, à Mahamat Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine, à Akinwumi Adesina, président de la BAD ainsi qu’au ministre kenyan du Trésor et de la Planification, président du Conseil des gouverneurs des assemblées annuelles 2024.

Cette stratégie, qui vise à saisir les opportunités pour créer un continent prospère, inclusif, résilient et intégré, devrait retenir l’attention de ses actionnaires, surtout qu’elle prône une accélération de la croissance verte et inclusive et fait la promotion d’économies prospères et résilientes sur le continent qui prend en compte les jeunes et les femmes.

A Nairobi, des chefs d’Etat présents à la cérémonie d’ouverture, dont Denis Sassou Nguesso (Congo/Brazzaville), Paul Kagame (Rwanda), Mnangagwa (Zimbabwe) et bien d’autres chefs de gouvernement, ont pris l’engagement d’accompagner la BAD dans le nouveau challenge de la réforme des institutions financières nées du consensus de Bretton Woods en 1944.

Une dynamique est donc née à Nairobi. Il n’attend plus que l’adhésion de tout le continent, avant d’être portée au niveau mondial.

Faustin K. (Depuis Nairobi)